Cet article fait partie du dossier : Les Rendez-vous Mobilités du Cerema
Voir les 56 actualités liées à ce dossierStéphane Chanut, directeur du département Mobilités, Espaces Publics et Sécurité au Cerema Territoires et Ville, et responsable du domaine Mobilités pour le Cerema, a accueilli les participants en soulignant l’acuité du sujet depuis quelques années, notamment en France. En effet, après avoir été condamné par la Cour de justice de l’Union européenne le 24 octobre 2019 "pour manquement aux obligations issues de la directive qualité de l’air" de 2008, l’État français l’a été par le Conseil d’État, le 4 août 2021, pour dépassement des valeurs limites de particules fines depuis 2005, et de dioxyde d’azote depuis 2010, dans plusieurs aires urbaines. Il doit ainsi verser, au titre du premier semestre 2021, une astreinte de 10 Millions d’Euros à diverses personnes morales, dont les principales ont été invitées à intervenir lors de cette conférence : Cerema bien sûr, mais aussi ADEME et réseau Atmo France, qu’il remercie pour ce partenariat.
Il a évoqué les 36 fiches projet que le Cerema a retenu en interne pour l’usage des 2,5 M€ dont il est affectataire dans ce cadre, et qui lui permettront de renforcer sa double mission de diffusion de connaissance et d‘accompagnement des collectivités. Stéphane Chanut a conclu en invitant les participant(e)s à suivre les démarches du Cerema, comme de l’ensemble des autres acteurs, pour pouvoir faire progresser ensemble la qualité de l’air, au profit du confort et de la santé de tous.
Réduire l'impact des mobilités : pourquoi et comment ?
Karine Muller-Perriand, du Cerema Centre-Est, a ensuite introduit techniquement le sujet en exposant les grands enjeux dont le lien entre pollution atmosphérique et santé, aussi bien à court terme lors des pics de pollution qu’à long terme par une pollution quotidienne. Il est donc impératif de réduire à la fois les émissions à la source (par l’échappement et hors échappement) et l’exposition des populations, via les sources d’émission des polluants par les transports (échappement, équipements automobiles, infrastructure, évaporation ...), et les paramètres influençant ces émissions.
Leur réduction suppose d’agir sur le parc des véhicules (type, cylindrée, âge, motorisation), la cinématique de ces derniers (vitesse, conduite, conditions de circulation), les distances parcourues et donc le mode de transport utilisé.
Mme Françoise Schaetzel, Présidente de l’Alliance des collectivités pour la qualité de l’air a ensuite exposé la vision et l’action des collectivités, en l’illustrant par des exemples issus du réseau de la trentaine de collectivités travaillant à ce jour avec l’Alliance, soit la plupart des grandes métropoles françaises. Créée en 2019, l’alliance s’est fixé le triple objectif de partager les expériences, valoriser l’implication des collectivités dans la lutte contre la pollution de l’air et porter un plaidoyer à l’échelle nationale pour influer sur les politiques publiques en ce domaine.
Médecin de formation, Mme Schaetzel rappelle qu’on estime à 40 000 par an le nombre de décès imputables en France à la qualité de l’air, touchant durement les personnes défavorisées. Beaucoup trop de trajets courts s’effectuent en voiture, occasionnant, avec le transport routier lui aussi très impactant, 31 % des émissions totales de gaz à effet de serre.
Face à cela, les collectivités agissent, en réduisant la place de la voiture en ville, en développant les transports en commun, en favorisant les mobilités actives. L’Eurométropole de Strasbourg, dont Françoise Schaetzel est l’élue, a ainsi développé sur ses 33 communes, en concertation avec la population et la Région Grand Est, un ambitieux projet de ZFE-m (zone à faible émission mobilités).
Didier Chapuis, en tant que référent national mobilités pour le réseau Atmo France (il est par ailleurs directeur territorial de l’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes), a justement présenté ensuite la démarche et le processus d’élaboration et de mise en œuvre d’une ZFE-m, avec les six étapes de l’étude d’opportunité puis de l’étude réglementaire. Il a souligné la nécessité d’un travail collaboratif entre les experts mobilité et air, et le besoin de concerter, communiquer, accompagner, pour assurer la compréhension et l’efficacité de la démarche.
Il a ensuite présenté, à titre d’illustration, les fiches territoriales d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, qui permettent de fournir à une collectivité un premier diagnostic de la qualité de l'air de son territoire, nécessaire à la construction du plan d'action air et à l'élaboration de l'étude d'opportunité ZFE-m. Elle concatène pour cela un ensemble d'indicateurs disponibles actualisés :
- contexte,
- concentrations et données d'exposition de population,
- émissions de polluants atmosphériques,
- urbanisme
- qualité de l'air.
Didier Chapuis a enfin présenté la démarche globale d’une étude pour apprécier les impacts sur la qualité de l’air, avec différents scenarii d’émission de polluants, par zones et par tronçons. Les effets positifs d’une ZFE-m sont importants sur les particules fines et plus encore sur les oxydes d’azote.
Des outils pour agir
Après une première séquence de questions-réponses, permettant de compléter les échanges du dialogue en ligne (Cf. fichier spécifique), le Cerema (Territoires et ville) est intervenu à nouveau.
Damien Verry et Charlotte Periard ont présente l’outil DEEM (diagnostic énergie émissions des mobilités), qui permet notamment d’exploiter et affiner sur ce sujet les EMC² (enquêtes mobilité certifiées Cerema), dans un triple objectif :
- réguler l’hypermobilité pour réduire la pollution sans accroître la précarité et la vulnérabilité,
- outiller la mesure statistique pour éclairer les décisions,
- mesurer l’impact de la transition à venir (ZFE-m, fin du véhicule thermique ...) sur les différents types de ménages.
On a noté par exemple, dans l’enquête sur l’aire de Grenoble, que les émissions moyennes de polluants liées aux mobilités augmentent selon le revenu du ménage. Le DEEM permet de relier déterminants, comportements de mobilité et impacts environnementaux. L’objectif est désormais de développer un outil de data-visualisation dynamique autour des études de ZFE-m et des indicateurs généraux du DEEM, à partir d’indicateurs relatifs aux personnes, aux déplacements et aux émissions.
Laurent Jardinier est revenu sur la démarche ZFE-m et ses contraintes de mise en œuvre. Il a rappelé à son tour la nécessité, pour la santé, de limiter les émissions à la source par d’autres pratiques de mobilité et, à défaut, de capter et disperser les polluants, en s’appuyant notamment sur les solutions fondées sur la nature et les politiques d’aménagement. Les leviers "mobilités" pour agir sur la qualité de l’air sont en effet la demande de transports, le report modal, le taux de remplissage des véhicules, leur efficacité énergétique.
Les ZFE-m soulèvent de lourds enjeux, comme le contrôle automatisé des véhicules, l’intégration ou non des voiries nationales dans les périmètres, la forte sensibilité à l’acceptabilité sociale … Laurent Jardinier a souligné combien, dans ces conditions, sont déterminants le portage politique, l’inscription dans les politiques locales de mobilité, et l’accompagnement. L’évaluation des impacts de cet outil n’est pas simple (Cf. présentation précédente), ni sur le trafic, ni sur les émissions, ni en matière sociale.
Le coût des véhicules électriques neufs, solution technique d’avenir pour la qualité de l’air, fait que le parc automobile des ménages modestes, très largement constitué de véhicules d’occasion assez anciens et mal classés en "Crit’Air", risque de mettre de longues années avant d’être en conformité avec les exigences des ZFE-m.
C’est ensuite Laurent Gagnepain, du Service Transports et Mobilité de l’ADEME, qui a présenté un point souvent méconnu, les émissions "hors échappement" des véhicules qui, en Europe, représentent plus de la moitié des particules générées par le trafic routier.
En effet, on considère que 16 à 55 % des PM10 sont dus aux freins (3 % sur autoroute), 5 à 30 % au contact pneu / chaussée, et 28 à 59 % à la remise en suspension de polluants déjà présents sur la route. L’introduction des filtres à particule explique largement la baisse de la part de l’échappement depuis 1990 au profit des "PHE" (particules hors échappement). L’augmentation de la masse des véhicules impacte la taille des pneus donc les émissions pneus / chaussée et la remise en suspension. En revanche, les véhicules électriques (grâce à leur freinage régénératif), entraînent une sensible diminution des particules dues au freinage, dont la distribution en nombre et en masse différent selon les usages, la vitesse, les revêtements …
Laurent Gagnepain a détaillé les particules présentes le long des routes et leur origine, en soulignant que les études toxicologiques et épidémiologiques des PHE restent assez limitées. Mais l’impact environnemental est réel, sur les eux de pluie traitées en stations d’épuration, les eaux infiltrées et donc les captages, et sans doute à terme sur la chaîne alimentaire. On aura sans doute une évolution de la réglementation pour la norme Euro 7 / VII (2025-2026), pour les particules issues des pneus et des freins. L’amélioration globale et la "neutralité PHE", passent à terme par l’allègement des véhicules, l’électrification, l’écoconduite, la réduction des vitesses, la baisse des déplacements et leur report vers les modes actifs.
Théo Quesnel, stagiaire au Cerema Territoires et Ville auprès d’Hélène de Solère, a assuré la dernière présentation technique, consacrée au lien entre ZFE-m et logistique. Pour alimenter la réflexion des 47 territoires qui devraient mettre en place une ZFE-m d’ici 2025, le Cerema veille à tirer profit des premières expériences (Grand Paris, Grenoble, Rouen, Lyon), en matière notamment de restrictions portant sur les Poids Lourds et Véhicules Utilitaires Légers.
Les analyses, et les entretiens avec les représentants des collectivités et acteurs économiques, ont fait ressortir les recommandations suivantes : construire une ZFE-m avec de la pertinence et en corrélation avec l’activité économique ; sensibiliser les acteurs économiques et faire connaître la typologie des acteurs et des flux de la logistique urbaine aux techniciens des collectivités ; mettre en place les accompagnements nécessaires pour l’activité économique ; concevoir la ZFE-m comme un catalyseur au déploiement systémique de bonnes pratiques ; ouvrir à une concertation globale sur la logistique urbaine durable pour agir sur ses différents leviers.
Après un deuxième temps d’échange, il revenait à Patrice Morandas, adjoint au directeur du département Mobilités du Cerema Territoires et Ville, Stéphane Chanut, de conclure la conférence, en remerciant à nouveau les partenaires et collègues pour leurs présentations et leurs réponses orales et en ligne.
Remerciant également les près de 300 participants actifs pour la qualité des échanges, il leur a donné rendez-vous pour les prochains Rendez-Vous Mobilités du Cerema et leur a annoncé la diffusion, en juillet, des supports de présentations, enregistrements et compte-rendus ou compléments.
Le replay
Synthèse des échanges
Retrouvez la synthèse des questions et réponses du Rendez-Vous Mobilités:
Dans le dossier Les Rendez-vous Mobilités du Cerema