Cet article fait partie du dossier : Covoiturage : le dossier du Cerema
Voir les 33 actualités liées à ce dossierFace à la croissance de la demande de mobilité et considérant le double défi de la dépendance pétrolière et du réchauffement climatique, le développement d’alternatives à l’autosolisme est un enjeu fort pour les grandes agglomérations congestionnées. L’objectif est donc d’optimiser l’usage des infrastructures existantes en favorisant l’utilisation des transports en commun et en augmentant le nombre d’occupants dans les véhicules.
L’aménagement de voies réservées au covoiturage existe depuis de nombreuses années en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde mais est resté assez limité en Europe et en France.
La Convention Citoyenne pour le Climat a proposé, en juin 2020, de “généraliser l’aménagement de voies réservées aux véhicules partagés et aux transports collectifs sur les autoroutes et voies rapides desservant une zone à faible émissions mobilité”. Cette proposition, qui est reprise dans l'article 124 de la loi "Climat et résilience", doit accélérer le déploiement de telles voies à l’échelle nationale, dans les 3 prochaines années.
Les premières voies réservées au covoiturage en France
En France, des voies réservées au covoiturage et à certaines catégories de véhicules (VR2+) ont été mises en service en 2020, sur des axes structurants menant à de grandes métropoles. D’abord au mois de septembre à Grenoble sur l’autoroute A48, puis au mois de décembre à Lyon sur les routes métropolitaines M6 et M7, anciennement autoroutes A6 et A7.
Ce type de voies permet d’accroître le nombre de personnes transportées, sans augmenter le nombre de véhicules. Leur mise en place, d’apparence simple, nécessite toutefois de s’assurer au préalable du bénéfice apporté aux covoitureurs et de sa compréhension par tous les usagers, en garantissant la sécurité routière. Cela implique notamment des mesures en matière de contrôle de l’usage.
Pour plus d’information sur les voies réservées actuellement en service, il est possible de consulter l'observatoire des mesures de gestion dynamique des trafics.
Cadre législatif et réglementaire
La réglementation de la circulation sur les voies de covoiturage repose sur la récente Loi d'Orientation des Mobilités (LOM) (votée le 24/12/2019), qui a modifié le Code de la route et le Code général des collectivités territoriales, pour donner la possibilité à l'autorité de police de la circulation de réserver une voie à la circulation, entre autres, aux véhicules transportant un nombre minimal d'occupants en particulier dans le cadre du covoiturage.
En effet, auparavant, la réservation de voie n'était possible que pour les transports publics, notamment les transports collectifs.
Principe des voies réservées au covoiturage
Le domaine d’emploi correspond à l’affectation d'une voie de circulation à certaines catégories de véhicules ou à certains usages, sur un axe subissant une congestion récurrente.
Il s’agit en quelque sorte de mettre en place un créneau de dépassement permettant aux usagers autorisés de gagner du temps par rapport aux autosolistes, en leur évitant un bouchon. Les catégories d’usagers ou de véhicules autorisés sur ces voies qu'on appelle “VR2+” sont :
les véhicules transportant à minima 2 occupants ;
les véhicules de transport en commun ;
les taxis ;
- les véhicules à très faibles émissions.
L’aménagement d’une VR2+ peut se faire en réaffectant une voie existante, généralement la voie de gauche, comme c’est le cas à Grenoble et à Lyon. Cette solution présente l’avantage de nécessiter moins d’investissements, de ne pas augmenter les niveaux de trafic, mais présente un risque d’accroissement de la longueur du bouchon.
De manière contre-intuitive, cette solution peut être étudiée sur les axes saturés, car généralement, lors des fortes congestions, l’infrastructure écoule bien moins de trafic que la capacité offerte par l’ensemble des voies existantes à l’amont du nœud de congestion. Une récupération de voie peut donc être envisagée.
Une autre solution existe, celle consistant à ajouter une voie supplémentaire. Mais elle peut engendrer des coûts élevés, nécessiter des emprises supplémentaires et accroître la capacité de l’infrastructure… ce qui risque d’induire une augmentation du trafic automobile et donc de générer plus de nuisances environnementales (air, GES, bruit notamment).
Objectifs des voies de covoiturage
La mise en œuvre de VR2+ sur les axes routiers structurants, sans créer d’infrastructures nouvelles, vise à répondre à deux objectifs principaux :
à court terme, exploiter plus efficacement l’infrastructure en permettant une réduction du temps de parcours moyen des usagers empruntant la VR2+ ;
à moyen terme, inciter les usagers à changer de mode de déplacement en ayant recours aux mobilités partagées ou faiblement émissives du fait de la fiabilisation et de la réduction de leur temps de parcours.
Il est à noter qu’en accompagnement de la création de voies réservées, il est nécessaire, pour les porteurs de projet (maîtres d’ouvrage, gestionnaires routiers, autorité organisatrice de la mobilité, etc.) d’inscrire leurs projets de VR2+ dans une politique globale de mobilités, en étudiant par exemple la création de dispositifs ou d’aménagements en faveur des mobilités partagées : plateforme de mise en relation de covoitureurs, incitations financières, information multimodale, aires de covoiturage, parcs-relais, pôles d'échanges multimodaux, etc.
La signalisation
A ce jour, la réglementation française ne définit pas de signaux permettant de limiter l'usage d'une voie de circulation aux véhicules en covoiturage. Néanmoins, les ministères compétents ont publié un arrêté définissant un cadre unique pour signaler les voies de covoiturage, et qui permet de mener une expérimentation nationale sur le sujet.
Cette expérimentation, qui sera alimentée par l’ensemble des évaluations faites par les maîtres d’ouvrage qui mettront en place une VR2+, devrait permettre, à terme, d'inscrire les signaux expérimentaux dans la réglementation. Le symbole qui est expérimenté pour signaler les VR2+ est un losange.
Le contrôle des voies réservées
Comme mentionné précédemment, l’acceptabilité et l'efficience des voies réservées passe également par un contrôle performant du nombre d'occupants permettant de vérifier que les véhicules présents sur la voie sont bien autorisés à y circuler.
L’article 39 de la Loi d’Orientation des Mobilités précise le cadre juridique applicable aux dispositifs de contrôle automatisé de ces voies réservées qui peuvent être mis en œuvre par les forces de l’ordre.
A l’heure actuelle, certaines solutions de comptage du nombre d’occupants dans les véhicules apparaissent suffisamment fiables pour assurer la surveillance des VR2+ afin d’inciter au bon usage de ces voies. L’État a proposé aux collectivités intéressées de mettre en place une phase pilote de contrôle-sanction avec une solution exploitée par une autorité de police locale.
Cette phase pilote sera déployée sur plusieurs sites pour deux ans à partir de début 2024, puis évaluée en vue de définir le dispositif cible le plus efficient. A moyen terme, une homologation de ces dispositifs de comptage sera indispensable afin de mettre en place un contrôle sanction automatisé.
Perspectives
Les voies réservées au covoiturage sont des objets routiers innovants dont le déploiement monte progressivement en puissance grâce à un cadre juridique complet, une volonté politique forte et des capteurs du nombre d’occupants dont les performances progressent rapidement.
La Loi Climat et résilience prévoit d'évaluer ces dispositifs à l'échelle nationale d'ici début 2025. Ce bilan national permettra de mesurer l’efficience de ces voies en caractérisant l’amélioration des temps de parcours des usagers autorisés et la progression de la pratique du covoiturage, et fourniront des éléments de réponse sur les questions liées à l’évolution, dans le temps, de ces aménagements (évolution de la demande, évolution du parc de véhicules…).
Les éléments recueillis seront en outre utilisés pour consolider les règles de l’art sur ce sujet.
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