Cet article fait partie du dossier : Le plan de mobilité simplifié : les outils du Cerema
Voir les 17 actualités liées à ce dossierLa loi d’orientation des mobilités (LOM) a en effet rebattu les cartes en matière de gouvernance des politiques de mobilité, en demandant aux communautés de communes de se positionner sur leur souhait de devenir autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Dans les territoires où l’intercommunalité n’a pas pris cette compétence, c’est le conseil régional qui l’exerce. Il existe donc désormais sur tout le territoire national une autorité en charge d’organiser les mobilités, y compris dans les territoires ruraux et périphériques des agglomérations, où cet enjeu était jusqu’à présent peu pris en charge.
A présent, le défi collectif est que cette nouvelle compétence soit réellement mise en œuvre sur les territoires, que le déploiement de nouveaux services de mobilité se concrétise sur des espaces jusque-là peu desservis, et que cela se fasse dans une stratégie collaborative et concertée, afin que ces nouveaux services correspondent aux besoins prégnants de ces territoires.
Quelles actions est-il le plus judicieux de mettre en place ? Quels devront être les rôles respectifs des communautés de communes et des régions dans la définition et la mise en œuvre de ces services ? Comment faire coopérer efficacement ces collectivités, de manière à coordonner au mieux leurs actions ?
Autant de questions sur lesquelles les participants de la table ronde ont pu débattre en trois séquences, en faisant valoir le point de vue des différents échelons territoriaux :
- Benoist ALUANIER, vice-président de la Communauté de communes de Montesquieu (Gironde) a exprimé le point de vue d’une intercommunalité qui a souhaité prendre la compétence,
- Bertrand BUINEAU, de la direction des Mobilités au conseil régional d’Occitanie a exposé les enjeux et le choix politique de la région Occitanie d’exercer autant que possible la compétence d’AOM locale pour le compte des communautés de communes,
- Eric QUIQUET, directeur général de Hauts de France Mobilités, a donné le regard singulier d’un syndicat mixte qui s’est constitué à l’échelle régionale pour organiser et coordonner les mobilités,
- François DUROVRAY, président du conseil départemental de l’Essonne, a mis en perspective le nouveau rôle des départements dans le schéma de gouvernance,
- Gérome CHARRIER, responsable de l’activité sur les politiques et services de mobilité au Cerema, a apporté un point de vue national et expliqué la façon dont le Cerema accompagne les territoires.
Quel diagnostic de la prise de compétence ?
La carte élaborée conjointement par le Cerema et la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) le 15 juillet dernier montre que 53% des communautés de communes ont décidé de prendre la compétence mobilité, contre 47% d’entre elles qui ont préféré au contraire que cette compétence soit exercée par la région.
Pour l’instant, il n’existe pas de donnée consolidée au niveau national sur les communautés de communes qui souhaitent reprendre l’organisation de certains services de mobilité, jusque là organisés par le conseil régional au sein de leur périmètre.
Sur cette carte se dessine assez clairement le périmètre des régions. Ceci montre que les intercommunalités ont fait leur choix de prendre ou non la compétence mobilité, en tenant compte du projet politique porté par le niveau régional. A l’avenir, c’est en effet le "couple" formé par l’intercommunalité et la région qui est au centre de l’organisation des mobilités.
Indépendamment des modalités de gouvernance choisies, le plus important est que ce "tandem" fonctionne efficacement pour élaborer des stratégies locales et proposer des services pertinents. De fait, cette coopération a commencé à se mettre en place puisque les intercommunalités se sont largement positionnées en fonction du cadre de coopération envisagé par la région.
Les différents types d’organisation choisis par les territoires sont variés et tous légitimes.
- La communauté de communes de Montesquieu a présenté son choix de prendre la compétence pour pouvoir être maître de la trajectoire territoriale en matière de mobilité (en organisant notamment des lignes régulières), mais aussi d’emploi (travail avec les entreprises sur la mobilité employeur et la desserte des zones d’emploi), d’impact carbone, de solidarité territoriale, etc.
- Le conseil régional Occitanie a expliqué sa position de vouloir être AOM locale afin de ne pas émietter les compétences, et de pouvoir réfléchir collectivement aux nouveaux partenariats à construire qui devront intégrer des champs supplémentaires de la compétence mobilité (mobilité solidaire, mobilité active, notamment).
- En Hauts-de-France, il a été estimé que le rôle de l’échelon régional était de se concentrer en premier lieu sur les services de transport régionaux, pour créer une armature forte sur laquelle les services plus locaux doivent pouvoir se greffer. L’organisation de ces services locaux et de ce rabattement sur les axes structurants nécessite une forte connaissance et appropriation territoriale pour pouvoir être en adéquation avec les besoins des habitants.
François Durovray du département de l’Essonne, regrette que la réforme ait conduit à affaiblir le rôle des départements en matière de mobilité. Au contraire, les départements gardent des compétences fortes sur le sujet (gestion du réseaux, mobilité solidaire) et ont des capacité d’ingénierie à faire valoir.
Quels changements en termes de mobilité? Quels moyens mobilisés ?
La première étape consistera très souvent à affiner la vision locale des besoins territoriaux pour élaborer une stratégie locale en faveur de la mobilité.
C’est le cas par exemple de la communauté de communes de Montesquieu qui s’est fait accompagner pour l’élaboration de cette stratégie, basée autant que possible sur la concertation des acteurs et des citoyens. Le travail collaboratif avec les employeurs est jugé primordial, puisque l’ambition est notamment de développer des lignes régulières, orientées vers les zones d’emploi et qui permettront de lever potentiellement le versement mobilité auprès des entreprises.
A une autre échelle, le conseil régional d'Occitanie a également organisé un premier diagnostic. Après l’adoption de la Loi d'Orientation des Mobilités (LOM), il a adressé un questionnaire à l’ensemble des intercommunalités pour recenser l’existant, avec l’ambition de partir des besoins de la population pour ensuite en déduire les enjeux relatifs à la mobilité.
Le Cerema a expliqué que son rôle est d’accompagner l’ensemble des collectivités aux différents échelons dans la prise en main de cette nouvelle compétence. Il va continuer de mettre à disposition à l’échelle nationale, en libre téléchargement, de la méthodologie, des guides, des repères collectifs, des retours d’expériences enrichissants, et diffusera également les connaissances à travers des conférences techniques et webinaires.
Il a par exemple déjà publié plusieurs documents de référence sur le plan de déplacement simplifié, créé par la LOM comme un outil très souple et opérationnel, qui permet de définir rapidement les enjeux du territoire et de hiérarchiser les priorités de façon concertée.
Mais très rapidement et en parallèle de cette première étape stratégique, de nouveaux services de mobilité vont voir le jour : lignes régulières, transport à la demande, covoiturage, autopartage, services de mobilité active, plateformes et agences de mobilité, etc.
Ces services pourront être organisés par l’intercommunalité au titre de sa compétence mobilité, ou au titre d’une délégation de compétence régionale. A titre d’exemple, le conseil régional Occitanie envisage de déléguer aux intercommunalité l’organisation de services de transport à la demande.
Au-delà de ces services organisés par l’une ou l’autre des AOM, des initiatives collaboratives sont possibles pour mutualiser les efforts. Ainsi, plusieurs régions ont déjà mis en place ou envisagent d’élaborer des outils "prêts à l’emploi" à disposition des collectivités locales. Hauts-de-France Mobilités mentionne par exemple le système d’information régional et la plateforme régionale de covoiturage "passpass", à disposition des intercommunalités pour faire connaitre leurs offres alternatives à la voiture solo.
Coopération entre AOM : où en sont les réflexions ?
Pour les contrats opérationnels de mobilité, les comités des partenaires, nous partons tous d’une page blanche. Il n’existe pas de cadre prédéfini ni de mode d’emploi et le législateur a volontairement voulu laisser une grande marge de manœuvre dans l’appropriation et la déclinaison locale de ces outils.
De fait, tous les intervenants s’accordent à dire qu’il faudra être humble sur la première génération de contrats.
Mais ces nouveaux cadres de coopération représentent également de grandes opportunités, comme celle de faire intervenir les départements au bon niveau, notamment sur la mobilité solidaire. Celle de créer des nouveaux modes de coopération qui ne soient pas uniquement financiers ou de coordination des offres, mais qui permettent aussi une véritable mutualisation et une solidarité sur les moyens d’ingénierie ou le développement d’outils communs (MaaS, plateformes de covoiturage, etc).
Dans les prochains mois, le Cerema souhaite travailler sur les contrats opérationnels de mobilité en s’appuyant sur des groupes de travail avec les partenaires concernés, afin de partager à l’échelle nationale, les points de vue et modalités qui seront choisies par les collectivités pour ces contrats.
Les deux autre stables rondes auxquelles a participé le Cerema:
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