Cet article fait partie du dossier : Dossier : les Zones à Faibles Emissions - mobilité (ZFE-m)
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La pollution de l’air représente un risque environnemental et sanitaire majeur. En France, la pollution de l’air est responsable de près de 48 000 décès prématurés par an [1].
Malgré les efforts réalisés pour améliorer la qualité de l’air (politique volontariste, progrès technique et technologique, etc.), les concentrations de plusieurs polluants de l’air dépassent régulièrement les seuils réglementaires [2] en plusieurs points du territoire français, notamment dans les villes où se concentrent les activités humaines et où vit près de 70 % de la population française.
Parmi ces polluants, les oxydes d’azote (NO2 en particulier) et les particules fines (PM10) émis principalement par le trafic routier sont particulièrement surveillés en raison de leur potentielle nocivité sur la santé humaine. Or, à ce jour, ces polluants ne respectent pas les objectifs européens dans plusieurs territoires couverts par un plan de protection de l’atmosphère (PPA) [3] donnant lieu à des procédures de contentieux européen à l’encontre de ces territoires : l’État français est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer rapidement et efficacement aux seuils réglementaires.
L’Europe et la France ont donc choisi de lutter prioritairement contre les NO2 et les PM10.
la ZFE : UN OUTIL RÉGLEMENTAIRE
Suite à la promulgation de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (Loi TECV), les communes et leur groupement disposent de leviers pour lutter contre la pollution émise par le trafic routier.
Parmi ces leviers, la loi a instauré (art. 48) un nouveau dispositif annulant et remplaçant les Zones d’Actions Prioritaires pour l’Air (ZAPA), jamais mises en oeuvre et abrogées par le décret n° 2016-847 du 28 juin 2016 : la Zone à Circulation Restreinte (ZCR), renommée Zone à Faible Émission (ZFE) dans le projet de Loi d’Orientation des Mobilités (LOM).
À l’instar des low emission zones largement déployées en Europe (230 LEZ ont été créées depuis près de 20 ans), les ZFE sont des espaces mis en oeuvre par des collectivités sous PPA où la circulation de certains véhicules est différenciée selon leur niveau de pollution.
Par application de l’article L.2213-4-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), ces collectivités peuvent mettre en oeuvre une ou plusieurs ZFE sur tout ou partie de leur territoire.
Les véhicules doivent pouvoir être identifiés au sein de ces zones, par application de l’article R.318-2 du Code de la route, par leur certificat qualité de l’air, dénommé vignette Crit’Air, donnant leur classe « environnementale ».
La classification dépend du type de véhicule, de sa motorisation et des normes Euro (ou date de 1re immatriculation).
D’après l’ADEME, les ZFE permettraient de réduire significativement les concentrations de dioxyde d’azote et de particules PM10 (jusqu’à 12%) et des particules PM2.5 (jusqu’à 15%).La ZFE pourrait être bénéfique également sur la réduction des nuisances sonores, et des émissions de particules fines et de gaz à effet de serre en favorisant le développement des énergies renouvelables. |
L’ENGAGEMENT DES TERRITOIRES LES PLUS TOUCHÉS
À l’heure actuelle, seules Paris et Grenoble ont préfiguré et mis en oeuvre une ZFE sur leur territoire.
Sous l’impulsion de l’État, devraient suivre d’autres collectivités qui se sont engagées avec le gouvernement français (par la signature d’un pacte le 8 oct. 2018) à déployer une ZFE ou plus sur leur territoire avant la fin 2020.
L’ambition est de ne plus avoir à constater le moindre dépassement de seuil dans une seule agglomération française en 2022…
LA MISE EN OEUVRE D’UNE ZFE
Des études préalables sont recommandées pour définir l’étendue du périmètre et les premières mesures de restriction (connaissance du parc automobile local, évaluation de la qualité de l’air initiale voire a posteriori par modélisation…).
Les modalités d’application sont indiquées dans un arrêté pris par la collectivité couverte par un PPA disposant du pouvoir de police de la circulation.
Elles portent sur :
- Le choix du périmètre de la zone : une signalisation spécifique, d’abord expérimentale puis rendue réglementaire par un arrêté interministériel du 12 décembre 2018 (panneau B56), matérialise l’entrée et la sortie du périmètre, indiquant à l’usager l’endroit précis où commencent et finissent les prescriptions de circulation.
- L’approche d’une ZFE doit en outre faire l’objet d’une présignalisation spécifique offrant à l’usager l’information, l’amenant, le cas échéant, à choisir un itinéraire alternatif ou à privilégier d’autres modes de déplacement via un pôle d’échanges multimodal.
- Les mesures effectives de restriction donnant les classes de véhicules autorisés à circuler dans la ZFE et les périodes de restriction de circulation applicables (jours plages, horaires, etc.) : ces informations sont opposables aux usagers de la route sur un panonceau attenant au panneau B56.
- Le calendrier de mise en oeuvre pour restreindre progressivement l’accès aux véhicules les plus polluants.
LES CLÉS DE RÉUSSITE
Il s’agit d’abord de garantir une certaine progressivité (temporelle et spatiale) pour favoriser l’acceptabilité sociale.
Une progressivité temporelle dans les degrés de restriction, en phasant les restrictions des classes de véhicules autorisés à circuler au sein d’une ZFE, afin de laisser le temps aux usagers de s’adapter et d’anticiper le renouvellement de leur véhicule obéissant aux normes les plus récentes ou encore de faire le choix d’utiliser des modes de déplacement plus vertueux.
En parallèle, des campagnes de communication initiées par la collectivité s’avèrent nécessaires pour informer et sensibiliser les usagers de la démarche et pour les acculturer à ce nouveau dispositif.
Par ailleurs, des mesures locales d’accompagnement (dans l’aménagement du territoire au profit du transport des particuliers, mais aussi de la logistique urbaine, dans les aides financières…) en complément des mesures nationales d’incitations fiscales (bonus écologiques, primes à la conversion, etc.) faciliteront le déploiement de la ZFE.
Une progressivité spatiale dans la définition du périmètre : dans le cadre d’une extension du périmètre initial, il importe d’associer, en phase de concertation, la société civile (associations d’usagers, riverains, acteurs économiques…) dans la gouvernance du projet .
S’appuyer sur des moyens de contrôle efficaces.
À l’heure actuelle, seule une constatation de l’infraction par interception est possible ; ce contrôle visuel montre toutefois ses limites de par les moyens humains à mobiliser.
La constatation de l’infraction sans interception est actuellement à l’étude, sous réserve de lever des obstacles techniques sur les matériels (performance, homologation) ; l’utilisation d’un dispositif de contrôle-sanction automatique devant, à terme, représenter un moyen de contrôle garantissant le respect de la ZFE.
Assurer un suivi et une évaluation
du dispositif qui doit être réalisé au moins tous les 3 ans (art. L.2213-4-1 du CGCT) afin de mesurer les effets directs (évolution de la qualité de l’air pouvant conduire à faire évoluer les caractéristiques de la ZFE) et les effets induits (impacts sur le renouvellement du parc, report modal observé…).
Notons que la ZFE peut venir en complément d’autres outils d’aménagements possibles tels que les dispositifs de partage de la voirie urbaine (par exemple, les zones à circulation apaisée). Mobilisé sur le sujet, le Cerema conduit actuellement une réflexion visant à aider les premières collectivités concernées à mettre en oeuvre une ZFE sur leur territoire.
[1] D’après une étude de Santé Publique France publiée le 21/06/2016.
[2] Ces valeurs limites sont issues de la directive européenne 2008/50/CE du 21/05/2008 relative à la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe et transcrite en droit français par le décret 2010-1250 du 21/10/2010 sur la qualité de l’air.
[3] Instauré en 1996 par la loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Énergie, le PPA doit être élaboré dans toute agglomération de plus de 250 000 habitants et dans les zones où les valeurs limites et les valeurs cibles sont dépassées ou risquent de l’être.
Auteur : Nicolas FURMANEK, Chargé d'études Aménagement & Adaptation au changement climatique de la voirie – Cerema Territoires et ville
Article publié dans TEC n°242 https://atec-its-france.com/boutique/tec-242/
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