Cet article fait partie du dossier : Les Rendez-vous Mobilités du Cerema
Voir les 58 actualités liées à ce dossierPremière partie : apports, et limites des approches qualitatives et quantitatives dans l’évaluation
Joël Meissonnier, socio-anthropologue et chercheur au Cerema, a centré son propos sur l’approche qualitative des politiques publiques et des comportements associés. Il ressort des exemples présentés que les études longitudinales combinant observations in situ et entretiens, permettent de mettre en évidence des solutions plus adaptées pour répondre aux besoins de mobilité d’un groupe de population donné : ici, les personnes âgées, et les personnes avec déficiences cognitives. Autrement dit, le recours à l’évaluation quantitative n’est pas systématiquement nécessaire : l’observation unique d’un dysfonctionnement peut parfois amener directement vers des pistes des solutions pour améliorer le service/le projet.
Puis, Yves Crozet, Professeur émérite en économie du LAET, nous a retracé l’évolution de l’approche quantitative de l’évaluation. Ainsi, les politiques publiques ont tout d’abord cherché à lutter contre la rareté du temps.
Effectivement, l’accessibilité a longtemps été réduite à un problème de vitesse et traduite ainsi dans l’approche économétrique de l’évaluation.
Désormais, face à la problématique de l’étalement urbain, et de l’allongement des déplacements quotidiens, les politiques publiques cherchent de plus en plus à lutter contre la rareté de l’espace.
Pour exemple, le développement des transports en commun en milieu urbain qui permettent d’augmenter l’accessibilité aux aménités tout en réduisant l’espace aux voitures. La métropole de Lyon illustre ce cas où, par le développement du tramway, priorité a été clairement donnée à la gestion des espaces rares, et non à la question du temps. Ces tramways permettent d’accompagner la densification urbaine et de revitaliser les centres villes.
Le « tournant de l’accessibilité » n’a, en revanche, pas encore eu lieu jusqu’en périphérie des métropoles : un peu comme si le sujet de la mobilité avait échappé aux décideurs publics sur ces territoires. Or, une approche quantitative réduite au bilan carbone favorise le véhicule électrique, mais ce dernier peut conduire à un effet rebond de l’usage des véhicules particuliers (cf Norvège). Alors que l’enjeu est bien de prendre aussi en compte la rareté de l’espace.
Une solution qui se dessine est, sur le réseau viaire dans les périphéries, d’aller vers un partage de la voirie avec des modes qui consomment moins d’espace (vélos, VAE, autocars, covoiturage, etc...).
Discussion autour de la prise en compte dans l’évaluation de l’acceptabilité sociale des mesures de réduction de la vitesse
Yves Crozet est convaincu qu’il faut privilégier une réponse différenciée : ce n’est pas la même chose de proposer une mesure qui concerne tous les automobilistes (ex : réduction de 90 à 80 km/h) et des mesures de réduction des espaces (ralentisseurs, réduction de voie en entrée, voies réservées, etc) qui sont associées au développement de nouveaux modes de déplacements (trottoirs plus larges, pistes cyclables, voies réservées TC…)
Joël Meissonnier, lui, pense que la problématique pour les collectivités est plus de traiter la question des heures de pointe où finalement la vitesse de circulation n’est même pas de 30 km/h … Une enquête qualitative réalisée il y a quelques années sur le sujet, pour proposer d’autres moyens de transports aux personnes qui utilisent la VP (yc en situation congestionnée) a montré que certaines personnes ne vivent pas mal le temps dans les embouteillages (« mon moment à moi »).
La mobilité n’est pas seulement une translation d’un point A vers un point B : le vécu du déplacement intervient beaucoup dans le choix modal (expérience vécue, socialisation, proximité, etc.).
Yves Crozet rappelle qu’avant, les politiques publiques étaient centrées sur la fluidité ; désormais il est courant de réguler par la congestion. On observe également un changement des normes sociales : la voiture en ville devient un mode de transport toléré mais pas dominant.
Joël Meissonnier conclut en expliquant qu’il s’opère une réorganisation du temps de la vie quotidienne par rapport aux habitudes individuelles de transport : le temps du transport n’est pas un temps où il ne se passe rien, c’est un temps de la vie comme un autre.
Deuxième partie centrée sur des cas d’études concrets intégrant une démarche évaluative qualitative et/ou quantitative
TELLI et analyse du cycle de vie – Bruno Meignien, Cerema & Geoffrey Lefebvre, SNCF
Le Cerema présente sa mission qui consiste à développer le potentiel des petites lignes : comment faire en sorte que le train soit une réelle alternative dans le monde des mobilités ?
La démarche évaluative permet de se poser les bonnes questions en amont du projet : définir l’objectif, et ensuite concevoir une batterie d’indicateurs qui vont permettre de créer une typologie de petites lignes.
In fine l’objectif avec les outils coufer et geofer présentés ici et développés par le Cerema, est de pouvoir comparer différents scénarios de desserte ferroviaire sur des petites lignes avec une approche attractivité/fréquentation et coût complet. Les paramètres sont essentiellement quantitatifs (fréquentation, coût d’exploitation…)
Coufer :
Le but de ce modèle est de pouvoir évaluer précisément le coût complet annualisé d’une liaison ferroviaire commerciale, en distinguant coûts fixes et coûts variables, et de comparer des scénarios d’évolution (en particulier : cadencement) entre eux et avec la situation actuelle (voir l'article du Cerema).
Géofer :
Cet outil croise des données géolocalisées de population, salariés, scolaires, points d’attraction et lits touristiques, avec des isochrones d’accès aux gares
Ensuite, la SNCF présente sa méthode « Analyse du Cycle de vie » du projet TELLI, qui est réalisée dans la perspective d’une éco-conception. L’évaluation porte sur l’impact carbone des différentes technologies des composants, notamment les batteries, et la consommation des énergies.
L’analyse a priori ainsi réalisée permet de pouvoir échanger avec les industriels pour une meilleure conception des matériels avec un impact réduit sur l’environnement.
Evaluation des passages piétons sur Voies Tramway,
Christian Sautel & Valérie Battaglia, Cerema
L’objectif de l’évaluation présentée est de réduire les accidents en traversée piétonne.
Les sites où ont été conduites les évaluations sont Angers, Bordeaux, Marseille et Ile de France
Cette évaluation présente une approche mixte qualitative et quantitative, avant et après la mise en place d’un nouveau marquage au sol
Il n’y a pas d’opposition entre méthodes qualitative et quantitative mais plutôt une complémentarité dans cette étude.
La partie qualitative permet d’aborder des questions sur des usages non observables avec les caméras qui équipaient les sites évalués.
Voies réservées TC de Nantes
Nicolas Ditchi, Cerema & Anne-Charlotte David, Nantes Métropole
Il s’agit d’un projet de mise en place de voies réservées pour les cars sur l’A 83, pénétrante au sud de l’agglomération nantaise.
L’approche quantitative sur les effets sur la circulation de cette voie a été complétée par un volet qualitatif afin d’évaluer l’acceptabilité par les agents de la DIR Ouest et les transporteurs, au moyen d’entretiens (individuels et collectifs).
Dans le dossier Les Rendez-vous Mobilités du Cerema