Cet article fait partie du dossier : Dossier : Une voirie pour tous
Voir les 9 actualités liées à ce dossierLes zones peu denses sont caractérisées à la fois par un habitat peu dense, hormis dans des centres bourgs, des bassins d’emploi vastes et un taux faible en équipements de services. Les aménagements des voies de circulation sont très majoritairement dédiés à la voiture, mode souvent considéré comme permettant la meilleure accessibilité aux aménités, dispersées et/ou éloignées sur ces territoires.
Cette journée technique organisée dans le cadre du programme Une voirie Pour Tous sous l'égide de la CoTITA.
La faible part des modes actifs est ainsi notamment due à l’absence ressentie de place pour ces modes dans l’espace public, rendant les déplacements à vélo perçus comme difficiles et dangereux. Les acteurs publics ont cependant des cartes à jouer pour développer la pratique du vélo, qui présente de nombreux avantages : non-polluant, peu coûteux, accessible à tous, bon pour la santé, et facteur d’attractivité territoriale.
Au niveau national, le Plan Vélo prévoit une série d’actions et de mesures réglementaires visant à augmenter la part modale vélo dans les déplacements. L’objectif annoncé est de la faire passer de 2,7 % aujourd’hui à 9 % en 2024.
Des outils et des actions pragmatiques, simples et participatives ont été présentés au cours de cette journée.
Introduction : la mobilité en territoires peu denses
Les 33 000 communes les moins denses (densité < 64 h/km²) rassemblent un tiers de la population. La part modale de la voiture y représente 85% des trajets, alors que les transports en commun représentent 3,7% des déplacements et le vélo 1,3%.
Différents freins à l'utilisation du vélo dans ces territoires ont été identifiés: climat, manque d'aménagements, sentiment d'insécurité, vol de vélos, pénibilité, relief... Des solutions sont apportées à ces problématiques: équipement adapté, aménagements adaptés, stationnement sécurisé des vélos, vélos électriques et intermodalité... Pour que ces solutions soient connues et utilisées, il faut cependant les accompagner de pédagogie et de sensibilisation.
Frédéric Lescommères, directeur d’études mobilités et développement des territoires, a présenté le contexte de la mobilité en territoires peu denses:
- Les zones peu denses ne sont pas le territoire exclusif de la voiture, même si plus de 70% des déplacements se font en automobile,
- La desserte en transports collectifs y est très souvent déficitaire ou absente (considérée comme peu pertinente face aux besoins : maillage, horaires, fréquences..),
- L'accès aux services peut être complexe de par leur éloignement géographique,
- Environ 25% de la population à plus de 65 ans (les seniors sont une population moins mobile), 26% ont moins de 25 ans (et les jeunes sont souvent dépendants pour leur mobilité).
- La compétence mobilités peut-être éloignée de certains territoires.
La voiture reste le mode de déplacement principal, utilisé dans 70 % des cas. Par ailleurs, plus de 60% des déplacements en voiture font moins de 3 kilomètres et 90% des trajets domicile-travail sont effectués en voiture. Le choix de la voiture est lié à des contraintes telles que le transport d'enfants, l'absence d'arrêts de transports en commun, leur coût ou les horaires. Par ailleurs, plus de la moitié des gens ignore quelle est l'offre de transport près de chez eux.
La marche et les déplacements actifs (marche et vélo) représentent plus de 20 % des déplacements (dans un périmètre inférieur à 5 kilomètres dans les centres-bourgs).
Pour les territoires, les objectifs des politiques publiques sont de maintenir les liens sociaux et l'accès aux services, de réduire la vulnérabilité économique des ménages, de coordonner les politiques de mobilité avec d'autres politiques publiques, de de développer les suages partagés de la voiture, et d'aménager l'espace public pour les piétons et les vélos.
Exemples d'actions dans les territoires
Afin de favoriser les alternatives à l'utilisation de la voiture, des collectivités ont mis en place différentes actions:
Vallée des Aldudes - Pays Basque (64)
A travers une forte implication des acteurs locaux (élus, techniciens et artisans et commerçants locaux), plusieurs solutions de mobilité ont été développées aussi bien pour les visiteurs occasionnels du territoire que pour les habitants.
- Création d'une navette pour relier la vallée à l'offre TER.
- Organisation d’un co-voiturage de proximité (trajets domicile-travail et accès aux services avec Téacoté)
- Création d'un conseil en mobilité et de relais de mobilité (office de tourisme, commerces, secrétariat de mairie...)
- Expérimentation de solutions de mobilités actives (location de vélo et de vélo à assistance électrique -VAE) pour les déplacements de loisirs et touristiques saisonniers.
Pays de Nexon Monts de Chalus (87)
- Création d’une solution auto partage véhicule électrique en gare de Bussieres-Galant
- Organisation d’un service d’autostop organisé sur le territoire de la communauté de communes (construction des circuits et points d’arrêts, communication)
- Mise en place d’un conseil en mobilité au sein de la collectivité (sensibilisation, accompagnement des entreprises dans les plans de mobilité)
Plan de mobilité rurale du PETR du pays Ruffécois (16)
Le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du Pays Ruffécois a élaboré son plan de mobilité rurale, à partir d'un diagnostic partagé, validé et construit à partir d'une enquête auprès des habitants, d'ateliers mobilité, et d'entretiens bilatéraux menés auprès de la population, notamment les seniors, les jeunes et les personnes en situation de précarité. Différents leviers d'action ont été identifiés:
- Transport à la demande (TAD) de proximité et en rabattement
- Amélioration de l’offre TC / TER (horaires, fréquences)
- Construction d’un covoiturage de proximité et d’un autostop organisé
- Intermodalité autour des gares
- Communication via notamment la plateforme de mobilité Emmaüs
- Facilitation de la pratique des modes actifs en centre-bourgs.
La loi d'orientation des mobilités: quelles évolutions?
Thomas Jouannot, expert mobilités au Cerema, a présenté les principaux éléments sur le projet de loi d'orientation des mobilités, afin de favoriser les mobilités actives, qui sont définies dans le texte comme "l’ensemble des modes de déplacement pour lesquels la force motrice humaine est nécessaire, avec ou sans assistance motorisée".
Le projet de loi aborde aussi la schéma national des véloroutes, qui "définit le réseau structurant de véloroutes sur le territoire national (…), en s’appuyant sur les schémas régionaux lorsqu’ils existent" et "détermine les conditions dans lesquelles ce réseau est rendu continu". Les véloroutes sont définis comme "des itinéraires continus destinés à faciliter la circulation des cyclistes sur de moyennes et de longues distances", et peuvent emprunter tout type de voie adapté à la circulation des cyclistes et dont le jalonnement est continu.
Le texte prévoit également la mise en place d'itinéraires cyclables pourvus d'aménagements lors de réalisations ou rénovations de voies urbaines. Ces aménagements peuvent prendre la forme de pistes, de bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou, pour les chaussées à sens unique à une seule file, de marquages au sol.
Le projet de loi prévoit aussi lors d'une réalisation ou réaménagement de voies hors agglomération (hors autoroutes et voies rapides) que le gestionnaire de la voirie "évalue, en lien avec la ou les autorités organisatrices de la mobilité compétentes, le besoin de réalisation d’un aménagement ou d’un itinéraire cyclable, sa faisabilité technique et financière". cette évaluation serait rendue publique.
"Ces aménagements ou itinéraires cyclables doivent tenir compte des orientations des plans de mobilité et de mobilité simplifiés ainsi que du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire et du schéma national des véloroutes(…)", précise l'article L 228-3.
D'autres modifications réglementaires sont prévues:
- Impossibilité de créer du stationnement motorisé 5 m en amont des passage piétons
- Définition des engins de déplacement personnel (EDP) et des espaces qui leur sont dévolus.
- Généralisation du double-sens cyclable dans les rues à 50 km/h.
- Généralisation des sas cyclistes.
Boite à outils des aménagements cyclables
Jérôme Matheus, spécialiste mobilités au Cerema, a présenté les aménagements que sont les zones 30, zones de rencontre et aires piétonnes, ainsi que les règles en matière d'aménagement des pistes cyclables.
Un point a été proposé sur les chaussées à voie centrale banalisée, le double-sens cyclable, les couloirs de bus ouverts aux vélos, les sas vélo, les cédez-le-passage pour les cyclistes aux feux.
Pour compléter l'information à ce sujet, le Cerema a conçu deux séries de fiches sur les aménagements vélo, disponibles gratuitement sur la boutique en ligne.
Politique cyclable en territoires périurbains et interurbains
Agathe Daudibon de Vélos & Territoires (réseau des Départements & Régions Cyclables) et Stéphane Bauchaud du Conseil Départemental de Charente ont présenté des actions mises en oeuvre en faveur de la pratique du vélo.
Le plan vélo en région
Après une brève présentation du contexte national et européen (EuroVélo, Schéma européen, schéma national vélo dont l'objectif est de créer 23.330 km d'itinéraires dont 48% en site propre d'ici 2030 et schémas régionaux), les intervenants ont présenté le schéma régional des véloroutes et voies vertes en Nouvelle-Aquitaine: 18% des EuroVélo françaises se trouvent en Nouvelle-Aquitaine, et 8,3% des itinéraires du schéma national véloroutes.
Plusieurs outils existent pour aider à élaborer les politiques cyclables:
- Observatoire National des véloroutes voies vertes : outil d’agrégation de données SIG.
- Géostandard vélo Covadis : validé en 2014 pour homogénéiser les données élaboré par Vélo & Territoires et le Cerema.
- WebSIG vélo : outil de visualisation et de partage des données
La région a développé une politique cyclable basée sur 13 domaines d'action, déclinés dans chaque niveau de collectivité. Ces 13 domaines d'action sont les suivants, illustrés par des exemples d'actions menées en France:
- Travaux de voirie,
- Intermodalité: Mise en place du Train Vélo InterLoire,par les Régions Centre-Val de Loire et Pays-de-la-Loire
- Continuité en agglomération: Traitement de la traversée des V50 et EV17- ViaRhôna par Grand Lyon la Métropole.
- Soutien aux entreprises: Dessertes et stationnements vélo par le Syndicat mixte de Savoie Technolac.
- Desserte d'équipements publics: 500 places dans la vélostation de la nouvelle gare| Chambéry Métropole
- Environnement,
- Urbanisme et planification: Coordination des SR3V, intégration Sraddet et délibérations cadres en Région Sud
- Animation politique et territoriale,
- Promotion de l'itinéraire: Evènement "Rand’Ostrevent" par l'Intercommunalité Cœur d’Ostrevent
- Sports et loisirs,
- Services touristiques,
- Données cyclistes: Enquête de fréquentation et de retombées économiques des VVV de Bretagne par la Région Bretagne.
- Accessibilité scolaire.
Mesurer la fréquentation
Mesurer la fréquentation des itinéraires et installation cyclables permet d'évaluer les actions mises en oeuvre, de vérifier l'adéquation des aménagements avec les besoins, et de disposer d'un suivi continu.
Plusieurs moyens existent pour collecter les données: les compteurs automatiques, les enquêtes qui permettent une évaluation qualitative, et les informations de la Plateforme Nationale des Fréquentations qui fournit des données consolidées au niveau national.
On observe qu'en zone rurale et périurbaine, la fréquentation des itinéraires cyclables a augmenté de 4% entre 2017 et 2018, et de 10% en zone urbaine. En zone rurale et périurbaine, cette fréquentation connaît des pics en période estivale et durant les week-ends.
La politique cyclable du Grand Angoulême
Célinda Ribeyre de la Communauté d'Agglomération du Grand Angoulême a présenté la démarche de la collectivité en matière de politique cyclable. Le premier schéma cyclable a été conçu en 2005 et a identifié une liaison prioritaire, structurante pour le territoire et support des itinéraires européens et nationaux de véloroutes voies vertes.
En 2012, la part modale du vélo n'était que de 1% (1,2% à Angoulême, 0,9 % dans le Grand Angoulême), alors que les ménages sont plutôt équipés (il y a 87.600 vélos sur le territoire, presque autant que de voitures).
En 2014 un service de vélos à assistance électrique en location a été mis en place, sur un périmètre de 20 km autour d'Angoulême. La flotte de vélos est complétée au fil du temps.
Le schéma cyclable de l'agglomération a été défini en 2015-2016, à partir d'un constat de déficit d'aménagements et de culture du vélo. Le plan d'action vise 5 thèmes prioritaires: itinéraires, services vélo, stationnement, animation et sensibilisation, suivi et évaluation. 9 fiches actions déclinées en opérations ont été conçues en cherchant une complémentarité avec des démarches tells que les plans vélo des communes ou du conseil départemental, les actions d'associations...
La complémentarité des modes de déplacements a été recherchée, avec l'installation de stationnements sécurisés de longue durée.
Des itinéraires structurants ont été identifiés, et les aménagements ont été priorisés dans un schéma de programmation 2017-2025 et dans un schéma de référence.
Avec les territoires moins densément peuplés, un travail est à engager avec les communes et les partenaires, sur différentes questions:
- Grands axes structurants en connexion avec le cœur d’agglomération, les principales zones d’emplois ?
- Liaisons de proximité ? (cf. accès entreprises, commerces, équipements scolaires ou sportifs….)
- Maillage entre les communes ?
- Rabattement vers le réseau de transports collectifs ?
- Boucles de loisirs à partir / vers l’itinéraire Flow Vélo ?
La Voie verte reliant Mornac à Souffrignac
Patrick Borie, maire de la commune de Marthon et Stéphane Bauchaud du conseil départemental de Charentes, ont présenté la liaison cyclable intercommunale Mornac - Souffrignac, adaptée au vélo loisirs aussi bien que pour les trajets du quotidien. L'itinéraire a peu d'intersections avec la route.
La piste de 21 km est à 95% en site propre, large de 2,5 m et équipée d'un revêtement. Elle est connectée avec la voie Eurovélo Scandibérique (Eurovélo 3) et avec la Flow Vélo qui traverse le département, et connecte aussi plusieurs lieux de vie.
En 2018, la fréquentation était de 9500 vélos, soit 30% d'augmentation sur un an. Enfin, les liaisons avec l'itinéraire ont été sécurisées.
Continuités cyclables et ouvrages d'art
Nicolas Bourdet du conseil départemental de Charente, a présenté des exemples d'aménagements au niveau des ponts, sur le réseau départemental.
Une voie douce a été aménagée sur les communes de Gond-Pontouvre et Saint-Yriex a proximité de l'Eurovélo 3 qu'elle relie. Sur le tracé, qui suit la route départementale 737 où passent 9.000 véhicules par jour, un pont et un carrefour ont été aménagés de manière à assurer la continuité.
La voie douce est large de 2,5 m, et de 2 m au niveau du pont. Elle a un revêtement (enrobé, asphalte coloré sur le pont, et stabilisé calcaire renforcé en zone Natura 2000), le garde-corps a été rehaussé sur le pont et des bordures défensives ont été installées.
Le carrefour a également été sécurisé en aménageant la piste cyclable de manière à permettre aux cyclistes de tourner à droite sans s'arrêter sur la route. Le coût total des travaux était de 224.000 € TTC.
Pour le Flow Vélo, deux ponts et une intersections devaient être aménagés sur la RD 732, où 4000 véhicules passent chaque jour. Sur les ponts, une passerelle a été ajoutée afin de permettre l'installation d'une piste cyclable. La piste passe de 2,5 m à 1,70 m, et un dispositif de séparation a été installé: double bordure coulée en place section courante et des glissières à l'approche de l'un des ponts. La couche de roulement a été refaite (enrobé noir, caillebotis ou béton désactivé).
Au niveau de la route, la piste cyclable a été aménagée sur le côté de la route, dont elle est séparée.
Evaluation d'une chaussée à voie centrale banalisée
Pierrick Regnault du conseil départemental de Charente-Maritime et Pierre Ouallet du Cerema ont proposé un retour sur l'évaluation d'une chaussée à voie centrale banalisée (CVCB) réalisée sur l'itinéraire Flow Velo.
La CVCB est un aménagement à utiliser en dernier recours quand les contraintes ne permettent pas d'autre aménagement. Sur une voie limitée à 50 km/h, l'espace minimal dédié au voitures est de 2,5 m, et de 3 m sur une voie limitée à 70 km/h.
La CVCB de la piste Flow Velo entre Saintes et la commune des Gonds fait 4 km. Elle comprend trois virages à faible visibilité, travers une agglomération, et se trouve une chaussée de 6 m de large où passent environ 2000 véhicules par jour. Afin de valoriser cet itinéraire pour les cyclistes de loisirs ou du quotidien ainsi que les piétons, l'option de la CVCB a été retenue en raison de la présence de falaises, des berges de la Charente, de sites protégés qui empêchaient de créer une piste en site propre.
Des risques liés à cette CVCB ont été identifiés, et des solutions dégagées:
- Mauvaise acceptabilité par les usagers ==> communication et pédagogie (présentation du projet aux association cyclistes très tôt, réunions publiques en mairie, communication sur le site web des collectivités, flyers dans les boîtes à lettres, enquête en ligne).
- Accidentologie dans les virages à faible visibilité ==> Création de cinq écluses/ ralentisseurs et limitation à 30 km/h dans les virages
- Non appropriation par les cyclistes ==> travail de fond avec les associations de cyclistes.
Les automobilistes étaient les plus réticents à l'aménagement, mais les vitesses des véhicules ont été réduites de 10 à 15 km/h dans les virages.
Après un an de mise en service, aucun accident 'na été constaté. Les usagers se sont approprié la CVCB, qui est utilisée par les cyclistes et les piétons.
Dans le dossier Dossier : Une voirie pour tous