Cet article fait partie du dossier : Densification, sobriété et aménagement durable : les actualités du Cerema
Voir les 12 actualités liées à ce dossierL'Essentiel "Sobriété foncière, la clé pour des sols et territoires vivants" présente des éléments de méthode et des outils pour élaborer une stratégie foncière sobre et durable. Isabelle Mesnard, responsable du groupe Aménagement durable, revient sur l'approche du Cerema et les principaux enjeux liés à la sobriété foncière dans une interview en 3 questions.
En matière de sobriété foncière, quels sont les enjeux pour les collectivités en termes pratiques?
Le premier enjeu, pour faire face au changement climatique, c’est de préserver au maximum les sols de l'artificialisation, car ils remplissent des fonctions indispensables pour le vivant : réserves de biodiversité, filtration et captage de l’eau, puits de carbone, etc.
Le deuxième enjeu, notamment dans les territoires péri-urbains et ruraux, c’est d’éviter de disperser l’habitat, les emplois, et les services, car cela allonge les déplacements, qui deviennent de plus en plus longs, problématiques et coûteux, pour l’environnement mais aussi pour les habitants eux -mêmes.
Pour faire face à ces deux enjeux, la clé réside d'abord dans la sobriété foncière, qui va viser à recycler des friches, remettre sur le marché des biens vacants, densifier des tissus existants, plutôt que de construire en extension sur des terrains nus. La sobriété foncière peut paraître difficile à concilier avec le besoin de créer de nouveaux équipements et services, de réindustrialiser le territoire national, de créer du logement abordable. Mais l’approche du Cerema est de faire de la recherche de sobriété une opportunité pour agir dès maintenant en anticipant l’avenir.
Il faut trouver un autre modèle d’aménagement, tout en veillant à ce que les territoires restent inclusifs pour tous les citoyens, par exemple ceux qui ne peuvent pas conduire ou qui ont des revenus faibles, pour les jeunes en apprentissage qui cumulent des difficultés de mobilité et de logement, etc...
La réflexion autour de la consommation des sols amène à de nombreuses questions liées à la vie des habitants : comment densifier l’habitat pour les rendre plus proches des services, abordables et confortables avec des espaces extérieurs privatifs, comment favoriser la production et la consommation de produits locaux, en circuits courts ? Pour tout cela, il faut innover et expérimenter, en sortant des logiques classiques.
Enfin tous les territoires n’ont pas les mêmes problématiques. Si certains sont en tension en termes de pression foncière car ils doivent accueillir de nombreux habitants et entreprises en consommant le moins de foncier possible, d’autres sont en déprise démographique avec des problématiques de vieillissement de la population et d’accueil de personnes âgées en perte d’autonomie, ce qui implique de permettre le maintien à domicile avec l’adaptation des logements et le fonctionnement de services d’aide à domicile, rendus très compliqués par les distances à parcourir, et de créer des structures d’accueil collectives agréables qui rompent l’isolement.
L'Essentiel
Selon le Cerema, il faut réinventer la manière de concevoir l'espace et l'aménagement: pouvez-vous nous expliquer quelle est cette approche?
La sobriété dans la consommation d’espaces, c’est l’idée de ne plus considérer le développement du territoire comme étant automatiquement dépendant de la consommation foncière, de sortir des logiques classiques de lotissement, de concilier les usages des sols entre agriculture, habitat, activité, biodiversité. Il est possible d’agir sur la vacance des logements et commerces, d’optimiser l’utilisation du foncier, de renforcer les centralités -même les petites!- de favoriser de nouveaux modes de déplacements comme le co-voiturage, la mobilité solidaire, les vélos électriques…
Il faut que les collectivités se saisissent de la question du foncier pour anticiper l’aménagement et favoriser cette cohérence, et idéalement penser le foncier au niveau du bassin de vie. Cela passe par une bonne connaissance du foncier d’une part et des attentes du territoire d’autre part, et de croiser les deux. .Pour la connaissance du foncier, le Cerema développe de nombreux outils numériques, directement utilisables par les collectivités, même si elles n’ont pas de service de SIG.
Sur la connaissance des attentes du territoire, il est souvent difficile de saisir toute la diversité des profils des habitants et des acteurs économiques (entreprises, artisans, commerçants, agriculteurs, etc), de répondre à leurs besoins d’aujourd’hui et d’anticiper leurs attentes futures, avec de nouveaux modes de vie plus sobres et résilients. C’est aussi pour cela qu’il est nécessaire de dialoguer avec les citoyens ; au Cerema nous constatons que le retour des différents acteurs permet toujours de faire avancer les projets, de compléter les réflexions et de dégager des solutions. Un atout est d’utiliser la concertation à différentes étapes et à différentes échelles, avec les habitants, les entreprises, les chambres de commerce et d’industrie, et d’être en lien avec les financeurs potentiels ou acteurs institutionnels comme la banque des territoires, les établissements publics fonciers, les SAFER, etc …
A ce stade il peut être intéressant d’affiner cette connaissance des habitants et des acteurs au moyen d’études complémentaires, à l’occasion de l’élaboration ou de la révision de documents de planification (PLU, PLH...), par exemple. Cela permet de combler l’écart entre la perception que les élus peuvent avoir de la population et la photographie objectivée, quantitative de cette population, préalable à la programmation d’investissements et d’actions.
Cet Essentiel présente justement la question de l’élaboration de stratégies foncières qui doivent permettre de mettre en œuvre cette programmation.
Quels outils et accompagnements le Cerema développe-t-il actuellement pour aider les collectivités à mettre en oeuvre la sobriété foncière?
En premier lieu, le Cerema est le référent national pour la diffusion de données foncières : il traite, assemble et cartographie plusieurs bases de données pour permettre leur utilisation directe par les services techniques.
À partir de ces données, il crée des outils d’analyse qui répondent à des besoins précis des collectivités, comme connaître l’évolution de la consommation foncière, identifier des logements vacants avec Lovac, des friches avec Cartofriches ou des réserves foncières disponibles avec Urbansimul, Cet outil, particulièrement puissant, permet par exemple de visualiser le foncier et de rechercher des gisements fonciers et immobiliers, avec de nombreuses données : prix, surface, contraintes liées à l’urbanisme, etc. Un groupe d’utilisateurs d’Urbansimul a été ouvert sur la plateforme collaborative Expertises.Territoires : il permet aussi bien d’obtenir des explications sur le fonctionnement de l’outil que d’échanger avec d’autres collectivités ou organismes sur ses nombreuses possibilités d’utilisation, pour des cas d’usages différents.
Le Cerema gère aussi le site de l’observatoire de l’artificialisation et présente des analyses et tableaux de bord à l’échelon local de l’évolution de la consommation foncière. Et à travers le service UrbanVitaliz, le Cerema accompagne des collectivités, plutôt petites en général, dans leurs démarches de recyclage des friches.
Au delà des données et applications numériques, le Cerema contribue aux démarches innovantes et expérimentales en cours : Expérimentation objectif ZAN de l’Ademe et démarche Territoires Pilotes de Sobriété Foncières de l’ANCT (Action Coeur de Ville). En parallèle, le Cerema accompagne des collectivités, par exemple sur la mesure de la consommation d’espace, le diagnostic de capacités foncières de secteurs économiques en intégrant l’objectif de Zéro Artificialisation Nette, ou encore la construction d’une stratégie foncière dédiée à l’eau et au bon fonctionnement des milieux aquatiques et humides...
Nous adaptons la réponse au besoin, et de ces expériences, nous tirons des enseignements qui nous permettent d’établir des méthodologies, de construire des outils, que nous capitalisons et diffusons.
Cet Essentiel, tout comme les webinaires Datafoncier ou encore les conférences techniques territoriales consacrées à ce sujet, sont des exemples de ces travaux de capitalisation – diffusion large.
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