Cet article fait partie du dossier : Les Rendez-vous Mobilités du Cerema
Voir les 58 actualités liées à ce dossierDans la cadre des Rendez-vous Mobilités, le Cerema avait choisi pour sujet, le 23 mars 2023, "La décarbonation des mobilités : enjeux et leviers".
Le rôle des transports pour atteindre les objectifs de neutralité en carbone
Stéphane Chanut, directeur du département Mobilités, espace public et sécurité à la direction technique Territoires et ville, et responsable du domaine Mobilités pour le Cerema, a accueilli les participants en soulignant combien l’indispensable décarbonation des activités humaines s’imposait, notamment pour le secteur des transports. La parution, au début de la même semaine, de la synthèse du sixième rapport d’évaluation du GIEC, l’avait d’ailleurs rappelé.
La France s’est fixé comme objectif d’être neutre en carbone en 2050 (loi énergie-climat 2019). Cet impératif s’applique tout particulièrement au secteur des transports, comme rappelé dans la loi d’orientation des mobilités (LOM). L’ambition est en effet très forte pour ce secteur devenu le premier émetteur de gaz à effet de serre du pays avec 29 %, l’usage de la voiture représentant à lui seul 53 % de ces émissions, (et 16 % des émissions françaises totales), les poids-lourds et utilitaires légers 40 %, d’après le Bilan annuel des transports en 2020.
Stéphane Chanut a rappelé que l’enjeu était aujourd’hui le passage à l’action, au plus près des enjeux territoriaux, et que c’était l’engagement du Cerema d’accompagner les territoires dans ce cadre, en les aidant à identifier leurs enjeux locaux, en leur apportant des outils et méthodes sur les mobilités, en facilitant le partage de bonnes pratiques, et en aidant à hiérarchiser les actions.
Dans le cadre de sa mission de diffusion et valorisation des connaissances, il a rappelé que le Cerema a produit en 2022 un "dossier" partenarial sur la décarbonation des mobilités, composé d’articles de nombreux contributeurs, et que le Cerema diffuserait, à la fin du premier semestre 2023, un "Cahier du Cerema", qui synthétiserait les enjeux et les leviers en matière de décarbonation des mobilités, tels qu’ils seront évoqués dans ce webinaire.
Quels leviers d'action pour les collectivités ?
Stéphane Chanut a conclu en remerciant Yves Crozet, professeur émérite à Sciences Po Lyon, ancien directeur du Laboratoire Aménagement Économie Transports, d’avoir bien voulu jouer le rôle de grand témoin.
Patrice Morandas a présenté le programme détaillé du webinaire, organisé en trois séquences de présentations chacune suivie d’un temps d’échanges, la première, consacrée aux enjeux de décarbonation des mobilités, les deux suivantes dédiées aux leviers pour y faire face.
Pour ouvrir la première séquence, il a donné la parole à Yves Crozet, qui, parmi ses nombreuses interventions publiques, a notamment été le rédacteur principal de l’étude publiée en janvier 2023 par TDIE : "Engagements climatiques et mobilités : à la recherche du bien commun".
Yves Crozet a montré, graphiques à l’appui, le retard pris par la France par rapport aux trajectoires de baisse d’émissions de CO2, surtout dans le domaine des transports. Selon l’équation publiée par l’économiste japonais Yoichi Kaya en 1993, les émissions unitaires dépendent d’une part de l’état des techniques, couvrant à la fois l’efficience des motorisations et les sources d’énergie plus ou moins carbonées, d’autre part des trafics (pass.km et tonnes-km), dépendant eux-mêmes de trois variables : le partage modal, le taux de remplissage des véhicules et le nombre de véhicules-km (la demande).
Or, selon le calcul effectué par Aurélien Bigo dans sa thèse, l’efficience moteur s’est sensiblement améliorée entre 1960 et 2018, tout comme, dans une moindre mesure, l’intensité carbone des sources d’énergie. Cependant, dans le même temps, la situation s’est dégradée de plus de 20 % en matière de report modal et de remplissage des véhicules, quand la demande globale de déplacements a été multipliée par presque 5, et donc les émissions de Gaz à effet de serre de par plus de 4.
Pour diminuer ces GES de 30 % entre 1990 et 2030, il faudrait, selon l’hypothèse présentée par Yves Crozet, diminuer les émissions unitaires de 15 % et les déplacements de 5 %, et augmenter le taux de remplissage de 15 % (pour retrouver son niveau des années 80), et aller encore plus loin pour les diminuer de 90 % d’ici 2050, ce qui supposera de fortes contraintes sur la voiture, en matière de prix et de réglementation.
Pierre Chaniot puis Laurent Jardinier, deux des trois co-animateurs de cette journée, sont ensuite intervenus au titre du Cerema, pour prolonger l’intervention d’Yves Crozet, le premier autour de l’approche "Éviter, changer, améliorer" et des divers modes de transports, le second sur la prise en compte des enjeux de diversité des territoires, de financement, d’acceptabilité ...
Après une première séquence de questions-réponses, permettant de compléter les échanges du dialogue en ligne (Cf. fichier spécifique), (et de préciser que la période Covid a créé une rupture temporaire dans les statistiques expliquant la relative ancienneté de certains chiffres), divers(e)s expert(e)s Cerema ont présenté une première série de leviers, ceux permettant, en aval, de proposer des alternatives à l’autosolisme et plus globalement à la circulation carbonée des personnes et des marchandises.
Sont ainsi successivement intervenu(e)s : Marion Ailloud sur "Développer les modes actifs", Florence Girault sur "Encourager le report modal et faciliter l’intermodalité", Honoré Rouland sur "La mobilité partagée", Florence Girault à nouveau sur "La transition énergétique des mobilités", et enfin Cédric Bariou sur "La logistique urbaine".
Une autre séquence de questions-réponses a permis d’approfondir les points évoqués, avant de laisser la place à la présentation de la deuxième série de leviers, ceux intervenant en amont, sur la maîtrise de la demande de déplacements.
Se sont succédés Patrice Morandas sur l’articulation urbanisme-transports, Laurent Jardinier sur la régulation de la demande puis Joris Marrel sur le management de la mobilité, avant une dernière intervention d’Yves Crozet sur la mobilité en tant que bien commun et les exigences que cette notion implique en termes de discipline collective, aboutissant à cette triple interrogation majeure : Doit-on ? Peut-on ? Veut-on rationner les déplacements ?
Après la troisième séance de questions-réponses, Patrice Morandas, adjoint au directeur du département Mobilités du Cerema Territoires et Ville, a conclu ce débat sur une dernière liste de questionnements autour de la mise en œuvre de la décarbonation dans les territoires.
Il a enfin remercié à nouveau l’ensemble des participant(e)s et des intervenant(e), en premier lieu Yves Crozet pour son précieux apport y compris aux réponses orales, et donné rendez-vous pour les prochains Rendez-Vous Mobilités du Cerema, dont celui du 22 juin sur le covoiturage, un des thèmes évoqué au cours de la séance.
Le replay :
Dans le dossier Les Rendez-vous Mobilités du Cerema