Cet article fait partie du dossier : Covoiturage : le dossier du Cerema
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Interview de Clément Beaune,
Ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé des Transports
L’État a enclenché une véritable dynamique autour du covoiturage avec le plan national annoncé en décembre 2022. Pour vous, quels sont les grands enjeux du développement du covoiturage ?
La voiture est une innovation technologique puissante qui a permis un accès du plus grand nombre à la mobilité. Mais elle doit aujourd’hui s’adapter afin de répondre aux deux grands défis de notre siècle : le réchauffement climatique et la fin de l’abondance dans les ressources énergétiques. On le sait, 15% des gaz à effet de serre émis en France sont dus à l’utilisation de la voiture, et les trajets se font encore très souvent avec une seule personne à bord. Le respect des accords de Paris de neutralité carbone d’ici 2050 ne se fera pas sans une massification de la pratique du covoiturage pour des déplacements du quotidien. Le covoiturage est l’une des solutions pour transformer l’usage de la voiture individuelle polluante.
La neutralité carbone d’ici 2050 ne se fera pas sans une massification de la pratique du covoiturage pour des déplacements du quotidien.
Plus de 6 mois après l’annonce du plan, quel bilan pouvez-vous en faire ?
Le 13 décembre dernier, j’ai présenté aux côtés de Christophe Béchu et Agnès Pannier-Runacher un plan covoiturage du quotidien se donnant les moyens de notre ambition : 14 mesures et 150 millions d’euros. Notre objectif est de multiplier par 3 le nombre de trajets effectués en covoiturage. Les premiers résultats sont déjà enthousiasmants : le nombre de trajets effectués en covoiturage par plateformes a triplé au premier trimestre 2023 par rapport à la même période de l’année précédente. Nous expliquons cette progression en partie grâce aux 120 000 conducteurs qui ont décidé de se mettre au covoiturage régulier et ont été récompensés d’un bonus de 100€ pour la réalisation de leurs premiers trajets en 2023.
Quelle analyse portez-vous sur le développement du covoiturage courte distance en France ?
Le covoiturage peut paraître évident : je réduis mes frais de carburant, je m’appuie sur la voiture, un mode de transport flexible et disponible sur l’ensemble du territoire. Et pourtant le covoiturage reste une pratique marginale dans les déplacements du quotidien. Il nécessite un changement d’habitude de transport individuel qui passe par une impulsion et structuration collectives. Plus il sera facile pour les covoitureurs de se rencontrer, de circuler, de stationner, d’effectuer ses derniers kilomètres, plus la voiture sera partagée.
Plus il sera facile pour les covoitureurs de se rencontrer, de circuler, de stationner, d’effectuer ses derniers kilomètres, plus la voiture sera partagée.
L’État et le Cerema accompagnent les collectivités dans le développement du covoiturage que ce soit à travers des démarches partenariales telle que France Mobilités, des appels à projet et la publication d’études. Quels messages et conseils peut-on donner aux collectivités qui souhaitent développer le covoiturage sur leur territoire ?
A ces collectivités, l’État apporte tout son soutien, financier grâce au Fonds vert et d’ingénierie au travers des cellules France mobilités dans lesquelles le Cerema est impliqué. La politique de covoiturage doit s’inscrire dans la stratégie de mobilité adaptée aux caractéristiques du territoire. Ce mode de transport apparaît particulièrement adapté en territoires ruraux et péri-urbains, là où les trajets sont longs et les transports en commun insuffisamment disponibles, créant une importante dépendance à la voiture. La massification du covoiturage nécessite de mobiliser une masse critique de conducteurs et de passagers réguliers dans un bassin de mobilité.
La politique de covoiturage doit s’inscrire dans la stratégie de mobilité adaptée aux caractéristiques du territoire.
Concrètement, comment est-ce que l’on incite les auto-solistes à changer leur comportement de mobilité pour devenir conducteur ou passager en covoiturage de manière durable ?
Tout d’abord en informant. Le covoiturage est une solution immédiatement disponible et intrinsèquement avantageuse : covoiturer quotidiennement pour se rendre au travail permet d’économiser jusqu’à 2000€ par an, et de nombreuses applications de covoiturage quotidien sont disponibles afin de trouver un équipage. Ensuite en investissant. Le covoiturage est une démarche individuelle mais qui ne devient pertinente et attractive qu’en étant massive. La stratégie de massification nécessite de mobiliser largement l’écosystème local (employeurs, collectivités, universités…), et de multiplier les leviers d’actions (infrastructures, communication, services, incitations financières).
Covoiturer quotidiennement pour se rendre au travail permet d’économiser jusqu’à 2000€ par an.
La mise en œuvre de dispositifs d’incitations financières au covoiturage attire des comportements frauduleux. Comment est-ce que l’État entend lutter contre les fraudeurs ?
Tout avantage financier peut attirer des comportements frauduleux, pas uniquement dans le domaine des transports. Afin de lutter contre ces comportements, les plateformes de covoiturage, accompagnées par le registre de preuve de covoiturage ont engagé d’importants moyens visant à améliorer les procédés de détection de ces fraudes en renforçant les contrôles réalisés en amont de la réalisation de trajet, pendant et à l’issue du trajet. Une campagne de sensibilisation est également menée par les plateformes sur les risques encourus en cas de détournement d’incitations publiques au covoiturage, pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 375 000€ d’amende.
En conclusion, pour l’État, quels sont les grands chantiers et les prochaines étapes à venir pour développer le covoiturage ?
Un comité interministériel de suivi du plan covoiturage se réunit dans les prochains jours, avec l’ensemble des acteurs impliqués. Ce sera l’occasion de faire le bilan des premiers succès et d’identifier les leviers d’accélération. Nous comptons sur les territoires pour imaginer et porter d’importants projets en faveur du covoiturage, que nous soutiendrons financièrement.
Nous espérons voir le territoire se couvrir de lignes de covoiturage sur les axes structurants, de points d’auto-stop dans les territoires ruraux, d’aires de covoiturage en périphérie des villes ou encore de voies réservées au covoiturage là où la congestion routière est importante. Ces projets nous permettront d’atteindre notre objectif de 3 millions de trajets effectués en covoiturage chaque jour.
Nous comptons sur les territoires pour imaginer et porter d’importants projets en faveur du covoiturage, que nous soutiendrons financièrement.
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