Cet article fait partie du dossier : Foncier économique : les travaux du Cerema
Voir les 22 actualités liées à ce dossierDans un contexte où la sobriété foncière impose aux collectivités l’adoption de nouvelles stratégies, la question des marges de manœuvre en matière de développement économique se pose avec acuité. Pour contribuer à y répondre, le Cerema Sud Ouest organisait le 21 mars dernier une conférence technique territoriale dédiée au sujet du foncier économique.
La journée a été l’occasion de réunir les acteurs locaux du foncier et du développement économique de la région, à la fois pour échanger sur de nouvelles stratégies territoriales et partager des retours d’expériences de territoires qui ont optimisé leur foncier économique.
L’enjeu de cette journée était de dresser un portrait des premières expériences menées pour concilier le développement économique et l’accueil nécessaire de nouvelles activités, sans pour autant avoir recours à l’étalement urbain. Ces approches stratégiques, sans être réplicables en tant que telles, sont inspirantes en ce qu’elles offrent des perspectives sur ce qu’il est possible de mettre en place dans les territoires.
3 enseignements principaux ont pu être tirés de cette journée:
La connaissance de son foncier (son état, ses disponibilités éventuelles, ses propriétaires et occupants) n’est qu’un préalable à l’élaboration d’une stratégie foncière. Celle-ci reposera ensuite sur une vision d’ensemble et une intention politique qui se traduit par la mise en place de certains dispositifs.
Bien souvent, on note que la mise en œuvre précoce d’outils de gestion de l’écosystème économique repose sur une histoire particulière du territoire. C’est le cas pour la communauté de communes de Luys en Béarn et la communauté d’agglomération de Rochefort, qui ont proposé un retour particulièrement pertinent des dispositifs mis en œuvre précocement sur leur territoire.
Des outils expérimentés dans des territoires pionniers : un contexte et une histoire particuliers
Maîtriser le foncier : le bail à construction et le bail emphytéotique comme outils de commercialisation et de gestion des ZAE
Par Antoine Hielle, directeur du développement économique, affaires juridiques, stratégie financière à la communauté de communes de Luys en Béarn :
En matière de développement économique, la communauté de communes Luys en Béarn (66 communes, près de 30.000 habitants) rassemble environ 2.800 établissements et 10.000 emplois, dont 25 % sont des emplois industriels, ce qui constitue en soi une première singularité. Cette particularité est liée à l’histoire du développement économique de ce territoire situé à proximité de Pau et de son aéroport : la présence du secteur aéronautique y est ancienne et importante, et explique l’attractivité importante et précoce de ce territoire en matière d’implantation industrielle.
Les seuls terrains propices à l’accueil d’entreprises appartiennent alors au syndicat des bergers du Haut-Ossau, qui n’envisage pas de s’en séparer. Les baux emphytéotiques sont alors proposés dès le début des années 1990 ; ils ont trouvé un écho favorable tant du côté des industriels que du côté de la collectivité. Aujourd’hui, les parcs d’activité sur le territoire de la communauté de communes constituent 300 ha, dont 100 ha couverts par ce dispositif.
Gouvernance et animation des parcs d’activités : témoignage des actions menées par Rochefort Océan
Par Sophie Laval, chargée de mission immobilier et foncier d’entreprise à la Communauté d’Agglomération de Rochefort Océan (CARO)
La communauté d’agglomération de Rochefort Océan (CARO) est un territoire à la fois très contraint (peu de foncier ; risques submersion, feu, érosion marine ; exigences patrimoniales dues à la labellisation Grand Site de France de l’estuaire de la Charente et de l’Arsenal de Rochefort), et très attractif (filières industrielles historiques, position stratégique entre Bordeaux, Nantes et Poitiers).
Aujourd’hui, les disponibilités foncières sont de l’ordre d’une vingtaine d’hectares, réparties sur de petites parcelles. La CARO a donc dû adopter des logiques d’optimisation avant même la promulgation de la ZAN et s’attache à élaborer de nouvelles stratégies de cessions de foncier en analysant chaque projet et en étant plus sélective.
Moratoire, démarche de scoring pour sélectionner les entreprises accueillies, recrutement d’un architecte conseil pour accompagner le bon dimensionnement des locaux, conventionnement avec l’EPF, animation de l’écosystème entrepreneurial, requalification des ZAE stratégiques, élaboration d’une ZAC sont autant de réponses mises en œuvre ou envisagées par la collectivité pour répondre à ce double défi de garantir le développement économique de son territoire tout en maîtrisant son foncier.
Au-delà de l’histoire dans laquelle s’inscrit un territoire et de son contexte, certains outils sont expérimentés afin de répondre à cette injonction qui semble contradictoire : accueillir des entreprises sans avoir recours à l’étalement urbain.
Au même titre que la nécessaire densification a conduit à créer de nouvelles formes en matière d’habitat, la compacité des projets d’aménagement de locaux d’activité émerge et offre des expériences tout à fait judicieuses. Toutefois, ces dispositifs requièrent souvent une mise en synergie des acteurs locaux et un contexte opportun.
Un "alignement des planètes" souvent nécessaire pour faire émerger les projets vertueux
Cette journée a également été l’occasion de présenter deux expériences révélatrices des nouvelles conceptions des lieux de production. L’une concerne l’expérimentation de la verticalité des locaux artisanaux à Bordeaux, à l’appui de locaux modulables en fonction de leur usage, présentée par José Branco, responsable développement au Crédit agricole immobilier. L’autre est relative à la requalification d’une friche en ZAE très compacte au Bouscat, portée par la compagnie Architecture et son associée Chloé Bodart.
Densifier le foncier : l’expérience de la verticalité dans les espaces économiques.
L’exemple des volumes capables dédiés aux espaces artisanaux dans le quartier de Brazza à Bordeaux, par José Branco, responsable développement au Crédit Agricole immobilier
Le quartier Brazza, rive droite de Bordeaux, initialement composé de friches industrielles, fait l’objet d’une opération d’aménagement d’intérêt métropolitain, dont la mutation foncière est portée depuis de nombreuses années par Bordeaux Métropole aux côtés de la Ville de Bordeaux. L’objectif est de construire 4.800 logements, d’attirer les entreprises et de replacer la nature au cœur du projet urbain : à terme, il s’agira d’accueillir 8.000 habitants, de créer 5.000 emplois, de planter 5.000 arbres, et d’atteindre 40 % d’espaces en pleine terre.
Dans le cadre de ce vaste projet urbain, il a fallu faire preuve d’imagination et de créativité pour accueillir un maximum d’habitants et d’entreprises sur un minimum de surface. La mise en œuvre des "volumes capables", ces locaux modulables en fonction des usages et des temps de vie, en a constitué une réponse. Dédiés d’abord à l’habitat, le Crédit Agricole immobilier a également porté le projet des volumes capables destinés aux espaces artisanaux : 23 logements abordables en volumes capables et 12 volumes capables artisanaux ont été créés, pour produire de la mixité à l’échelle du quartier à un prix de vente de 1.000€ HT/m² pour les lots artisanaux.
Le montage de l’opération et son équilibre financier ont été particulièrement complexes, rendant l’opération difficilement réplicable en l’état. Néanmoins, celle-ci a démontré la possibilité d’accueillir des activités artisanales dans des espaces relativement contraints.
Requalifier les friches en zone urbaine : l’exemple du recyclage d’une friche en quartier artisanal
La ZAE Godard au Bouscat, par Chloé Bodart, Compagnie Architecture
La friche industrielle Godard se situe dans les faubourgs de la commune du Bouscat, dans la métropole de Bordeaux. Très urbanisé, ce secteur, sans être en centre-ville, se développe autour d’activités variées (jardins potagers, élevage de chèvres, circuit BMX, jeux pour enfants…). L’enjeu de requalification de cette friche était double : permettre l’accueil d’activités artisanales et productives sur un foncier circonscrit (1 ha), tout en s’intégrant dans le paysage urbain :
"Industriel dans sa programmation, le projet vise à améliorer les zones artisanales et à créer des lieux de production mais aussi des lieux de vie, alliant qualité urbaine, architecturale et paysagère. Le contexte du projet, notamment le chemin blanc et les jardins ouvriers, préfigure d’un rapport de mitoyenneté à soigner. Les bâtiments s’implantent en respect des qualités environnantes du déjà-là", témoigne Chloé Bodart, de la Compagnie Architecture.
Deux aspects majeurs ont constitué l’originalité de ce projet : la façon dont le cabinet Compagnie Architecture a accompagné les riverains et les futurs utilisateurs des espaces artisanaux, et la mise en synergie des acteurs du territoire.
Ce sont ainsi 7 cellules à usage d’activités réparties en 4 bâtiments sur plus de 4.000 m² de surface de plancher qui ont été conçues, tout en bénéficiant d’un environnement arboré et végétalisé.
Conclusion :
Pierre-Cécil Brasseur, cofondateur de l’agence Synopter, était invité à cette CTT comme grand témoin. Son accompagnement des acteurs locaux depuis 20 ans "pour rendre les zones d’activités plus vivantes, plus dynamiques et plus désirables" lui permet de prendre un peu de hauteur sur le sujet de la tension foncière en secteur d’activité. Son intervention, à la fois synthèse de ses observations et se faisant écho aux interventions de la journée, s’est focalisée sur trois idées force :
3 idées principales pour conclure...
Enfin, la journée a été conclue par Nicolas Gillio, qui a rappelé les défis auxquels les acteurs du développement économique et de la stratégie foncière sont confrontés :
3 grands défis pour les acteurs :
Retrouvez la communauté des acteurs du foncier économique
sur la plateforme Expertises.territoires
La communauté
Connaissance du foncier économique & Inventaire des ZAE
Contacts Cerema
Brigitte Pouget, cheffe du groupe Cohésion des Territoires (GCT) – Cerema Sud Ouest.
Anne-Laure Jaumouillié, chargée d’étude foncier et développement des territoires, GCT, Cerema Sud Ouest.
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