Cet article fait partie du dossier : Dossier : Une voirie pour tous
Voir les 9 actualités liées à ce dossier
Près de 350 personnes ont souhaité s'inscrire à cette journée qui a accueilli au final 190 participants (capacité maximale de la salle). Un public constitué pour 50 % de collectivités locales et 20 % de bureaux d’études et d’entreprises.
Élus, techniciens, professionnels publics et privés de l’aménagement urbain, représentants d’associations d’usagers, chercheurs, ... étaient présents pour échanger sur les enjeux de l’adaptation des feux aux nouvelles problématiques de mobilité et de vie urbaine.
La journée a été introduite par Christophe Najdovsky, Maire-Adjoint de Paris chargé des transports, des déplacements, de la voirie et de l'espace public et Christian Curé, directeur du Cerema Territoires et villes.
Elle s'inscrivait dans le cadre du programme "UNE VOIRIE POUR TOUS : des rues et des espaces publics à vivre".
LES PRÉSENTATIONS, LES ÉCHANGES ET LES ENSEIGNEMENTS DE LA JOURNÉE
Favoriser les déplacements à pied et à vélo, apaiser la circulation motorisée, redessiner les espaces publics pour conforter les lieux de vie, sont autant de lignes directrices pour construire la ville de demain
C’est sur cette toile de fond, que l’adaptation ou la suppression des feux en carrefours s’est posée au cours de la journée, structurée autour de sessions thématiques et deux tables rondes
Carrefours à feux et modes actifs
Les feux sont un outil de régulation efficace largement répandu qu’il convient cependant d’adapter pour les piétons et cyclistes, car ils peuvent les pénaliser dans leurs trajets en imposant des arrêts et des temps d’attente. À l’inverse ils sont souvent réclamés par les personnes âgées ou les personnes déficientes visuelles pour les aider dans leurs traversées.
Quelles mesures peuvent-être alors être mises en place pour fluidifier les déplacements à pied et à vélo, tout en les sécurisant et en répondant aux attentes des plus vulnérables ? En présence de transports collectifs, comment peut-on concilier les besoins d’efficacité des modes actifs avec les enjeux de niveau de service des TC ?
Différentes présentations ont livré un éclairage sur ces questions :
- Le feu n’est pas garant d’une sécurité absolue
- Pour les cyclistes, le problème est de s’arrêter et de repartir. Perte d’énergie et de temps. Aux feux non équipés de cédez-le-passage cycliste, les tourne-à-gauche sont délicats et des accidents mortels surviennent dans les angles morts des poids lourds et des bus qui tournent à droite.
- Concernant les TC, pas d’à priori sur la suppression ou pas des feux. Cela dépend bien sûr du contexte et c’est possible dans certains cas. Dans d’autres c’est plus difficile : présence de tram; de BHNS sur voiries larges; en cas de carrefours étroits avec le besoin de gérer le recul des autres usagers pour permettre la giration des bus.
- Paris indique une situation stable depuis quelques années en matière d’équipement des carrefours par des feux : environ 20 %. Pas de doctrine toute faite quant à leur augmentation ou diminution future. De bons retours sur le cédez-le-passage cycliste au feu, avec néanmoins un vrai enjeu d’apprentissage de la signification du panonceau M 12 par tous les usagers.
- La suppression des feux diminue la vitesse et contribue à la sécurité de tous. Néanmoins elle enlève des repères aux déficients visuels, car elle s’accompagne de la disparition des informations sonores à leur attention. Il s’agit d’une vraie difficulté et d’un vaste chantier où les solutions de remplacement restent en grande partie à trouver. L’objectif étant que tout le monde se déplace en sécurité et en autonomie.
- Les changements nécessitent d’être accompagnés. L’espace public se transforme progressivement, de nouveaux modes de déplacement apparaissent, les règles et les usages évoluent, les interactions entre usagers se complexifient. Il faut tout à la fois sensibiliser les décideurs, former les concepteurs, écouter les usagers. Une acculturation croisée qui s'avère nécessaire pour accompagner l'évolution des cultures et des pratiques.
Moins de feux : plus de sécurité et de fluidité pour tous ?
L’usage de ces équipements bien souvent considérés comme des éléments de sécurité et de fluidité, n’est cependant pas toujours réellement justifié. Les circulations en ville évoluent et de nombreuses collectivités testent aujourd’hui la dépose de certains feux.
Des représentants de métropoles étaient présents pour expliquer l'approche de leur collectivité et les bénéfices retirés des expérimentations menées (voir ci-dessous).
Les enseignements communs à ces trois expériences ? Une nécessité impérative de concerter en amont avec l’ensemble des parties prenantes pour garantir l’acceptation de la démarche par l’ensemble de la population.
Table ronde « Croisement des regards politiques »
Les questions inscrites aux débats étaient les suivantes : La diminution des feux est-elle un révélateur du passage de la ville gérée par des règles à la ville de la négociation et du dialogue ? L’arrivée du véhicule autonome est-il un atout ou une contrainte pour une ville de la négociation ? Quelle est sa relation aux feux ? Pour passer à la ville apaisée : quelles méthodes ? quels arguments pour convaincre ? Comment aller loin et vite avec un budget raisonnable ?
Parmi les éléments de réponse apportés :
- Il existe une aspiration sociétale à mieux vivre ensemble sur l'espace public. Pour ce faire, il faut commencer par baisser les vitesses pratiquées. À faible vitesse, tout devient ensuite possible : cohabitation pacifique entre les différents modes déplacements ; réappropriation de l'espace public pour toutes les fonctions urbaines, parmi lesquelles se détendre, communiquer, commercer, se divertir, jouer ... La suppression des feux va dans le sens de la ville apaisée. Elle participe à la concrétisation d'une régulation des flux que l’on souhaite naturelle, autonome, fluide, plutôt que soumise à des injonctions automatisées. L’idée n’est pas de supprimer tous les feux, seulement ceux qui ne sont pas nécessaires. Il faut les garder là où ils sont utiles.
- La ville apaisée, c’est bien évidemment aussi celles du développement des modes actifs, dont les bienfaits environnementaux, économiques, ainsi que pour la santé, ne sont plus à démontrer.
- L'accueil du véhicule autonome sur l'espace public est une préoccupation d'actualité des collectivités avec l’objectif de ne pas subir son arrivée, mais de l'anticiper. D’où les expérimentations en cours comme à Rouen Métropole. Si le VA présente l'avantage potentiel de nous amener à plus d'autopartage (et donc à une diminution du nombre de voitures) il risque aussi de générer un espace public plus normé, plus technologique, compatible avec ses besoins mais moins ouvert à la négociation spontanée. Le véhicule autonome est aujourd’hui en phase expérimentale. Son déploiement massif dans la circulation n'est pas encore une réalité. Ce le sera peut-être dans 15 ou 25 ans. D'ici là, les politiques doivent se préoccuper de produire des rues et des espaces publics à vivre pour tous.
- Construire la ville apaisée : différents rythmes sont possibles. Action par petites touches en commençant par traiter en zones 30 ou en zones de rencontre des lieux à fort enjeux de vie locale (écoles, centres commerçants, ...), avec l'idée que ces espaces "démonstrateurs" fassent ensuite tache d’huile. Ou à l’inverse changer radicalement de paradigme en abaissement à grande échelle la vitesse à 30 sur tout un territoire (hors grands axes qui restent à 50). Dans les 2 cas, les phases expérimentales sont bénéfiques pour se poser les bonnes questions et cerner tous les détails.
- Pour changer de culture, une démarche politique collective, à grande échelle territoriale, permet de mettre les vrais enjeux sur la table et d’éviter les oppositions politiciennes. La crainte de rencontrer des difficultés, qu'un élu isolé peut avoir, est atténuée par la dynamique d'ensemble de tout un territoire métropolitain.
- Localement, la pédagogie du pragmatisme est efficace : convaincre par l’exemple, en montrant concrètement les bénéfices obtenus dans des situations bien réelles; laisser la possibilité d'une réversibilité en cas de non fonctionnement. Enfin, il faut être conscient que déconstruire des modes de faire anciens, pour mettre en œuvre d'autres concepts, nécessite du temps, de l'accompagnement de proximité ainsi qu'un apprentissage collectif de tous les acteurs impliqués.
Auteur de l'article :
Catia Rennesson, chargée de mission "Voirie et espace public pour une ville durable" - Cerema Territoires et ville
Pour en savoir plus
Dans le dossier Dossier : Une voirie pour tous