INTERVIEW – Services express régionaux métropolitains : le point, un an après la loi – Édouard PARANT, DGITM


Édouard Parant,
Coordinateur national des Services express régionaux métropolitains
à la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités
QUESTION : Un peu plus d’un an après la promulgation de la loi, 26 projets ont été labellisés, vous attendiez vous à un tel dynamisme ?

La loi fixait comme objectif à son article 1er la « mise en place d'au moins dix services express régionaux métropolitains, dans un délai de dix ans à compter de sa promulgation ». L’engouement des collectivités pour la démarche est certain avec à date 26 dossiers labellisés dans les 11 régions métropolitaines ; d’autres sont annoncés dans les mois à venir pour atteindre une trentaine de projets.
En fixant un cadre souple à la démarche, avec des projets "pour et par les territoires ", la loi permet de contextualiser la réponse aux besoins de mobilité longue du quotidien identifiés par les acteurs locaux, sans calquer de schémas préformatés, ce qui explique la variété des dossiers labellisés.
Pour rappel les SERM répondent à un triple objectif :
de justice sociale alors que 15 millions de nos compatriotes sont en situation de précarité de mobilité, dépendants de leur véhicule ou assignés à résidence ;
écologique dans la mesure où il s’agit de susciter un report modal vers les mobilités collectives et actives décarbonées ;
d’égalité des territoires, avec un aménagement équilibré entre centralité, communes périurbaines et villes moyennes.

QUESTION : De nombreux territoires ont maintenant engagé des études dites de préfiguration, quel est l’objectif de ces études et par qui sont-elles financées ?
La phase de préfiguration est l’occasion pour les porteurs d’un SERM de coconstruire leur feuille de route et de définir les modalités de sa mise en œuvre, avec un calendrier adapté. Ainsi ces travaux devront permettre, sur la base d’une proposition conjointe de la région et des autorités compétentes pour l'organisation de la mobilité de :
présenter les objectifs assignés au SERM en matière de lutte contre le changement climatique et d’aménagement du territoire, caractériser les offres de services cibles et les aménagements nécessaires, expliciter les démarches entreprises afin de coordonner les services, et maîtriser l'urbanisation ;
définir le calendrier progressif de déploiement et les investissements associés par phases ;
formaliser la gouvernance du projet, la structure locale de coordination, les périmètres de maîtrise d’ouvrage et d’intervention des cofinanceurs ;
expliciter les modalités de financement retenues.
L’État accompagne les territoires dans cette phase d’émergence, aux niveaux méthodologique et financier. L’État est ainsi le premier cofinanceur des phases de préfiguration, avec un taux de 50 %, soit 17 M€ engagés. Région et métropole complètent le tour de table financier avec dans certains cas, le département et les EPCI du périmètre SERM.
Pour rappel, les protocoles des contrats de plan État-Région (CPER) 2023-2027 signés prévoient de mobiliser près de 2,7 Md€, dont 891 M€ de part État, de quoi finaliser les phases d’études et engager les premiers travaux, comme cela a déjà été le cas sur les SERM de Bordeaux et Strasbourg.

La phase de préfiguration est l’occasion pour les porteurs d’un SERM de coconstruire leur feuille de route et de définir les modalités de sa mise en œuvre, avec un calendrier adapté.
QUESTION : Une fois les projets labellisés, les porteurs de projet doivent déposer un dossier pour demander l’octroi sur statut SERM, que permet l’obtention de ce statut ?
L’idée du législateur est de faire une « loi d’accélération », en permettant aux territoires de mobiliser les leviers utilisés pour le Grand Paris Express. Le statut SERM permettra donc aux collectivités de mobiliser l’expertise de la Société des grands projets (ex. société du grand Paris) et ainsi de :
- l'associer à l'élaboration des propositions de service express régional, sur décision du ministre chargé des Transports, et à la demande de la Région et des autorités compétentes, conjointement avec SNCF Réseau et sa filiale (option levée par 14 territoires);
- lui confier la maîtrise d'ouvrage de certaines infrastructures de transport nécessaires au SERM et situées à l'intérieur du périmètre de ces services (nouvelle section de ligne ferroviaire, ou nouvelle gare par exemple) ;
- la faire participer au financement des projets d’infrastructures de transport entrant dans le périmètre du SERM, en mobilisant l’emprunt adossé à un panier de recettes fiscales dédiées, robuste, dynamique et d’assiette large pour maximiser son rendement ;
- lui permettre de participer à la coordination d’ensemble de la réalisation des infrastructures, lorsqu’elle participe au financement.

QUESTION : Plusieurs territoires avaient déjà engagé des renforts d’offre dans l’esprit des projets de SERM (Strasbourg, Bordeaux, Franco-Genevois), comment ces expériences nourrissent-elles les projets ?
Ces territoires précurseurs ont démontré, bien avant la loi, que des solutions pragmatiques peuvent se déployer rapidement. Ces projets de services multimodaux s’appuient sur une feuille de route coconstruite, progressive, et avec de premiers résultats tangibles à court terme, en phase avec les demandes de nos concitoyens.
Travailler sur une billettique interopérable entre TER et réseaux urbains, une tarification combinée avant d’être intégrée, le renforcement et l’optimisation de l’offre, ne nécessite pas de travaux et permet d’apporter de premiers niveaux de réponse en matière d’offre de mobilité. Cela participe à la crédibilité de l’action publique et devrait générer un effet d’entraînement en faveur du report modal.

QUESTION : D’une manière générale, en quoi cette dynamique nationale vous paraît-elle intéressante ?
Les projets de SERM s’inscrivent dans le temps long, même si l’urgence recommande de proposer à nos concitoyens de premières solutions de court terme. Aussi, en concentrant nos efforts sur les mobilités longues du quotidien, cette loi mobilise l’ensemble des acteurs de la chaîne des transports ; sa réussite passe par la coopération.
Coopération entre l’État et les territoires, c’est le sens de la nouvelle méthode prôné par le premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Coopération entre collectivités, à commencer par régions et métropoles qui doivent travailler main dans la main et non côte à côte. Coopération enfin entre les métropoles et les communes et EPCI qui les entourent, notamment pour répondre aux enjeux d’urbanisme.
Pour ce faire, les collectivités sont invitées à travailler de concert à la mise en place d’une structure de gouvernance dédiée, gage d’une dynamique pérenne. Cela permet de renforcer la coopération et les partenariats entre acteurs, indispensables pour articuler urbanisme et transport (limitation de l’étalement urbain et densification autour des pôles d’échanges multimodaux), et accroître l’attractivité des SERM. Ainsi si le délai de 10 ans peut paraître court à l’échelle du temps ferroviaire, des solutions routières type car express et covoiturage peuvent utilement être déployées en préfiguration et/ou en complémentarité avec l’ambition ferroviaire.
