Cet article fait partie du dossier : Nature en Ville : développer les solutions fondées sur la nature dans le milieu urbain
Voir les 45 actualités liées à ce dossier70 personnes étaient au rendez-vous pour échanger sur les solutions d’adaptation au changement climatique fondées sur la nature et repartir avec des clés pour agir. Les différents temps d’échanges ont également permis aux participants de nouer des relations propices à de futures collaborations.
Cette conférence a été organisée par le Cerema et les animateurs régionaux du dispositif Territoire Engagé pour la Nature (TEN) et du projet Life intégré Accroître la Résilience des Territoires au changement climatique par l’Incitation aux Solutions d’adaptation fondées sur la Nature (ARTISAN) : l’Association des Rivières Rhône-Alpes Auvergne (ARRA) , l’Agence Régionale de la Biodiversité de Bourgogne-Franche-Comté (ARB BFC), les deux directions régionales de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et la région Bourgogne-Franche-Comté, avec le soutien financier de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Après quelques mots introductifs par Jacky Ménichon, président de la Communauté de Communes Saône-Beaujolais (CCSB) qui a aimablement accueilli la journée, Stéphane Woynaroski, président de l’ARB BFC, a présenté les missions de sa structure et Alexandre Bacher, directeur du département des transitions territoriales du Cerema, a précisé l’implication de cet établissement public sur la thématique de la biodiversité et sa nouvelle gouvernance Etat-Collectivités territoriales.
Les clés pour comprendre
La nécessité de s’adapter au changement climatique… avec la nature
Didier Soulage du Cerema a rappelé les chiffres du Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et l’origine anthropique du réchauffement climatique et la nécessité d’agir en conjuguant actions d’atténuation et d’adaptation. Il a également insisté sur le nouveau paradigme qui du "penser global, agir local" nous invite aujourd’hui aussi à "agir localement en pensant globalement".
Arnaud Piel de l'OFB a ensuite rappelé que la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (en anglais : Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES) considère le changement climatique comme le troisième facteur principal de perte de biodiversité. Il a expliqué comment les qualités exceptionnelles de résilience de la nature permet d’apporter des bénéfices directs sur les territoires où elle retrouve une place. En montrant ainsi le rôle de la nature pour lutter contre le changement climatique, agir pour notre bien-être, éviter les risques …, il ouvre le sujet.
Après avoir présenté le projet Life intégré ARTISAN, Héloïse Gautier de l'OFB a posé le cadre de la journée rappelant la définition des Solutions fondées sur la nature de l'Union internationale pour la Conservation de la nature (UICN) comme "les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés, pour relever directement les enjeux de société de manière efficace et adaptative tout en assurant la bien-être humain et des avantages pour la biodiversité". Des exemples concrets de différents types de solutions fondées sur la nature dans des environnements différents (montagne, milieu agricole, ville, milieux aquatiques...) ont ensuite été présentés.
Les clés pour agir : de premières pistes
La première ville bioclimatique
Sylvain Crampe de la communauté de communes Saône-Beaujolais a explicité comment le constat d’un faible maillage arboré dans un contexte de fort développement urbain, a permis la construction du projet ambitieux de "Belleville-en-Beaujolais, ville bioclimatique 2035".
Ce projet a pour objectif de définir une stratégie d'adaptation du territoire au changement climatique, qui a commencé par la réalisation d'une étude sur plusieurs secteurs stratégiques avant d'établir un plan d'adaptation climatique et paysagère.
Le suivi est effectué grâce à une série d'indicateurs territoriaux (tels que les émissions annuelles de carbone par habitant, les mètres carrés d'espaces verts par habitant...) ou stratégiques (comme le coefficient de biodiversité ou le coefficient de rafraichissement urbain) dont la valeur de référence est 2018.
Les aides financières mobilisables
Les moyens financiers étant l’un des premiers freins à l’action, Eve Sivade de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a explicité les aides mobilisables pour mettre en œuvre les solutions d’adaptation fondées sur la nature au niveau de l’agence. L'agence de l'eau peut ainsi aider à financer des études et des travaux portant sur la restauration et la préservation des milieux aquatiques, la désimperméabilisation des sols en ville ou la création d'infrastructures agro-écologiques.
Plusieurs exemples d'actions menées sur le territoire de l'Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse ont également été présentés, ainsi que le les prochains appels à projets : "Eau et biodiversité 2023" en novembre 2022 et "Adaptation au changement climatique" en décembre 2022.
Marc Bardinal de l'Ademe a présenté les questionnements autour des stratégies d’adaptation pour relever le défi climatique et évoqué la mise en place, par l’Etat, d’un "fonds vert" pour aider au déploiement de ces solutions fondées sur la nature dans les territoires.
Balade le long d’une haie
Après des échanges autour du buffet, une météo clémente a permis aux participants de se promener le long d’une haie mixte plantée en parallèle d’une haie monospécifique. Ils ont pu écouter les précisions de Florence Damevin sur l’action de plantation de 42 km de haies mise en place par la communauté de communes Saône-Beaujolais dans le cadre de son marathon de la Biodiversité.
L’après-midi a été divisée en trois temps selon la chronologie d’un projet : conception /réalisation /suivi. Chaque temps a compris la présentation d’un outil, un retour d’expérience et des échanges avec la salle. Enfin, un dernier point a permis de redonner le panorama des acteurs mobilisables sur les Solutions d’adaptation fondées sur la Nature.
Agir lors de la conception du projet
Le Centre de Ressource sur l’Adaptation au Changement Climatique
Sarah Quatresous-Lespinasse du Cerema a présenté le Centre de Ressource sur l’Adaptation au Changement Climatique (CRACC) et comment les Solutions d’adaptation fondées sur la Nature vont l’imprégner. Cette plateforme portée par le Cerema en partenariat avec l'ONERC, l'Ademe et Méteo-France propose les ressources essentielles sélectionnées pour aider les collectivités à s'engager dans l'adaptation au changement climatique.
Elle propose différentes approches selon les thématiques, les milieux, le secteur, ainsi qu'une approche transversale. Une entrée par type d'acteur du territoire (élus, techniciens, acteurs économiques, bureaux d'études ou particulier) est aussi disponible. Depuis le 1er septembre, les Solutions d'adaptation fondées sur la nature ont leur propre rubrique qui permet de comprendre ce que sont ces solutions et de trouver des exemples d'actions selon les milieux concernés (ville, milieu agricole, milieu forestier...).
Le CRACC présente aussi une sélection de ressources incontournables et des actualités. Afin de les mettre en évidence sur toute la plateforme, un système d’identification permet de repérer visuellement les ressources documentaires et initiatives locales qui décrivent une SafN. D’autres développements sont prévus pour le début d’année 2023.
La conception de la cour d’école végétalisée Marcel David à Échirolles (38)
Christophe Romero, de la commune d’Échirolles, a précisé comment les différents acteurs en lien avec la cour d’école (enseignants, parents d’élèves, enfants, habitants du quartier, services techniques etc.) ont contribué à la conception de la cour d’école végétalisée et au réaménagement des abords de l'école, afin de lutter contre l’îlot de chaleur et d'être un cadre partagé d’apprentissage à la nature.
Parmi les enjeux du projet, la commune voulait qu'il apporte un bénéfice à l'ensemble du quartier, avec l'organisation d'espaces semi-ouverts ou totalement ouverts aux habitants, de favoriser le cycle de l'eau ou encore de permettre les actions pédagogiques. La réflexion se poursuit pour quatre autres écoles de la ville.
Agir lors de la réalisation du projet
Le dispositif renaturation de la région Bourgogne-Franche-Comté
Karen Coudry de la région Bourgogne-Franche-Comté présenté le dispositif renaturation mis en place pour réduire le phénomène d'ilots de chaleur en s'appuyant sur la biodiversité et sur les fonctionnalités des écosystèmes, puis le nouveau règlement d’attribution de cet accompagnement financier régional qui fait de la Région Bourgogne-Franche-Comté un acteur engagé pour la biodiversité et les solutions d’adaptation fondées sur la nature.
La réalisation de la renaturation du centre bourg de Saint-Maurice-les-Couches
Jean-Marc Monaco, de la commune de Saint-Maurice-les-Couches (200 habitants), a montré toute la pertinence et la richesse d’un projet de renaturation d’un centre de village même à l’échelle d’une petite commune notamment en mobilisant et associant les citoyens. La commune a sollicité le conseil régional de Bourgogne Franche-Comté lors de l'appel à projets "Renaturation et biodiversité" de 2020 pour monter un dossier solide et rédiger le cahier des charges afin de renaturer un site comprenant un ancien parking qui a été désimperméabilisé en conservant ses fonctions et un ancien jardin en centre-bourg qui a repris vie.
Agir lors du suivi
Le référentiel d’indicateurs du projet Life ARTISAN
Marylou Dufournet du Cerema a rappelé tout l’intérêt de suivre et rendre compte de l’efficacité de ce type d’actions. Puis, elle a présenté la méthodologie de co-construction qui a permis d’aboutir au référentiel de suivi des Solutions d’adaptation fondées sur la Nature des sites pilotes du projet Life Artisan (téléchargeable sur l'article en lien ci-dessous).
La classification choisie pour les indicateurs de suivi a ensuite été détaillée: Les objectifs sont regroupés en 4 thématiques:
- adaptation au changement climatique,
- gain net en biodiversité,
- co-bénéfices sociaux et économiques,
- gouvernance de projet.
Chaque objectif est associé à des indicateurs de moyens, de réalisations, de résultats et de contexte au besoin. Chaque indicateur est décrit dans une fiche détaillée. Pour de nombreux indicateurs, il est possible de trouver une présentation de plusieurs méthodes de suivi en fonction des moyens techniques et financiers du porteur de projet.
Le propos a été illustré avec l’objectif "améliorer le confort estival d’un espace public":
- L’indicateur de moyen pourrait alors être le budget travaux et entretien alloué à la SafN,
- l’indicateur de réalisation serait la surface de projet végétalisée par rapport aux objectifs.
- L’indicateur de résultat pourrait prendre la forme de l’évolution des indices de confort thermique
- L'indicateur de contexte pourrait quantifier le volume d’arrosage nécessaire.
Ce référentiel permet de s'inspirer pour établir sa propre méthodologie de suivi des projets.
Le suivi des arbres de pluie au Grand Lyon
Johana Sanabria de la métropole de Lyon a pu livrer les premiers résultats du suivi des arbres de pluie réalisés dans le cadre de leur projet Life Artisan: il 'agit d'arbres dont la fosse de plantation est conçue pour gérer une partie des eaux de ruissellement.
Les différents dispositifs de suivi mis en place ont permis de montrer que les pluies inférieures à 15 mm sont bien infiltrées dans les fosses de plantation des arbres, qui profitent de ces apports naturels avec une pousse améliorer, une plus grande évapotranspiration et donc un meilleur rafraîchissement de la ville et une biodiversité plus riche compte tenu de la meilleure qualité du milieu.
Les indicateurs portent sur l'impact sur le changement climatique, l'apport de biodiversité, la gouvernance inclusive et les co-bénéfices sociaux et économiques.
La collectivité a déjà déconnecté du réseau d'assainissement une centaine d'hectares de dispositifs d'infiltration et poursuit l'objectif d'atteindre 400 hectares en 2026.
Les acteurs en région
Martin Bé de l’ARRA et Bruno Dorbani de l’ARB BFC ont présenté le dispositif Territoires Engagés pour la Nature et l’appui qu’il permet d’apporter aux collectivités lauréates. La démarche qui est régionalisée et dont le Cerema est partenaire, vise aussi à donner de la visibilité aux projets et à susciter des mises en relation entre les acteurs. Les territoires sont accompagnés pour faire émerger les projets de manière collaborative.
Une conclusion optimiste
Stéphane Woynaroski, président de l’Agence régionale de la Biodiversité de la Région Bourgogne-Franche-Comté, a rappelé que, dans notre société, si certains pensent qu’il n’est pas le bon moment ou que ce n’est pas la priorité financière de s’occuper de la biodiversité, il est au contraire vraiment temps et utile, y compris pour les finances, de tous de s’engager pour ce "petit rien qui n’est autre que la vie".
Pour sa part, Arnaud Piel, de l’Office Français de la Biodiversité Auvergne-Rhone-Alpes, a rappelé que "l’enchaînement des crises légitime l’urgence d’agir et le droit à l’expérimentation" en insistant sur la nécessité :
- de ne pas confondre agir vite et agir précipitamment ;
- d’une coordination inter-services ;
- et d’une implication des citoyens.
Enfin, il a conclu que cette journée, en remerciant les organisateurs et intervenants qui auront permis d’apporter aux participants l’étincelle nécessaire pour s’engager dans ces transitions à savoir... les rencontres !
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