Cet article fait partie du dossier : Covoiturage : le dossier du Cerema
Voir les 33 actualités liées à ce dossierDepuis plusieurs années, le Cerema accompagne l’essor de ces lignes auprès d’opérateurs comme Ecov et soutient la mise en place de politiques territoriales ensemblières fortes en faveur du covoiturage. Aujourd’hui, le Cerema s’associe à Ecov pour porter et diffuser largement un nouveau guide, visant à donner aux régions les clés de leur mobilisation possible, en tant que pilote de l’intermodalité, sur cette thématique porteuse d’avenir.
Un webinaire de présentation du guide et l'articulation avec le plan national covoiturage est organisé le 31 janvier de 13 à 14 h (inscription sur le site d'Ecov)
Comment fonctionnent ces lignes ? Quels sont les outils des régions pour développer la pratique du covoiturage ?
Le Cerema donne la parole à ECOV dans l’interview ci-dessous pour répondre à ces questions.
Interview de Jean-Baptiste Ray, ECOV
Directeur de la stratégie
Pouvez-vous nous présenter Ecov en quelques mots ?
Ecov est un opérateur de mobilité qui conçoit, déploie et exploite des lignes de covoiturage sans réservation pour le compte des collectivités locales. Start-up innovante de l’économie sociale et solidaire, nous appliquons au covoiturage l’approche des transports en commun pour faire de la voiture un transport collectif.
Avec plus d’une cinquantaine de lignes déployées dans différents types de territoires, périurbains ou ruraux, et plus de 80 études sur le covoiturage sous toutes ses formes, nous avons acquis de nombreux retours d’expériences précieux qui permettent aujourd'hui un déploiement massif. Ce déploiement a été permis en particulier grâce au programme de certificat d’économie d’énergie Licov auquel le Cerema a contribué.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ces "lignes de covoiturage" ? Dans quels contextes sont-elles particulièrement pertinentes ?
Les lignes de covoiturage allient infrastructures physiques comme des arrêts visibles, des panneaux à message variable ou des encoches et le numérique, en particulier, une application mobile pour révolutionner le partage des trajets. Depuis le lancement d’Ecov en 2014, nous sommes convaincus que, pour atteindre le potentiel immense du covoiturage local, deux facteurs clés sont nécessaires. D’une part, la qualité de service en temps réel pour les passagers doit être optimale, similaire aux meilleurs transports collectifs. Le passager doit pouvoir se rendre à l’arrêt quand il le souhaite, sans rendez-vous préalable et être sûr de partir rapidement. D’autre part, les contraintes pour le conducteur doivent être minimales. Il doit pouvoir covoiturer sans rendez-vous organisés et sans effectuer un détour.
Les lignes de covoiturage sans réservation sont pertinentes dans de nombreuses configurations en dehors des centres denses. A chaque configuration territoriale et chaque objectif visé en matière de report modal fort ou d’accessibilité des territoires pour les non-motorisés, correspond une solution de ligne de covoiturage. Leur point commun : elles sont conçues pour être complémentaires aux transports en commun, avec des arrêts et lignes prédéfinies, des horaires de fonctionnement et une tarification simple pouvant être intégrée à une politique tarifaire globale.
Des retours d’expérience ont d’ailleurs été publiés par le Cerema sur deux réseaux de lignes d’Ecov : le réseau Synchro covoiturage mis en place par le Grand Chambéry et le réseau Lane en périphérie lyonnaise.
Des lignes simples et solidaires (sans partage de frais) pour des territoires ruraux à forte dimension solidaire ou des rabattements de courte distance sur des gares ou des pôles d’échanges multimodaux.
Des lignes alliant physique et numérique pour desservir des villes petites et moyennes en complément des bus classiques ou du transport à la demande. La présence du numérique permet un suivi en temps réel des demandes et de l’offre par l’assistance et un partage de frais par l’application. Les données permettent une évaluation en continu de l’usage et des performances, enrichissant l’information donnée au voyageur.
Des lignes de covoiturage à Haut Niveau de Service (CoHNS) complétant le réseau structurant régional TER et car pour desservir les métropoles et en particulier les zones d’emplois de première couronne ou d’entrée de ville moins bien desservies par le train. Ces lignes, avec une performance élevée (départ en moins de 4 minutes en moyenne, 95% des départs en moins de 10min) permettent un report modal depuis la voiture solo et même une démotorisation (20% des passagers du service Lane disent avoir renoncé à une voiture du ménage du fait de la présence du service, 20% y réfléchissent). Ces lignes sont pleinement intégrées à l’offre de transport par une présence physique (arrêts structurants de sortie de ville) et numérique (intégration dans les systèmes d’information multimodaux et dans les MaaS).
Et pour l'usager, conducteur ou passager, comment cela fonctionne ?
Massifier le partage de trajets passe par la simplification la plus forte possible des parcours utilisateurs. Les lignes de covoiturage d’Ecov y parviennent de la manière suivante :
- Pas de nécessité de s’organiser en amont pour les passagers et les conducteurs. Grâce à la mise en relation en temps réel, les covoitureurs n’ont pas à rechercher un trajet sur une plateforme ni à prendre rendez-vous en amont.
- La limitation des temps d’attente pour les passagers grâce à la fréquence élevée de passage. Nos passagers attendent en moyenne 4 minutes aux arrêts avant d’être récupérés par un covoitureur. Sur les axes structurants, une garantie départ et une garantie retour permettent de rassurer les utilisateurs et de lever les derniers freins au passage à l’acte. En effet, lorsqu’un passager ne trouve pas de covoitureur, une solution alternative comme un VTC lui est proposée pour réaliser son trajet.
- La minimisation des détours pour les conducteurs, qui partagent un segment de leur propre trajet sur la ligne. Les détours sont compensés par des incitations financières.
- L’information en temps réel via l’application mobile, le mobilier connecté et l’assistance téléphonique.
- Les alternatives au numérique virtuel pour les non-digimobiles.
- Le sentiment de sécurité grâce aux différents dispositifs mis en place.
- La levée des freins associés à la pratique de l’autostop grâce à l’institutionnalisation du service, un parcours passagers proches des transports collectifs, et des destinations connues à l’avance par les conducteurs.
Ecov a publié un guide co-signé par le Cerema sur le rôle des Régions en matière de covoiturage, qu'est-ce qui vous a poussé à rédiger cet ouvrage et à qui s’adresse t-il ?
Depuis cinq ans, nous promouvons une vision du covoiturage comme un service public de nouvelle génération, porté par les collectivités et coproduit par les citoyens.
Ce qui a motivé ce guide est le constat que les territoires ne se structurent pas suffisamment pour prendre en charge de manière cohérente et ambitieuse le sujet du covoiturage. Les compétences étant distribuées (mobilité, voirie, social, économie) et les besoins dépassant les ressorts territoriaux des AOM, aucun acteur ne prend réellement le leadership sur le sujet de manière globale et opérationnelle, à quelques exceptions près.
Cheffes de file de la mobilité et AOM locale lorsque les communautés de communes ne se sont pas saisies de la compétence, ce qui est le cas pour près de 500 EPCI, les Régions sont légitimes pour déployer des actions en la matière.
Plusieurs Régions ont déjà mis en œuvre des actions en faveur du développement du covoiturage, selon des modalités et postures diverses comme la subvention de trajet, la mise en place d’une plateforme publique, l’élaboration d’un plan régional de covoiturage, ou l’intégration du covoiturage dans les SIM/MaaS mais selon des initiatives locales disparates et uniquement sur quelques domaines d’action ciblés.
Ce guide, auquel le Cerema a contribué, a vocation à proposer des clés de compréhension et formule une série de propositions pour piloter une politique publique de covoiturage volontariste à l’échelon régional.
Si le guide est centré sur le rôle des régions, il permet aussi de montrer que différentes entités peuvent prendre le leadership sur le sujet du covoiturage. C’est notamment le cas des métropoles, en lien avec leurs EPCI voisines, par le biais de conventions. Le guide montre que chaque acteur est légitime pour porter des actions sur le sujet. Ces politiques seront d’autant plus efficaces qu’elles seront coordonnées et cohérentes avec l’échelon supérieur.
Pouvez-vous détailler les deux ou trois mesures phares proposées dans le livre blanc?
Pour faire décoller la pratique du covoiturage et inscrire dans la durée les changements de comportement, nous avons détaillé 15 mesures, déclinées selon 4 leviers : planifier, financer, aménager et informer.
Parmi elles, 2 mesures phares doivent permettre, en 10 ans, de faire entrer le partage de trajets dans les habitudes de mobilité quotidienne dans une logique d’optimisation globale de la dépense publique régionale pour le système de mobilité.
- La première mesure est de bâtir un véritable “système covoiturage” sous l’impulsion des Régions en actionnant les différents leviers que sont la planification, la coordination, le financement, les services, les infrastructures, le numérique, l’animation et la communication. A l’instar du vélo, le covoiturage a besoin d’un écosystème favorable pour se développer.
- La seconde mesure est de Financer le système avec la mobilisation de 2 % des budgets transports régionaux alloués au covoiturage, soit environ 200 millions d’euros par an à l’échelle nationale.
Ce qui est recherché n’est pas un développement du covoiturage pour lui-même mais pour compléter intelligemment l’offre de transport existante pour répondre aux enjeux climatiques et aux besoins de mobilité des citoyens. Le budget de 200 M€ paran mis en avant est marginal à l’échelle des dépenses transports, mais permettrait de déployer massivement l’offre en étendant les dessertes dans des zones non desservies par le train ou le car et en complétant les services actuels avec un renfort de fréquence ou de capacité à moindre coût en heure de pointe, une extension des horaires de fonctionnement ou une extension des destinations desservies sans pénaliser la vitesse commerciale des bus.
Cet effort est à combiner avec l’action des AOM locales à l’échelle de leurs ressorts territoriaux et de l’Etat qui a annoncé son plan national de covoiturage 2023-2027 le 13 décembre 2023.
Une dernière question, il y a depuis la publication de la LOM en 2019 une véritable dynamique autour du covoiturage. Cette dynamique se poursuit avec le nouveau plan national covoiturage 2023-2027, comment Ecov s'inscrit-il dans cette démarche ?
Les lignes de covoiturage sont en effet partie intégrante du plan national de covoiturage. La mesure qui est pour nous la plus structurante est l’enveloppe de 50 millions d’euros issus du Fonds vert. Celle-ci a vocation à soutenir les collectivités dans la mise en place d’un véritable “système covoiturage”, qu’il s’agisse de fonctionnement, d’infrastructures, d’ingénierie, de pilotage, ou d’études. Cette enveloppe peut dès à présent financer les lignes de covoiturage portées par les collectivités locales. Ce dispositif sera mobilisable par les collectivités via les préfets, avec une ambition de déploiement rapide de projets dans les territoires.
Les deux autres mesures concernent des incitations au covoiturage, qui peuvent avoir un effet de levier sur l’usage de nos services.
Les usagers de nos lignes pourront bénéficier de la “prime 100 euros” prévue pour les primo-conducteurs.
Là où nos usagers bénéficient de subventions des trajets par les collectivités locales, celles-ci pourront avoir un financement de l’Etat à hauteur de 50 %.
L’action combinée des AOM locales, des Régions et du plan national peut permettre d’amorcer et d’inscrire durablement le partage des trajets dans les habitudes des français.
Pour en savoir plus
Dans le dossier Covoiturage : le dossier du Cerema