Le concept de sobriété (à étendre aux concepts de frugalité et de réemploi) est devenu aujourd'hui très prégnant en raison du contexte économique et géopolitique. L'augmentation importante du prix des énergies et des matières premières, constatée ces derniers mois, provoque en effet de grandes tensions sur le budget des collectivités, des entreprises et des ménages. La notion de sobriété est également devenue prégnante en raison de l'accélération du changement climatique, largement ressentie au cours de l'année 2023, marquée par la hausse des températures et la multiplication de phénomènes climatiques violents.
Au-delà des débats, des convictions et des postures, il nous faut aujourd'hui répondre à ces impératifs écologiques et économiques et revoir en profondeur nos modes de vie, de consommation et d'aménagement des territoires (ie "Faire mieux, avec moins").
Cette journée a été introduite par Jacques Le Berre, directeur territorial Est du Cerema et Anne-Marie Herbourg, DGA du Conseil départemental de la Moselle et représentante de l’ADTECH, avec des points d'actualité sur le contexte de la nouvelle gouvernance du Cerema et l'animation du réseau des collectivités. Le thème de la sobriété était le fil rouge de cette conférence technique territoriale du 9 février 2023, illustré sur cinq thématiques : le foncier, les bâtiments, les infrastructures, les matériaux, l’environnement et le paysage.
Sobriété, frugalité, réemploi : quelle approche pour nos projets d’aménagement et de construction ?
Philippe Madec a ouvert cette conférence par une approche sensible et illustrée du "ménagement" - opposé à l’"a-ménagement"- du territoire. L’architecte et urbaniste s’oppose à une vision dualiste (ville – campagne) des territoires. Il prône une redéfinition de l'urbain en intégrant la notion de densité, afin de mettre en valeur la diversité des paysages français: urbain dense, urbain semi-dense, rural, rural peu dense…
Il est également le coconcepteur de la notion de "frugalité" (qu'il décline dans son ouvrage "Commune frugale"). La frugalité peut être vue comme une approche coopérative, sociale et solidaire de la sobriété. Contrairement à la sobriété, la frugalité constitue une vision "positive" de l’usage de nos ressources. Philippe Madec milite pour un aménagement des territoires à partir du "déjà là" et pour un recours accru aux ressources locales (notamment biosourcées et géosourcées) dans les projets.
Foncier sobre, foncier recyclé
Alain Toubol, directeur général de l'Etablissement Public foncier Grand Est, a présenté les défis de la maîtrise foncière au travers de grands projets de recyclage de friches industrielles, ferroviaires ou encore militaires. Autour de la réduction de la consommation d'espace ont été évoquées l'optimisation des ressources foncières, la maîtrise des besoins et la relation au temps (temps de diagnostic préalable).
Les espaces urbanisés disposent d’un potentiel foncier encore insuffisamment exploité (dents creuses, bâtiments vacants, dégradés, abandonnés), dont le recyclage complexe pourrait être envisagé au travers d'études multi-sites. Cette action globale sera rendue possible par un décloisonnement des acteurs et des politiques publiques.
Prise en compte des objectifs environnementaux dans la "politique collèges nouvelles générations" du CD 54
Laurent Garret et Loïc Marchoetto ont présenté la politique du Conseil Départemental de Meurthe-et-Moselle en faveur de la réduction des consommations en énergie des collèges. Cette démarche a été initiée en 2010 sur la base d'un audit énergie/accessibilité sur l’ensemble des collèges du département.
La méthodologie a été mise au point avec le développement d'un référentiel ambitieux intégrant les cibles de performance, les volumes éducatifs et les usages, le numérique, les cibles HQE voire l'économie circulaire. Elle s'inscrit dans une démarche d’amélioration continue et évolue aujourd’hui en incluant des sujets tels que la mixité des genres ou la végétalisation des cours d’écoles.
Infrastructures de transport et sobriété : diagnostic et solutions pour la filière
Jean-Baptiste De Prémare, président du comité de prospective de l'IDRRIM a présenté le pacte d'engagement de l'IDRRIM. L'enjeu pour les gestionnaires est de maintenir l'état des infrastructures tout en adaptant celles-ci aux nouveaux usages et en les inscrivant dans une trajectoire de décarbonation.
Les maîtres d'ouvrages sont encouragés à repenser les mobilités hors des centres-villes et mettre en œuvre des innovations (par exemple l'utilisation de nouveaux matériaux) pour réduire l'impact carbone des transports (représentant 30% des émissions de GES).
Recyclage du béton dans le béton : l’apport de la recherche
La recherche apporte un appui scientifique et technique pour faire bouger les lignes normatives. Pour illustrer ce propos, Amor Ben Fraj, directeur de recherche au Cerema a présenté les travaux de son laboratoire esur le sujet du recyclage des granulats dans le béton.
L'étude démontre l'impact de la qualité du granulat recyclé sur la résistance du nouveau complexe créé, et préconise le tri de matériaux avant transformation pour une valorisation réussie.
Réemploi et préservation des espaces naturels dans les projets d’aménagement : l’exemple du parc de la Seille
La journée s'est clôturée par la présentation et la visite apprenante du projet du parc de la Seille avec Laure Planchais, paysagiste DPLG et urbaniste, lauréate du Grand Prix national du paysage.
La conception du parc de la Seille s'appuie sur une approche sobre et économe, le traitement des ouvrages techniques intégrés au paysage et la création d'espaces sanctuarisés pour la biodiversité.
A la lumière de ce projet précurseur favorisant la mixité des usages et l'appropriation par les habitants, la paysagiste a souligné la nécessité d'une éducation au nouveau regard. Celle-ci s'appuiera sur un travail d'accompagnement et de pédagogie auprès des habitants, des élus et des services techniques.