28 novembre 2023
Logements HQE
Bernard Suard - TERRA
Face aux enjeux d’outillage des acteurs locaux en matière d’observation des copropriétés et de consolidation de la connaissance de ce patrimoine à l’échelle nationale, le Cerema et l’Anah ont construit un référentiel national des copropriétés.
Aussi exhaustif que possible sur le parc en copropriétés, y-compris pour celles non encore immatriculées dans le Registre National des Copropriétés, et tirant le meilleur parti des données disponibles, le référentiel CoproFF a été présenté pour la première fois lors d’un atelier des rencontres nationales de l’habitat privé organisées à Lille les 12 et 13 octobre dernier. En partenariat avec la DGALN, il est diffusé gratuitement aux ayants droits des données foncières sur leur territoire de compétence. 

Le Cerema et l’Anah ont un partenariat ancien sur la connaissance du parc privé à partir de données statistiques, notamment d’origine fiscale. Sur la question des copropriétés, l’Anah et le Cerema ont partagé en 2021 le constat à la fois d’attentes renouvelées pour l’articulation entre observation et intervention opérationnelle et de données nouvelles permettant d’aller plus loin en matière de repérage et de caractérisation du parc.

 

Deux besoins exprimés par les territoires

  • Attentes renouvelées, car d’abord les outils nationaux existants jusqu’ici ne pouvaient, du fait des règles de diffusion des données mobilisées, alimenter un repérage à l’échelle de la copropriété elle-même, seule échelle à même de permettre une traduction opérationnelle en matière d’intervention. De plus, face au constat d’une mise en œuvre sur un nombre croissant de territoires, aux moyens divers mais toujours naturellement contraints, de dispositifs de VOC comprenant pour leur grande majorité une phase commune de repérage et de caractérisation des copropriétés, l’intérêt d’un premier niveau d’outillage est apparu très clairement.
  • Données nouvelles, car depuis le 1er janvier 2019, le Registre National d’Immatriculation des Copropriétés (RNIC) piloté par l’Anah doit recenser de manière exhaustive les copropriétés sur tout le territoire. Ce registre, qui comprend des informations extrêmement riches notamment sur le syndic et la situation financière de la copropriété, demeure hélas encore incomplet. Au rythme actuel, le Cerema estime entre 6 et 11 ans le temps pour immatriculer l’ensemble des copropriétés. Certaines informations saisies dans le RNIC sont incorrectes, et des contrôles de qualité peuvent être effectuées en comparant avec les mêmes propriétés issues d’autres bases de données. Par ailleurs, d’autres données nouvelles se développent (sur les transactions, les logements vacants, les DPE…) et invitent à réinterroger les méthodes d’observation.

 

Le Registre National d’Immatriculation des Copropriétés (RNIC)

Depuis le 1er janvier 2019, toutes les copropriétés d’habitation doivent être immatriculées. Cependant, il est observé un taux d’immatriculation très hétérogène en fonction des profils de territoires et du type de gestionnaire : Largement intégré par les professionnels, le RNIC est en revanche moins bien appréhendé par les syndics bénévoles. Les secteurs ruraux, où le taux de petites copropriétés avec peu de transactions est élevé, ont notamment leur parc moins souvent immatriculé au regard du volume qui peut s’observer dans les Fichiers fonciers.

 

Une partie des données du RNIC est en open data : 

 

RNIC sur Data.gouv

 

Les données plus sensibles, telles que les données financières ou les dates de mandat des représentants légaux sont uniquement accessibles pour les services de l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements concernant leur territoire de compétence. Ces données doivent être actualisées tous les ans.

Un référentiel établi en 3 étapes

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Après une phase exploratoire de recensement à la fois des besoins des acteurs à toutes les échelles, des ressources notamment en matière de données et des pratiques engagées localement en matière de repérage, le Cerema est l’Anah se sont engagés dans la constitution d’un référentiel national des copropriétés baptisé CoproFF. Ce nom traduit le parti pris méthodologique très partagé de faire reposer ce référentiel sur deux bases incontournables : le RNIC piloté par l’Anah d’une part et les fichiers fonciers d’autre part, base de données produite et diffusée par le Cerema pour le compte de la DGALN. 
Quelques mots de méthode

La constitution de ce référentiel comprend trois principales étapes : d’abord la constitution d’une première base de données issue de l’appariement entre le RNIC et les fichiers fonciers. Puis, celle-ci a été complétée en inventoriant d’autres copropriétés dans les Fichiers fonciers. Enfin, le référentiel issu des deux premières étapes a été enrichi et en ajoutant des données d’autres sources (DV3F, Lovac, DPE de l’Ademe).

 

1. L’appariement entre fichiers fonciers et RNIC

À partir d’une extraction du RNIC réalisée fin septembre 2022 et du millésime 2022 des fichiers fonciers, la méthode d’appariement comprend trois étapes successives décrites dans le tableau ci-dessous.

 

Type d'appariementNombre de copropriétés appariéesCommentaires
Appariement avec le numéro de la parcelle (idpar)276 048On vérifie que le localisant RNIC se situe à moins de 100 m de la géométrie de la parcelle liée.
Appariement avec l’identifiant IGN (ident_ign)138 379Pas de vérification géographique nécessaire, l’identifiant IGN ayant un niveau de précision supérieur au localisant RNIC, lui-même lié à la fiabilité de l’adresse renseignée.
Appariement avec l’adresse de référence RNIC (adress_ref)104 601Le localisant RNIC est forcément situé à moins de 100 m de la parcelle identifiée.

 

Presque 520 000 copropriétés du RNIC ont ainsi été appariées avec les fichiers fonciers. L’exhaustivité de l’appariement ne peut être réalisée en particulier car les copropriétés les plus récentes ne figurent pas dans les fichiers fonciers en raison du décalage temporel entre les deux bases de données. 1,6 % des copropriétés du RNIC n’ont ainsi pas pu être jointes avec les FF.

 

2. L’ajout de copropriétés non immatriculées mais repérées avec les fichiers fonciers

Les variables relatives aux propriétés divisées en lot dans les fichiers fonciers permettent d’identifier les copropriétés aujourd’hui non immatriculées. Ce sont ainsi environ 365 000 copropriétés qui sont repérées en complément du RNIC.

 

3. L’enrichissement à partir d’autres sources

A l’issue des deux premières étapes, le Cerema a calculé pour chaque copropriété des indicateurs issus des fichiers fonciers mais aussi d’autres sources : LOVAC, la base des DPE de l’Ademe ou encore DV3F qui recense les transactions. Cela a par exemple permis de proposer pour tout ou partie des copropriétés des indicateurs tels que :

  • le nombre de logements vacants depuis 2 ans ou plus dans la copropriété
  • le nombre de logements ayant fait l’objet d’un DPE de classe F ou G depuis juillet 2021, date d’entrée en vigueur des DPE "nouvelle méthode", dans la copropriété
  • un indicateur de marché indiquant un indice de valorisation de la copropriété ou son décrochage au regard du marché local.

 

Enseignements nationaux

Le référentiel CoproFF facilite d’abord l’identification de chaque copropriété en fournissant un point de géolocalisation, une référence parcellaire (sauf pour les 9000 copropriétés immatriculées mais non appariées aux fichiers fonciers) et pour les copropriétés immatriculées le nom et la ou les adresses.

 

Il identifie 887 855 copropriétés dont 527 624 immatriculées soit un taux d’immatriculation national estimé à environ 60%. Ces copropriétés sont localisées à l’échelle de la parcelle ou de l’adresse lorsque l’appariement n’a pas fonctionné.

 

CoproFF met notamment en évidence les résultats suivants :
  • 10 % des copropriétés présentent au moins 1 logement vacant depuis 5 ans ou plus soit 84 000 copropriétés.
  • 35% des copropriétés pour lesquelles un DPE logement a été recensé depuis juillet 2021 présentent au moins un DPE de classe F ou G.
  • 5% des logements en copropriété sont des logements sociaux, situés dans un peu moins de 24 000 copropriétés
  • 84 % des copropriétés sont purement verticales (elles ne comprennent que des appartements), 11% sont purement horizontales (ne comprennent que des maisons) et 5% sont mixtes.

Perspectives

Une actualisation annuelle de CoproFF est prévue. La prochaine version sortira au printemps 2024 et comprendra également les DROM. De plus, l’intégration de cette base au sein d’Urbansimul est à l’étude. CoproFF sera accompagnée d’un guide d’utilisation pour faciliter son appropriation et ainsi souligner son intérêt pour les acteurs du territoire : outil d’aide à la sensibilisation aux enjeux des copropriétés, la base peut être mobilisée dans le cadre d’études pré-opérationnelles, et permet la définition de stratégies d’intervention sur les territoires.

Les prochaines versions pourront prendre en compte de nouveaux indicateurs en fonction des retours utilisateurs mais aussi de nouvelles données qui pourraient devenir disponibles. A moyen ou long terme, l’appariement entre les bases devrait également être facilité par l’introduction progressive des identifiants bâtiments dans les différentes bases de la sphère logement.

Enfin, la question du pré-reprérage d’un parc de copropriétés "à surveiller", à partir de COPROFF et en lien avec d’autres initiatives comme l’indice de fragilité présent sur le site du registre, pourra être évoquée en 2024.

 

Dans le dossier Artificialisation et sobriété foncière : les outils du Cerema

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