Dans un contexte où les défis environnementaux et l'engorgement des infrastructures routières encouragent l'adoption de modes de transport plus durables, les mobilités actives jouent un rôle central dans la transformation des pratiques de déplacement urbain. La journée a permis de discuter des avancées en matière de collecte et d'analyse des données, des outils de simulation, ainsi que des méthodologies visant à améliorer la sécurité, l'efficacité et l'acceptabilité des infrastructures dédiées.
Le congrès a également favorisé le dialogue interdisciplinaire en rassemblant des chercheurs, des représentants institutionnels et des industriels autour de thématiques variées, allant de l'évaluation des aménagements cyclables à l'intégration de la micromobilité dans les systèmes intelligents.
Ce retour se propose de synthétiser les points marquants de cette journée riche en enseignements et en perspectives.
La journée s’est déroulée en quatre parties distinctes, chacune abordant des aspects spécifiques des mobilités actives et de la sécurité routière.
La première session, en début de matinée, était consacrée à des présentations techniques sur la détection des usagers vulnérables, en explorant les différents types de capteurs utilisés et leurs applications pour l'évaluation des projets. La seconde partie de la matinée s'est concentrée sur l'exploitation des données de mobilité, en mettant l'accent sur l'analyse du comportement des usagers et la simulation des scénarios de déplacement. En début d'après-midi, une session a été dédiée aux industriels, qui ont présenté leurs capteurs et leurs travaux innovants. Enfin, la journée s'est conclue par une table ronde sur l'usage des données, réunissant des experts pour discuter des meilleures pratiques et des défis liés à l'intégration des mobilités actives dans les politiques publiques.
Détection et évaluation des usagers vulnérables : capteurs et applications
La première session de la journée a été consacrée à la détection et à l'évaluation des usagers vulnérables, un sujet crucial pour améliorer la sécurité routière et urbaine. Les présentations techniques ont mis en lumière les différents types de capteurs utilisés, tels que les caméras, les boucles électromagnétiques et les systèmes de détection par vidéo. Les intervenants ont expliqué comment ces technologies permettent de recueillir des données précises sur les comportements des cyclistes, des piétons et des utilisateurs de trottinettes. Les applications pratiques de ces capteurs ont été détaillées, montrant comment ils peuvent être utilisés pour évaluer l'efficacité des aménagements urbains et pour optimiser la sécurité des usagers vulnérables dans les environnements urbains complexes.
1. Mesure des modes actifs : quel dispositif choisir ?
Valérie Leray et Cristina Buraga – Cerema
Valérie Leray a présenté un exposé sur les stratégies et technologies pour mesurer les mobilités actives, telles que les déplacements des cyclistes et des piétons. Cette intervention a mis en lumière les enjeux spécifiques liés à la mesure de la fréquentation et de l'impact des aménagements urbains, en particulier dans des contextes variés (sites ouverts, partagés ou propres).
Trois approches de comptage ont été présentées : permanent, temporaire et ponctuel, chacune répondant à des objectifs précis comme le suivi des évolutions à long terme ou l'évaluation lors d'événements spécifiques. Valérie a également passé en revue les technologies disponibles, telles que les tubes pneumatiques, les radars, les capteurs pyroélectriques, ou encore les dispositifs utilisant l'intelligence artificielle pour l'analyse vidéo. Chaque technologie a été présentée avec ses avantages, ses contraintes d'installation et ses limites, notamment en matière de classification des usagers.
2. Analyse des effets des politiques publiques sur la croissance cycliste
Alexandre Lanvin – IFPEN
Alexandre Lanvin a présenté une analyse approfondie des politiques publiques ayant favorisé la croissance cycliste, avec un focus sur Paris entre 2018 et 2023. L'étude a mis en évidence une hausse significative de la part modale du vélo, passée de 3 % à 11,2 % dans Paris intra-muros entre 2010 et 2023, et des projections ambitieuses visant 20 % à 30 % à l’horizon 2030.
L'approche méthodologique reposait sur une analyse de sensibilité par stratification, permettant d’évaluer l’impact des variables fortement corrélées, comme l’allongement des pistes cyclables, l’introduction de zones à faibles émissions (ZFE), et le verdissement des espaces urbains. Les résultats ont souligné le rôle central des infrastructures cyclables, principal levier de croissance, et ont révélé que le report modal vers le vélo concernait majoritairement les usagers des transports en commun plutôt que ceux des voitures personnelles.
L'étude a également mis en avant l'essor du vélo électrique comme moteur clé de l'adoption cycliste, notamment grâce à ses avantages pour les trajets plus longs. Parmi les limites, la qualité hétérogène des données et les défis liés à l’interprétation des résultats ont été discutés, illustrant les complexités de l’analyse des mobilités actives. Cette présentation a offert des perspectives concrètes pour renforcer l’attractivité du vélo via des politiques publiques bien ciblées.
3. Évaluation d’un aménagement avec priorité aux vélos dans un giratoire
Jérôme Matheus – Cerema & Claire Schreiber – Bordeaux Métropole
La présentation a porté sur l'évaluation d'un aménagement visant à accorder la priorité aux vélos au niveau d'un giratoire situé à l'intersection de l'Avenue François Mitterrand et de l'Avenue Mendès-France. Ce giratoire, caractérisé par un trafic important et des aménagements cyclables existants, a été modifié pour améliorer la sécurité et la fluidité des cyclistes. Les observations par caméra, avant et après l'aménagement, ont révélé une augmentation significative des usagers motorisés laissant passer les cyclistes, particulièrement en sortie du giratoire. Les cyclistes, bien que prioritaires, restent vigilants.
La trajectoire matérialisée est mieux suivie, mais la circulation sur le passage piéton demeure majoritaire. Une enquête auprès des usagers a montré que, bien que la nouvelle signalisation soit remarquée, elle est jugée insuffisante par 90% des répondants. Néanmoins, le sentiment de sécurité des cyclistes s'est amélioré, et la majorité des enquêtés souhaitent voir ce type d'aménagement reproduit ailleurs. La priorité aux vélos dans les giratoires est essentielle pour faciliter la pratique du vélo et accroître la vigilance des automobilistes, conformément aux principes du Réseau Vélo Express de Bordeaux Métropole.
Exploitation des données de mobilité : comportement et simulation
La seconde session de la matinée s'est concentrée sur l'exploitation des données de mobilité, en mettant l'accent sur l'analyse du comportement des usagers et la simulation des scénarios de déplacement. Les présentations ont abordé les méthodologies avancées pour traiter et interpréter les données collectées par les capteurs. Les intervenants ont discuté des modèles de simulation utilisés pour prédire les mouvements des usagers et pour évaluer l'impact des différentes politiques de transport. Les résultats de ces simulations ont été présentés, montrant comment ils peuvent aider à optimiser les infrastructures existantes et à planifier de nouvelles interventions pour améliorer la fluidité et la sécurité du trafic.
4. L'extraction d'indicateurs clés dans l'étude de la sécurité routière
Josué Rivera & Pascal SALMANE – Cerema
La présentation a mis en lumière l'importance de l'utilisation des caméras pour l'analyse de la sécurité routière. Les caméras de surveillance offrent plusieurs avantages, notamment leur coût économique, la richesse des données capturées, la simplicité de manipulation des images, la couverture visuelle étendue et la possibilité d'intégration avec des systèmes d'analyse avancés. Cependant, des défis subsistent, tels que l'occlusion, la sensibilité aux variations d'éclairage et aux conditions météorologiques.
Les indicateurs directs obtenus à partir des images incluent la détection et la classification des objets (piétons, cyclistes, etc.), la position, la trajectoire, la vitesse, l'accélération, le sens de la marche, le sexe, l'âge et la position du corps. Les indicateurs indirects comprennent le temps de conflit post-empiètement (PET), le temps jusqu'à la collision (TTC) et les interactions entre les différents usagers de la route. Ces indicateurs permettent de déterminer les zones de conflit, de détecter les situations anormales ou à risque, et d'anticiper les mouvements des usagers vulnérables.
Un exemple concret a été présenté avec le projet ATUVVU (Analyse auTomatique du comportement et des interactions des Usagers Vulnérables par Vidéo en milieu Urbain), qui vise à analyser les comportements à risque des utilisateurs de trottinettes. Les résultats montrent que les caméras peuvent efficacement détecter et classer les différents modes de transport, même dans des situations complexes. L'utilisation du mouvement des points clés pour la classification des modes de déplacement a également été illustrée, soulignant le potentiel des caméras pour améliorer la sécurité routière et protéger les usagers vulnérables.
5. Calibration de modèles pour les cyclistes dans les intersections urbaines
Lucas Rivoirard & Romain Gallen – Cerema et Guoxi Feng & Alexandre Chasse – IFPEN
La présentation a abordé la modélisation et l'évaluation de la gestion dynamique des feux de circulation à une intersection réaménagée en 2020 sur le boulevard Georges Pompidou à Bordeaux. Utilisant des données de capteurs à boucles électromagnétiques, des données de trafic TomTom et des enquêtes vidéo, l'étude a permis de créer des matrices origine-destination (O/D) pour les différents modes de transport.
La modélisation a été réalisée avec le logiciel SUMO, en calibrant les comportements des cyclistes et des automobilistes en termes d'accélération, de décélération et de vitesse maximale. Les résultats ont montré une amélioration de la gestion dynamique des feux par rapport à la gestion statique, réduisant les temps d'arrêt moyens pour les vélos et les voitures. La simulation a été validée grâce à des données hétérogènes, et des perspectives ont été proposées pour de futures campagnes de collecte de données et l'évaluation de scénarios prospectifs avec des systèmes de transport intelligents (ITS).
6. Intégration de la micromobilité dans les systèmes de transports intelligents
Rima Boughariou – LaBRI
Les présentations de Rima Boughariou et Rania Swessi, toutes deux du LaBRI, ont exploré l'intégration de la micromobilité dans les systèmes de transport intelligents coopératifs (C-ITS). Rima Boughariou a souligné les avantages écologiques et économiques de la micromobilité, ainsi que son potentiel pour réduire la congestion et améliorer l'accès aux transports publics.
Elle a proposé une nouvelle architecture de communication hybride utilisant des technologies comme l'Internet of Vehicles (IoV) et Vehicle-to-Everything (V2X) pour optimiser les performances des systèmes de micromobilité. Les travaux en cours incluent l'implémentation de l'apprentissage par renforcement pour ajuster dynamiquement l'environnement de communication en fonction de divers paramètres.
7. Prédictions et Stations Virtuelles pour une Gestion Efficace
Rania Swessi – LaBRI
Rania Swessi, quant à elle, a présenté des solutions de stations virtuelles pour une gestion efficace de la micromobilité partagée. Elle a mis en avant les avantages des stations virtuelles, qui permettent une réduction des coûts d'infrastructure et de maintenance tout en évitant le stationnement désorganisé. Sa méthodologie inclut l'utilisation de clustering multi-couches pour déterminer les emplacements optimaux des stations et de modèles de prédiction comme LSTM et Transformer-encoder pour ajuster dynamiquement la flotte en fonction de la demande.
Les résultats, basés sur des données réelles collectées à Bordeaux, montrent une transition réussie vers un système à stations virtuelles, avec des perspectives d'automatisation des ajustements dynamiques des stations en fonction de la demande.
Innovations industrielles : capteurs et solutions technologiques
Après avoir exploré les avancées académiques et les innovations techniques dans le domaine de la micromobilité et des systèmes de transport intelligents, le congrès DYNAMO'24 a poursuivi avec une session dédiée aux industriels. Cette partie de la journée a permis aux entreprises de présenter leurs capteurs et leurs travaux innovants, offrant un aperçu concret des applications pratiques et des solutions technologiques disponibles sur le marché. Les présentations des industriels ont mis en lumière comment les avancées théoriques et méthodologiques peuvent être mises en œuvre pour améliorer la sécurité, l'efficacité et la gestion des mobilités actives dans les environnements urbains.
8. La science citoyenne et innovante au service de la prise de décision politique
Laurens Vander Kuylen – Telraam
Telraam, une initiative belge, a présenté son dispositif innovant de comptage multimodal du trafic. Installé sur les fenêtres des citoyens, ce capteur distingue divers modes de transport, mesurant ainsi l'impact des interventions en matière de mobilité. Le projet a déjà démontré son efficacité dans des villes comme Herzele et Ameland, offrant des données précieuses pour améliorer les politiques de transport urbain.
9. Améliorer la sécurité des cyclistes en combinant des données & l’IA
Philippe DELMAS – Eco-compteur
Philippe Delmas a présenté une méthode innovante pour améliorer la sécurité des cyclistes en combinant données quantitatives, qualitatives et intelligence artificielle. En analysant les flux de vélo à grande échelle et en identifiant les presque-accidents, cette approche permet de fournir des recommandations concrètes pour modifier les infrastructures et installer de nouveaux équipements de signalisation, visant ainsi à réduire les risques pour les cyclistes.
10. Comment sont utilisées les données collectées sur la mobilité douce ?
Adeline Richer de Forges – Metrocount
Adeline Richer de Forges a présenté les technologies avancées de l'entreprise pour la collecte de données de mobilité. Grâce à des compteurs multi-technologies, Metrocount permet de connaître le sens de circulation, le nombre d'usagers, les vitesses et de classifier les données. Ces informations sont cruciales pour les collectivités qui cherchent à analyser les vitesses, les usagers, les pics de fréquentation et la saisonnalité. Les données collectées sont ensuite utilisées pour des changements d'infrastructures, la création de voies dédiées, et d'autres améliorations comme des stationnements cyclables sécurisés et des aires d'accueil pour vélos.
Table ronde : usage des données et perspectives futures
La journée s'est conclue par une table ronde, animée par Adrien Le Léon, réunissant des experts pour discuter de l'usage des données et des perspectives futures dans le domaine des mobilités actives. Les intervenants ont échangé sur les meilleures pratiques pour intégrer les données de mobilité dans les politiques publiques et pour optimiser les infrastructures urbaines.
Les défis actuels et les opportunités futures ont été abordés, avec un accent particulier sur l'importance de la collaboration entre les différents acteurs du secteur. La table ronde a également permis de discuter des innovations à venir et des nouvelles technologies qui pourraient transformer la manière dont nous abordons la mobilité urbaine. Les échanges ont mis en lumière l'importance de continuer à investir dans la recherche et le développement pour créer des villes plus sûres, plus efficaces et plus durables.