Cet article fait partie du dossier : Le projet InTerLUD+ : Innovations Territoriales et Logistique Urbaine Durable
Voir les 18 actualités liées à ce dossierCet article du Cerema paru dans TechniCités fait le point sur le programme et les principaux leviers d'action identifiés à travers les retours d'expériences de collectivités pilotes.
Cet article est paru dans la revue TechniCités, et présente les éléments de méthode pour développer une stratégie logistique urbaine durable, ou logistique du dernier kilomètre: est "l’art d’acheminer dans les meilleures conditions les flux de marchandises qui entrent, sortent et circulent dans la ville", selon la définition de Danièle Patier (1).
L’analyse de la logistique urbaine est extrêmement complexe car elle englobe des composantes diverses et interdépendantes : activités économiques, aménagement du territoire, gestion urbaine (voirie, déchets, etc.), fonction transport, habitat. C’est une activité en plein essor et de nombreuses collectivités se trouvent confrontées à une double interrogation : comment assurer la vie économique du centre-ville tout en limitant les externalités liées aux différents véhicules de livraison telles que la congestion, l'insécurité routière, la pollution ?
Les enjeux sont de trois types : environnementaux, économiques et sociaux. Si le transport de marchandises en ville représente une part du trafic modeste, son impact environnemental est fort. Des leviers d’action existent tant pour les collectivités que pour les acteurs économiques.
Principaux acteurs
La logistique urbaine relève de jeux d’acteurs multiples aux enjeux souvent contradictoires :
- Les acteurs institutionnels (collectivités, agences d’urbanisme, services de l’État, Ademe, recherche) ;
- Les acteurs économiques ;
- Les fonctions supports de la logistique (gestionnaires de réseaux ferroviaires, fluviaux, des infrastructures en énergies, etc.) ;
- Les consommateurs, habitants, représentés par des associations de quartier.
La question de la logistique urbaine reste encore peu abordée dans les politiques publiques, contrairement aux déplacements des personnes.
Or, les collectivités disposent de nombreux leviers :
- des outils de planification et d’urbanisme à différentes échelles (plan local d’urbanisme intercommunal, plan des mobilités – PDM –, plan climat air-énergie territorial – PCAET –) ;
- des cadres réglementaires grâce aux pouvoirs de police du maire, à la mise en place des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) ;
- des incitations (financières, accompagnement, sensibilisation).
La question du transport de marchandises en ville est une thématique transversale qui doit être accompagnée par un portage politique fort qui concerne les élus et techniciens en charge des politiques publiques : mobilité, aménagement, urbanisme, développement économique, environnement, gestion de la voirie, police.
Le programme InTerLUD – pour Innovations Territoriales et Logistique Urbaine Durable – est un programme du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE). Il est porté par l’agence de la transition écologique (Ademe), le Cerema, la Confédération du commerce de gros et international (CGI), Logistic Low Carbon (LLC, filiale de la CGI) et Rozo.
Cette méthodologie a été créée à destination de l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) souhaitant mettre en oeuvre une stratégie concertée et planifiée pour optimiser la mobilité des marchandises.
En fédérant les acteurs publics et privés, elle leur permet de concrétiser leur engagement commun autour d’une charte adaptée à leur territoire. Le programme InTerLUD permet aux territoires de disposer d’un soutien actif du Cerema pour mettre en oeuvre la méthodologie (formation des techniciens, accompagnement des techniciens et des élus par un expert du Cerema) et de LLC pour sensibiliser et mobiliser les acteurs économiques.
Le cadre méthodologique de la démarche d’engagement volontaire en faveur de la logistique urbaine repose sur la mise en oeuvre d’un "tryptique":
- connaissance de l’organisation et des pratiques logistiques sur le territoire (diagnostic) ;
- concertation auprès de tous les acteurs de la logistique urbaine ;
- engagement sur des actions ou des axes de travail traduit au sein d’une charte (multipartite acteurs publics et privés) et/ou d’un acte politique (délibération des élus par exemple).
Cette méthode a pour objectifs de réduire les impacts sur l’environnement, d’apaiser le centre-ville (congestion, sécurité routière, conflits d’usage de la voirie), d’améliorer l’efficacité du transport des marchandises et de renforcer l’attractivité du territoire. Elle a été élaborée dans le cadre de la Stratégie nationale "France logistique 2025" en associant des collectivités, puis complétée et enrichie après une phase d’expérimentations sur des territoires pilotes sur la période 2016-2018.
Cadre méthodologique
Le programme InTerLUD permet de faire connaître ce cadre méthodologique.
L’EPCI intéressé s’engage à suivre le cadre méthodologique en menant un travail en concertation avec les acteurs économiques et les différents services au sein de l’EPCI et des villes centres, en réalisant un plan d’actions opérationnelles comprenant des engagements sur des actions à mener et sur des objectifs de résultat ainsi que le suivi et l’évaluation des actions dans le temps. Le cadre méthodologique s’accompagne d’outils proposés aux territoires :
- Un test de maturité ou test d’autoévaluation est proposé aux collectivités pour faire le point sur les connaissances, la prise en compte de la logistique urbaine dans les documents de planification, les initiatives existantes ou encore les acteurs économiques présents sur le territoire. Ce regard à 360° à un temps permet à la collectivité de cibler les études et actions à mettre en place en tenant compte des points forts et faibles, des ressources et des partenaires ;
- Des fiches actions réparties en trois familles sont proposées : planification (inscrire la logistique dans la stratégie territoriale), collectivités (actionner les leviers propres à la collectivité pour agir), collaboratives (engager des partenariats avec les acteurs privés pour agir).
- Le site propose aussi dans sa Boîte à outils une carte avec des projets de logistique urbaine durable menés en France.
Selon leurs enjeux et problématiques, les acteurs du territoire vont pouvoir piocher dans cette liste d’actions. Le Cerema et LLC travaillent à un enrichissement avec l’ajout de nouvelles fiches actions (artisan, circuit court, e-commerce, économie circulaire).
Les collectivités accompagnées par le programme InTerLUD disposent d’un cadre qui leur permet de s’approprier cette thématique et de définir avec les parties prenantes un plan d’actions opérationnelles à mettre en oeuvre pour relever le défi d’une logistique urbaine durable.
Cette démarche s’inscrit en synergie avec d’autres politiques publiques portées par les collectivités : ZFE-m, planification urbaine, PDM, PCAET, etc.
La Charte de logistique urbaine
La charte de logistique urbaine est un outil volontaire, partenarial, concerté avec une visée opérationnelle. Propre au territoire, elle comprend une présentation des enjeux locaux en logistique urbaine, les objectifs ainsi que la liste des actions permettant d’y répondre.
Elle permet de fédérer les acteurs du territoire – le suivi de la réalisation des actions dans le temps permet également de mettre en avant les acteurs parties prenantes et de diffuser les bonnes pratiques auprès des autres acteurs du territoire. Ce suivi permet également de compléter, de mettre à jour les actions retenues.
La charte peut être associée à d’autres démarches comme des actions sur la qualité de l’air avec la mise en place des ZFE-m ou des actions coeur de ville pour améliorer les conditions de vie des habitants des villes moyennes.
La collectivité a un rôle de chef d’orchestre dans la mise en place de la charte et le suivi des actions. Un portage politique fort et dans la durée est nécessaire pour un engagement de l’ensemble des parties prenantes du territoire.
Le Cerema accompagne notamment les collectivités dans la mise en place d’une gouvernance dédiée à la logistique urbaine. En effet, la gouvernance est un élément central car les solutions efficientes et durables sont celles qui sont coconstruites en interne à la collectivité (en impliquant différents services) et en lien avec tous les acteurs privés notamment.
Accompagner les acteurs
En plus du suivi des collectivités engagées dans le programme InTerLUD, le Cerema contribue à la valorisation de projets et actions innovantes mis en place sur les territoires. Il propose des évolutions méthodologiques des fiches actions selon l’évolution des pratiques de logistique urbaine et des innovations issues des démarches territoriales (logistique urbaine fluviale, verdissement des flottes, cyclologistique, logistique des circuits courts alimentaires, logistique des artisans, e-commerce…).
En complément des actions du Cerema, LLC accompagne les acteurs économiques de tous les secteurs. Sur chaque EPCI accompagné, les chargés de mission LLC identifient et sensibilisent ces acteurs individuellement et collectivement via les fédérations nationales ou directement pour certaines structures privées. Ils permettent aussi de mobiliser ces acteurs dans le travail partenarial mené par les collectivités notamment au sein des groupes de travail mis en place pour dégager des pistes d’actions.
Partage d’expériences et applicatifs numériques
InTerLUD élabore des outils pour répondre aux besoins des acteurs économiques des territoires. Logistic-Low-Carbon (LLC) pilote l’élaboration de deux applicatifs:
Aire de livraison:
Les aires de livraison ne sont pas réservées aux professionnels et le code de la route indique que toute personne qui charge/décharge peut également les utiliser. Les livraisons sont en hausse notamment en raison du développement du e-commerce et de l’apparition de particuliers-livreurs, et les emplacements de livraison disponibles dans les collectivités sont en nombre limité.
L’idée est de remplacer les disques papier "livraison de marchandises" instaurés par certaines collectivités par une version numérique. L’enjeu est d’améliorer l’utilisation des aires de livraison.
Cette application permettra à la collectivité de cartographier en temps réel les places de livraison et leur utilisation, améliorer la gestion de la voirie (contrôle du bon usage) et accéder à la catégorie de véhicule. Du côté des conducteurs-livreurs, ils auront l’information sur les places disponibles, l’aire de livraison la plus proche et pourront déclarer leur stationnement (durée).
La réussite du projet repose sur l’adhésion des professionnels sachant qu’il n’est actuellement pas possible d’imposer l’usage d’un disque de stationnement numérique.
TransEco ZFE-m
Cette application consiste, via un accès internet, à offrir aux acteurs des informations territorialisées sur la création d’une ZFE-m, à destination des acteurs économiques (calendrier de mise en place de la ZFE-m, périmètre retenu, usagers et véhicules concernés, dérogations en vigueur/ envisagées…) ainsi que des informations complètes en faveur du verdissement des flottes : alternatives au gazole, catalogue de gammes de constructeurs en VUL/PL, catalogue des aides financières, carte des stations d’avitaillement, outil d’aide à la décision pour le choix du renouvellement des véhicules, etc.
Par Hélène de Solere, cheffe de projets logistique urbaine et interurbaine, et Cédric Bariou, responsable d’études mobilité des biens, Cerema
[1] « La logistique dans la ville », Celse, Paris, 2002.
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