Avec le changement climatique, les épisodes de sécheresse s’intensifient et 20 % du territoire, qui est touché par une insuffisance chronique d’eau, est classé en zone de répartition des eaux (ZRE). Ces épisodes entraînent une augmentation des conflits d’usage de l’eau: les activités agricoles, industrielles, touristiques, en plus des besoins de la population locale, peuvent entrer en conflit sur l'usage la ressource en eau.
Prévenir et gérer les conflits liés à l'eau
Sur cette question, le Cerema a lancé une série de fiches pratiques sur la nature en ville dont l'une est consacrée aux conflits d'usage. Il a publié en 2018 le document "Conflits d'usage et milieux humides en zones urbanisées - État des lieux bibliographique". Cette étude analyse les enjeux, les usages et la terminologie associée, présente les usages liés aux milieux humides et comment la confrontation de ces usages peut dans certains cas aboutir au développement de conflits.
Impact du changement climatique
Si le conflit est une notion connotée négativement dans notre société, la bibliographie analysée dans cette étude met en évidence que le conflit peut aussi présenter une dimension dynamique positive structurante du tissu social d’un territoire.
Fin 2019, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a créé une mission d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau. Cette mission a auditionné le Cerema sur les situations de pénurie d’eau, les conflits d’usage sur la ressource en eau, et sur les milieux humides en zone urbanisées.
Quatre spécialistes de ces questions au Cerema emmenés par le directeur général Pascal Berteaud ont précisé le positionnement du Cerema, donné leurs analyses, détaillé les difficultés et promu les solutions en la matière.
Le Cerema a notamment évoqué ses domaines d'expertise : l’eau et les aménagements, l’eau et la ville qui se situe au croisement des cycles spontanés et humains de l’eau.
Le portrait d’une ressource en eau en évolution, impactée par les changements climatiques a été dressé : encore globalement abondante mais mal répartie dans l’espace et dans le temps, ce qui inscrit les problématiques de l’eau dans les enjeux d’aménagement du territoire.
Le cas spécifique des zones humides et des mesures compensatoires
La problématique des zones humides a été évoquée. Ces espaces atténuent les crues et ont un rôle bénéfique dans la préservation de la biodiversité et doivent être préservés.
Dans le cadre de démarches Eviter, Réduire, Compenser, des conflits d’usage ont émergé lors de la mise en œuvre de mesures compensatoires dans les zones urbanisées.
Le Cerema a présenté à la mission d’information les difficultés soulevées dans ce cas de figure :
- Trouver la surface foncière permettant d’accueillir les mesures compensatoires, en particulier dans les cas où le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) prévoit que chaque zone humide recréée doit avoir une surface deux fois supérieure à celle de la zone détruite ;
- Détecter suffisamment tôt les zones humides, afin de prendre les mesures d’évitement et de réduction ;
- Avoir une vision globale des projets d’aménagement et de leurs impacts sur les milieux humides, pour que les mesures compensatoires contrebalancent les impacts cumulés ;
- Améliorer l’évaluation des fonctions écosystémiques remplies par le milieu détruit.
Le Cerema a, de plus, présenté les pistes pour améliorer la garantie d’un partage de l’eau équitable et durable :
- appuyer l’animation des territoires ;
- appuyer la coordination des plans (PTGE, PCAET, ScoT, TVB, etc.) en intégrant le rapport entre alimentation, eau et énergie ;
- accompagner les collectivités pour mettre en place des stratégies d’économie d’eau ;
- sensibiliser, former à ces problématiques.
Pour fournir des éléments de méthode concrets afin de mettre en cohérence les compétences "GEstion des Milieux Aquatiques" et "Prévention des Inondations" de la GEMAPI, le Cerema a publié récemment le guide "PLUI et GEMAPI, vers une approche intégrée de l’eau dans la planification". Il s’appuie sur l'articulation de documents d’urbanisme afin de préserver, valoriser et gérer les milieux aquatiques tout en protégeant les populations vis-à-vis des inondations. Il présente une démarche de mise en cohérence des enjeux de gestion et préservation des milieux aquatiques et de planification à l’échelle de l’intercommunalité.
Réutiliser les eaux usées traitées
La réutilisation des eaux usées traitées constitue un outil pour l’adaptation des territoires aux impacts du changement climatique, alors que la pression augmente sur la ressource en eau. Les eaux usées concernées par les dispositifs de réutilisation (aussi appelées eaux non conventionnelles) sont les eaux issues des stations d’épuration, les eaux résiduaires internes des industries et les eaux pluviales urbaines.
Après traitement, ces eaux recyclées peuvent servir à l’arrosage de surfaces végétales (stades, golfs, parcs) ou agricoles. Les eaux industrielles peuvent aussi être utilisées en circuit fermé pour le nettoyage ou la production d’énergie.
C’est dans ce contexte que les Assises de l’eau ont fixé en 2019 l’objectif de tripler le volume d’eaux non-conventionnelles en utilisation d’ici 2025. La marge de progression est forte: en Italie, 800.000 mètres cubes d'eau usées sont réutilisées chaque jour en Italie, contre 19.000 mètres cubes par jour en France.
Le parlement européen a validé le futur règlement sur la réutilisation des eaux usées traitées qui définit les exigences de qualité pour l’eau traitée en station d’épuration au niveau européen et vise à faciliter le recours ces dispositifs lorsqu’ils sont appropriés et rentables. L’objectif est d’augmenter fortement l’utilisation d’eaux usées traitées, dont le volume est actuellement de 1,1 milliards de mètres cubes par an et réduire ainsi l’extraction d’eau.
Ce règlement fixe pour toute l’Europe les seuils de qualité en fonction de l’utilisation de ces eaux traitées. Il sera applicable en 2023. Des contrôles devront être effectués à des fréquences définies pour différentes bactéries et les informations sur la qualité des eaux devront être rendues publiques.
Ce règlement s’inscrit dans le cadre des objectifs à l’horizon 2030 des Nations Unies. Il vise à assurer une gestion durable de l’eau et de l’assainissement ; à augmenter le recyclage et la réutilisation de l’eau ; ainsi qu’à assurer une consommation et une production durables.
Le Cerema a présenté au Carrefour des Gestions Locales de l’Eau l’étude qu’il a menée sur les expérimentations et projets de Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT) en France. La REUT reste peu mise en pratique dans notre pays (seulement 0,6 % des eaux usées sont traitées) mais se développe de manière constante depuis le début des années 2000. Parmi les 145 projets d’initiative publique ou privée recensés et étudiés par le Cerema en 2019, 63 étaient en fonction, 29 en projet, les autres ont été stoppés. L’eau traitée est réutilisée pour arroser principalement des sites artificialisés ou urbains (78 %) tels que des espaces verts, des terrains de golf et pour l’agriculture (11 %).
Les difficultés identifiées dans les projets abandonnés touchent notamment à la viabilité économique car ces projets nécessitent un investissement important, et à l’acceptation. Les facteurs de réussite sont quant à eux de plusieurs ordres :
- l’ajustement selon les saisons, avec différentes utilisations possibles et selon les activités ;
- l’adaptation à l’irrigation de produits AOP ;
- l’appropriation possible du système par le privé ;
- la mixité des usages.
La REUT apparaît également comme un moyen de restaurer la fertilité des sols et de promouvoir l’économie circulaire. Pour développer ces démarches, des études prospectives territoriales doivent être réalisées afin d’identifier les enjeux, des indicateurs et méthodologies doivent être définis pour mieux cerner les bénéfices de la REUT.
La REUT doit aussi s’inscrire dans la stratégie locale de gestion de l’eau : le Projet de territoire pour la gestion d’eau (PTGE).
Enfin, des perspectives existent pour épurer l’eau usée traitée, de manière à pouvoir recharger la nappe phréatique.