Le projet ADOUCIR a été financé par la fondation d’entreprise FEREC, en 2021, pour une durée d’un an. L’équipe ENDSUM du Cerema pilote le projet.
L'auscultation périodique des ouvrages d’art est essentielle pour garantir leur bon état et assurer leur fonctionnement avec une sécurité maximale pour le transport des biens et des personnes. Cela constitue donc un enjeu dans le domaine des infrastructures. L'inspection consiste, entre autres, à déceler et identifier les désordres, suivre leur évolution et analyser leurs causes. Parmi les désordres à recenser, on s’intéresse en particulier aux fissures sur ouvrages en béton. Les fissures sont des désordres fréquents, d’ouverture, de longueur, d’orientation et de densité très variées. Elles peuvent présenter aucun critère de gravité ou au contraire être annonciatrices de pathologies très variées. Les raisons d’apparition de ces fissures sont multiples et il est important d’en comprendre leurs origines pour affiner le diagnostic et mettre en place des actions de suivi et/ou de traitement. Ainsi, les fissures d’origine mécanique souvent liées à un fonctionnement normal de l’ouvrage, peuvent aussi mettre en évidence une insuffisance de ferraillage ou un problème de corrosion des armatures. Les conditions de prise non respectées et/ou une qualité du béton inadaptée peuvent aussi conduire à l’apparition de ce type de fissures. Les fissures peuvent également être dues à des réactions physico-chimique dans le matériau et entraîner gonflement et fissuration de celui-ci. Enfin le retrait du béton, lorsqu’il n’est pas bien maitrisé, peut entrainer ce phénomène de fissurations. D’une manière générale, pour expliquer l’origine des fissures, il est nécessaire de caractériser l’état du matériau en lui-même ou des éléments constitutifs de la structure tels que les armatures métalliques.
Les techniques d'imagerie sont régulièrement employées pour fournir des données aux spécialistes afin de les aider dans leur tâche d'inspection. Selon les capteurs utilisés, on peut visualiser la surface de l'ouvrage avec des images dans le domaine visible ou infra-rouge. L’utilisation de caméras 3D permet d’extraire les variations de profondeur à la surface de la structure. Grâce aux capteurs GPR (Ground Penetrating Radar), il est également possible de visualiser la sub-surface du matériau et avoir un aperçu de son état interne. Si les outils d'acquisition de données sur ouvrages sont désormais assez répandus, leur analyse automatique commence seulement à être déployée de manière opérationnelle. Parmi ces méthodes automatiques, citons les algorithmes de reconnaissance de formes, branche de l’intelligence artificielle, qui permettent de détecter des éléments d'intérêt sur des images.
L’objectif général du projet ADOUCIR est de montrer la faisabilité et l’intérêt des méthodes d’intelligence artificielle combinant données images visibles de surface et GPR pour l’inspection des ouvrages. Cette problématique revêt un caractère innovant et répond à un besoin fort pour les inspecteurs. Dans cette optique, on s'intéresse en particulier à la classification d'images de parois d'ouvrages selon qu'elles contiennent des fissures ou non. On souhaite ainsi mettre en évidence l'apport éventuel d'une fusion de modalités pour effectuer cette tâche de classification par rapport à une approche automatique où une seule modalité serait prise en compte. Répondre à ce premier défi doit permettre d’identifier les zones du pont avec pathologie. Pour orienter l’analyse de causes possibles d’apparition de fissures, on veut également s’appuyer sur les algorithmes de reconnaissance pour extraire des propriétés physiques (densité de ferraillage, profondeur, humidité du béton) du matériau. Dans l’approche retenue, nous proposons de nous appuyer sur la détection automatique au pixel près d’armatures à l’intérieur du matériau pour permettre de calculer, ou au moins d’estimer des caractéristiques physiques à partir des armatures détectées. Une architecture spécifique basée sur les outils d’apprentissage par réseaux convolutifs est mise en œuvre pour cela.
Ce projet est décomposé en trois tâches :
- La première tâche consiste à construire une base de données pour l’apprentissage et l’évaluation. Des images Radar de sub-surface couplées à des images de surface dans le domaine du visible sont collectées sur des ouvrages simples présentant ou non des pathologies. Un protocole d’acquisition est établi pour ces campagnes d’acquisition. Ces données sont annotées par un spécialiste du domaine.
- La deuxième tâche consiste à implémenter et évaluer les algorithmes par apprentissage à partir d’images visibles et/ou radar. Deux modèles par apprentissage profond sont explorés : 1/ un modèle de classification pour donner automatiquement au label (sain/présence de désordres). La problématique consiste à étudier l’intérêt d’une combinaison images et radar dans les architectures profondes et d’étudier les meilleures stratégies de fusion multi-modales. 2/ une architecture de segmentation des armatures dans les signaux GPR par apprentissage profond.
- La dernière tâche est consacrée à extraire des caractéristiques physiques à partir de la segmentation puis à mettre en lien ces informations par rapport à l’état de surface observée.
A l’issue de ce projet d’une durée d’un an :
- Une première base de données regroupant 176 images visibles et 176 profils GPR a été construite. Les images ont été acquises d’une part sur deux poutres en béton en laboratoire et d’autre part sur les piles de pont d’un ouvrage en service.
- Des méthodes d’apprentissage pour la classification avec fusion de données radar et images ont été mises en œuvre et testées. La fusion de données ne montre pas d’apport significatif sur les performances en classification par rapport à une classification à partir uniquement d’images visibles. Une expertise sans doute plus fine des signaux radar et une augmentation du nombre de couples radar et images dans la base de données doit permettre de consolider les résultats.
- L’apprentissage d’un modèle pour la segmentation d’instances des armatures a donnée des performances avec une précision moyenne supérieure à 85% (voir figure ci-dessous). A partir de la segmentation des armatures, trois propriétés physiques sont calculées : profondeur des armatures, leur inter-distance et l’amplitude normalisée du signal à mettre en lien avec la qualité du béton. Le lien entre propriétés extraites et état de surface doit encore être approfondi.
L’équipe de recherche ENDSUM a apporté ses compétences dans le domaine des méthodes d’apprentissage profond et de l’analyse des signaux Radar. L’équipe a pu également s’appuyer sur les compétences métier des experts du domaine ouvrage d’art au sein du Cerema.
Le laboratoire GeoEnd de l’université Gustave Eiffel est partenaire du projet.
Quatre étudiants ont effectué leur stage pour ce projet :
- Amine Mansouri (6 mois) et Rémi Le (5 mois) à ENDSUM Strasbourg
- Camille Lanéelle (5 mois) à ENDSUM Rouen
- Nasr Chami (4 mois) à GEOEND Nantes
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