Les voies réservées au covoiturage en France : un état des lieux du Cerema

10 janvier 2021
Voie réservée au covoiturage, sur l'autoroute à Grenoble
APRR
Alors que les efforts s'intensifient pour décarboner les mobilités et répondre aux enjeux de congestion des agglomérations, des métropoles commencent à développer des voies réservées au covoiturage. Le Cerema a accompagné ces démarches et présente ici des recommandations pratiques pour aménager des voies réservées au véhicules en covoiturage.

Face à la croissance de la demande de mobilité et considérant le double défi de la dépendance pétrolière et du réchauffement climatique, le développement d’alternatives à l’autosolisme est un enjeu fort pour les grandes agglomérations congestionnées. L’objectif est donc d’optimiser l’usage des infrastructures existantes en favorisant l’utilisation des transports en commun et en augmentant le nombre d’occupants dans les véhicules.

L’aménagement de voies réservées au covoiturage existe depuis de nombreuses années en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde mais est resté assez limité en Europe et en France.

La Convention Citoyenne pour le Climat a proposé, en juin 2020, de “généraliser l’aménagement de voies réservées aux véhicules partagés et aux transports collectifs sur les autoroutes et voies rapides desservant une zone à faible émissions mobilité”. Cette proposition, qui est reprise dans l'article 124 de la loi "Climat et résilience", doit accélérer le déploiement de telles voies à l’échelle nationale, dans les 3 prochaines années.

 

Les premières voies réservées au covoiturage en France

En France, des voies réservées au covoiturage et à certaines catégories de véhicules (VR2+) ont été mises en service en 2020, sur des axes structurants menant à de grandes métropoles. D’abord au mois de septembre à Grenoble sur l’autoroute A48, puis au mois de décembre à Lyon sur les routes métropolitaines M6 et M7, anciennement autoroutes A6 et A7.

Ce type de voies permet d’accroître le nombre de personnes transportées, sans augmenter le nombre de véhicules. Leur mise en place, d’apparence simple, nécessite toutefois de s’assurer au préalable du bénéfice apporté aux covoitureurs et de sa compréhension par tous les usagers, en garantissant la sécurité routière. Cela implique notamment des mesures en matière de contrôle de l’usage.

Pour plus d’information sur les voies réservées actuellement en service, il est possible de consulter l'observatoire des mesures de gestion dynamique des trafics.

 

Cadre législatif et réglementaire

La réglementation de la circulation sur les voies de covoiturage repose sur la récente Loi d'Orientation des Mobilités (LOM) (votée le 24/12/2019), qui a modifié le Code de la route et le Code général des collectivités territoriales, pour donner la possibilité à l'autorité de police de la circulation de réserver une voie à la circulation, entre autres, aux véhicules transportant un nombre minimal d'occupants en particulier dans le cadre du covoiturage.

En effet, auparavant, la réservation de voie n'était possible que pour les transports publics, notamment les transports collectifs.
 

Principe des voies réservées au covoiturage

flyer annonce ouverture de la voie de coviturage en décembre 2020 à lyon
Annonce de l'ouverture de la voie réservée au covoiturage à Lyon - Grand Lyon

Le domaine d’emploi correspond à l’affectation d'une voie de circulation à certaines catégories de véhicules ou à certains usages, sur un axe subissant une congestion récurrente.

Il s’agit en quelque sorte de mettre en place un créneau de dépassement permettant aux usagers autorisés de gagner du temps par rapport aux autosolistes, en leur évitant un bouchon. Les catégories d’usagers ou de véhicules autorisés sur ces voies qu'on appelle “VR2+” sont :

L’aménagement d’une VR2+ peut se faire en réaffectant une voie existante, généralement la voie de gauche, comme c’est le cas à Grenoble et à Lyon. Cette solution présente l’avantage de nécessiter moins d’investissements, de ne pas augmenter les niveaux de trafic, mais présente un risque d’accroissement de la longueur du bouchon.

De manière contre-intuitive, cette solution peut être étudiée sur les axes saturés, car généralement, lors des fortes congestions, l’infrastructure écoule bien moins de trafic que la capacité offerte par l’ensemble des voies existantes à l’amont du nœud de congestion. Une récupération de voie peut donc être envisagée.

Une autre solution existe, celle consistant à ajouter une voie supplémentaire. Mais elle peut engendrer des coûts élevés, nécessiter des emprises supplémentaires et accroître la capacité de l’infrastructure… ce qui risque d’induire une augmentation du trafic automobile et donc de générer plus de nuisances environnementales (air, GES, bruit notamment).

 

Objectifs des voies de covoiturage

La mise en œuvre de VR2+ sur les axes routiers structurants, sans créer d’infrastructures nouvelles, vise à répondre à deux objectifs principaux :

  • à court terme, exploiter plus efficacement l’infrastructure en permettant une réduction du temps de parcours moyen des usagers empruntant la VR2+ ;

  • à moyen terme, inciter les usagers à changer de mode de déplacement en ayant recours aux mobilités partagées ou faiblement émissives du fait de la fiabilisation et de la réduction de leur temps de parcours.

Il est à noter qu’en accompagnement de la création de voies réservées, il est nécessaire, pour les porteurs de projet (maîtres d’ouvrage, gestionnaires routiers, autorité organisatrice de la mobilité, etc.) d’inscrire leurs projets de VR2+ dans une politique globale de mobilités, en étudiant par exemple la création de dispositifs ou d’aménagements en faveur des mobilités partagées : plateforme de mise en relation de covoitureurs, incitations financières, information multimodale, aires de covoiturage, parcs-relais, pôles d'échanges multimodaux, etc.
 

Des enjeux de sécurité, d’acceptabilité et d’efficience

L’un des principaux enjeux de sécurité d’une VR2+ est la gestion des changements de file entre les voies de circulation générale congestionnées et la VR2+, où les véhicules circulent plus rapidement. Cette problématique nécessite :

  • un dimensionnement adéquat de la voie réservée permettant d’améliorer les visibilités et de faciliter les manœuvres d’évitement ;

  • une baisse de la vitesse sur l’ensemble des voies de circulation, pour limiter le différentiel d’allure entre les véhicules dans le bouchon et les utilisateurs de la voie réservée.

Schéma de la Visibilité d’un usager de la VR2+ sur un usager entrant
Schéma de la Visibilité d’un usager de la VR2+ sur un usager entrant 

 

En parallèle, l’acceptabilité de la voie réservée implique que :
  • L’accroissement de la longueur de la congestion soit maîtrisé pour ne pas dégrader les conditions de circulation sur des itinéraires jusque-là épargnés par la congestion ;

  • La baisse des vitesses sur ces axes structurants soit limitée aux périodes de montée en charge du trafic et d’activation de la voie réservée ;

  • La voie réservée soit généralement réservée aux “2 occupants et plus” et non “aux 3 occupants et plus”, d’une part pour des questions de compréhension et d’autre part pour ne pas réduire l’utilisation de la VR2+ à une très faible part du trafic ("syndrome de la voie vide") ;

  • Le contrôle de leur utilisation soit efficace.

Enfin, concernant le fonctionnement des VR2+ vis-à-vis du trafic, le guide du Cerema de mai 2019 fournit des éléments pour réaliser des évaluations a priori (avec ou sans études de simulation). Par ailleurs, concernant l’évaluation a posteriori, les premiers retours d’expérience des VR2+ mettent en relief que l’efficience de ces voies pourrait être nettement améliorée s'il y avait un meilleur taux de respect

Pour cela, la mise en place d’une communication adaptée, en amont mais aussi après la mise en service de la VR2+ est nécessaire. Elle permet d’informer et de sensibiliser les usagers à ce nouvel objet routier et, plus largement, à l’éventuelle mise en place de dispositifs ou d’aménagements en faveur des mobilités partagées. L'amélioration du respect des VR2+ passe également par la capacité à en contrôler l’usage via le déploiement de dispositifs de détection du nombre d’occupants.

 

La signalisation

Panneau de signalisation de VR2 avec le losange sur fond bleu
Panneau de signalisation de VR2+

A ce jour, la réglementation française ne définit pas de signaux permettant de limiter l'usage d'une voie de circulation aux véhicules en covoiturage. Néanmoins, les ministères compétents ont publié un arrêté définissant un cadre unique pour signaler les voies de covoiturage, et qui permet de mener une expérimentation nationale sur le sujet.

Cette expérimentation, qui sera alimentée par l’ensemble des évaluations faites par les maîtres d’ouvrage qui mettront en place une VR2+, devrait permettre, à terme, d'inscrire les signaux expérimentaux dans la réglementation. Le symbole qui est expérimenté pour signaler les VR2+ est un losange.

 

Le contrôle des voies réservées

totem avec le capteur qui compte les occupants des véhicules
Solution de comptage du nombre
d’occupants dans les véhicules de
la société Pryntec - AREA

Comme mentionné précédemment, l’acceptabilité et l'efficience des voies réservées passe également par un contrôle performant du nombre d'occupants permettant de vérifier que les véhicules présents sur la voie sont bien autorisés à y circuler.

L’article 39 de la Loi d’Orientation des Mobilités précise le cadre juridique applicable aux dispositifs de contrôle automatisé de ces voies réservées qui peuvent être mis en œuvre par les forces de l’ordre.

A l’heure actuelle, certaines solutions de comptage du nombre d’occupants dans les véhicules apparaissent suffisamment fiables pour assurer la surveillance des VR2+ afin d’inciter au bon usage de ces voies. L’État a proposé aux collectivités intéressées de mettre en place une phase pilote de contrôle-sanction avec une solution exploitée par une autorité de police locale. 

Cette phase pilote sera déployée sur plusieurs sites pour deux ans à partir de début 2024, puis évaluée en vue de définir le dispositif cible le plus efficient. A moyen terme, une homologation de ces dispositifs de comptage sera indispensable afin de mettre en place un contrôle sanction automatisé. 


 

Perspectives

Les voies réservées au covoiturage sont des objets routiers innovants dont le déploiement monte progressivement en puissance grâce à un cadre juridique complet, une volonté politique forte et des capteurs du nombre d’occupants dont les performances progressent rapidement.

La Loi Climat et résilience prévoit d'évaluer ces dispositifs à l'échelle nationale d'ici début 2025. Ce bilan national permettra de mesurer l’efficience de ces voies en caractérisant l’amélioration des temps de parcours des usagers autorisés et la progression de la pratique du covoiturage, et fourniront des éléments de réponse sur les questions liées à l’évolution, dans le temps, de ces aménagements (évolution de la demande, évolution du parc de véhicules…).

Les éléments recueillis seront en outre utilisés pour consolider les règles de l’art sur ce sujet.

Pour en savoir plus sur les différents types de voies réservées au covoiturage

Le Cerema, en lien étroit avec le Ministère de la transition écologique, a publié plusieurs documents sur l’aménagement des VR2+ :

Par ailleurs, le Cerema accompagne les gestionnaires routiers et les autorités organisatrices de la mobilité dans le déploiement de voies réservées tant pour établir l’opportunité et la faisabilité de tels aménagements que pour définir ou évaluer leurs projets (étude de faisabilité d’une voie réservée au covoiturage sur l’autoroute A150 pour la Métropole de Rouen, évaluation de la voie de covoiturage de Thônex-Vallard sur l’A411 pour ATMB...)

Dans le dossier Covoiturage : le dossier du Cerema

A lire aussi