27 juillet 2023
Confort d'été
Le confort d’été est une notion essentielle pour bien vivre dans son logement. Il a fallu toutefois attendre la réglementation environnementale 2020 pour voir émerger des indicateurs comme les degrés heure d’inconfort, lorsque la température intérieure du logement dépasse les 26 ou les 28°C selon les conditions. Pourtant, collectivités et bureaux d’études travaillent depuis longtemps sur ce sujet. Le confort d’été dans les bâtiments ne peut plus, avec le réchauffement climatique, rester le parent pauvre de la réflexion dans le monde de la construction. Des solutions existent toutefois.
Le Cerema Méditerranée a présenté jeudi 15 juin lors de cette conférence technique territoriale un premier retour d’expérience sur ce qui a été mis en place.

La journée du 15 juin 2023 a été marquée par la mobilisation d'une centaine de participants, venant de divers horizons, pour discuter des solutions visant à atténuer les effets des vagues de chaleur. Collectivités, associations, syndicats de l'énergie, services déconcentrés de l’État, bureaux d'études et architectes se sont réunis autour de ce sujet crucial. Tout au long de la journée, les participants ont partagé leurs expériences et leurs connaissances, mettant en lumière les actions concrètes mises en place par les collectivités :

  • Adaptation des bâtiments scolaires face aux vagues de chaleur et à l’îlot de chaleur urbain
  • Retour d'expérience sur des collèges récemment construits et équipés d'instruments de mesure
  • Expérimentations et programmes d'amélioration des écoles
  • Stratégie pour le confort des collèges, et retour d'expérience d'une réhabilitation
  • Action à l'échelle urbaine sur l'aménagement des espaces et la végétalisation

Analyse de la vulnérabilité au changement climatique et méthode de simulation solaire

 

Introduction : focus sur le climat impact

"Les phénomènes d’épisodes caniculaires, seront plus fréquents, plus intenses, plus longs. Au-delà du bâti, c’est le ressenti des utilisateurs du bâti qui nous intéresse", a expliqué Mathieu Créau, directeur adjoint du Cerema Méditerranée, en introduction de la journée. "Les épisodes caniculaires seront 22 % plus intenses d’ici 2050. L’enjeu est de se préparer aujourd’hui à ce qu’on risque de connaître demain".
Une fois ce constat établi, quelles solutions pour ne pas souffrir de chaleur dans les bâtiments ? Sachant que le recours à la climatisation, s’il apporte de la fraîcheur rapidement, ne peut être une solution durable car il amplifie le problème d’effet d’îlot de chaleur urbain en réchauffant les alentours du bâtiment.

La présentation :

effet croisé de l’ilot de chaleur urbain et d’une vague de chaleur sur le confort dans les salles de classe

carte de franceL'étude sur le confort dans les salles de classes a été présentée par Yvain Maunier et Rémy Chaille, chargés d'étude au Cerema Méditerranée. Un collège reste-t-il performant sur le plan énergétique reste confortable lors de périodes de canicule, en prenant en compte les différentes régions et les situations d'îlots de chaleur urbains. Leur approche s'est basée sur la modélisation.

Cette étude s’est intéressée aux effets potentiels d’une canicule de type 2003 sur un collège toulousain, pour voir dans quelle mesure il est possible de s’adapter à une chaleur intense afin de perdre le moins d’heures de cours possible. Au-delà de 30°C en effet, il a considéré que les élèves ne pouvaient avoir cours dans des conditions acceptables.

En modélisant une canicule de type 2003, auquel il a ajouté plusieurs degrés liés à l’effet d’îlot de chaleur urbain, il a conclu qu’il était possible de prendre des mesures simples pour faire en sorte que les salles de classes ne dépassent pas les 30°C . Des mesures qui ne sont pas forcément liées au bâtiment, mais plutôt à son utilisation : pour perdre le moins d’heures de cours, le dispositif le plus efficace consiste à ne faire cours aux élèves que le matin afin d’éviter les heures les plus chaudes de la journée. La surventilation nocturne, c’est-à-dire, le fait de ventiler le bâtiment toute la nuit, et non pas seulement le matin avant l’arrivée des élèves, est également très efficace.

Si, enfin, des brasseurs d’air sont ajoutés, il est possible de garder les salles à moins de 30°C en cas de canicule sans effet d’îlot de chaleur urbain.

La présentation :

Les mesures de températures dans des collèges performants college

Un retour d'expérience sur des collèges neufs, qui ont été réalisés et équipés d'instruments de mesure, a été présenté par Véronique Franke, directrice des bâtiments et des équipements publics du conseil départemental du Var, Grégory Boyer du CD83 (Chef de projet) et Noël Jamet du bureau d'étude Oassis. Ils ont partagé les résultats concrets concernant le confort dans ces collèges récents, qui ont été conçus avec une grande attention pour l'été, en se basant sur l'expérience de la vague de chaleur de 2019.

Même dans les bâtiments neufs, le confort thermique n’est pas à prendre à la légère, d’autant plus que le confort d’été n’était prévu qu’à la marge dans les réglementations thermiques avant 2022. "En 2014, nous avons mis en place un contrat de partenariat pour la conception, la réalisation et l’exploitation de trois collèges sur les communes de Carcès, de la Seyne-sur-Mer et de Saint-Raphaël. Il s’agit d’un partenariat public privé, signé en décembre 2015 avec Cologen, filiale d’Eiffage", a expliqué Véronique Francke. Le département souhaite suivre la performance des bâtiments à la suite de la livraison dans le cadre de la rémunération du partenariat. "Nous regardons les données liées au confort thermique pour vérifier le respect des clauses contractuelles", confirme Grégory Boyer, chef de projet au sein du conseil départemental du Var. Les données montrent que les salles de classe restent dans un seuil acceptable pour les élèves, avec des températures inférieures à 30°C en exploitation, même quand le mercure dépasse les 38°C à l’extérieur. 

Noël Jamet du bureau d’études Oassis qui a accompagné le groupement Cologen dans la mise en place de mesures favorables au confort thermique, a rappelé que "A la Seyne-Senne sur-mer, le collège est situé dans un environnement urbain particulièrement dense, soumis au phénomène d’îlot de chaleur urbain. Nous y avons recommandé l’installation d’une centrale de traitement de l’air avec un double flux adiabatique. Pour le collège de Carcès, un dispositif de geocooling a été installé : il s’agit de sondes qui viennent serpenter dans le sol pour ensuite apporter de la fraîcheur au bâtiment". Mais là encore, la limite de l’efficacité se situe dans les usages : "le système adiabatique nécessite de la pédagogie itérative : il ne faut pas avoir peur d’insister sur son fonctionnement auprès des chefs d’établissement", a insisté Noël Jamet.

 

La présentation :

Regards croisés dans 2 collectivités

abords de l'école végétalisésLes expérimentations et les programmes d'amélioration des écoles dans deux villes, Aix-en-Provence et Toulon, ont été présentés par Marc Foveau, directeur général des services techniques adjoints bâtiments et grands équipements à la mairie d’Aix-en-Provence, et Jean-Marc Cermelli, directeur travaux bâtiments à la ville de Toulon. Ils ont partagé les réflexions et les expérimentations menées dans ces deux villes pour améliorer le confort des écoles, ainsi que les principes d'action établis et les mesures mises en place. Une comparaison des approches et des échanges sur les différences ont également été abordés.

La ville de Toulon a cherché les mesures les plus efficaces pour réduire les chaleurs intenses dans les bâtiments où autant le personnel enseignant que les parents d’élève se plaignaient régulièrement de la chaleur. "Climatiser les salles de cours était un souhait récurrent des directeurs d’école, mais qui a toujours été refusé par la ville, pour ne pas aggraver l’effet d’îlot de chaleur urbain. Il a donc fallu agir et envisager des actions alternatives", a expliqué Jean-Marc Cermelli.

La ville de Toulon a donc expérimenté les solutions sur trois écoles. Elle a commencé par lancer une étude de simulation thermique dynamique sur ces bâtiments en mai 2021. Une étude qui a été complétée par un relevé de température à l’été 2021 dans les trois écoles concernées, qui a fait apparaître, pour chaque école, une dizaine de salles avec des températures, en cas de canicule, supérieures à 30°C, avec, parfois, des salles où le mercure pouvait monter jusqu’à 34°C une grande partie de la journée.

Une fois ces relevés effectués, la ville de Toulon a entamé des travaux rapides pour tenter de faire baisser la température. "Nous ne voulions pas réaliser d’investissement trop importants, car sur les trois écoles, deux sont destinées à muter. Et il était nécessaire de pouvoir réaliser ces travaux rapidement, sur le temps scolaire", a précisé Jean-Marc Cermelli. Des brises-soleil en façade ont été installés, une casquette solaire a été montée au dernier niveau et des brasseurs d’air ont été mis en place dans les salles les plus chaudes. Le toit est également peint avec une peinture "cool roof", qui renvoie la chaleur au lien de l’absorber.

"Ces investissements, bien que limités (nous n’avons dépensé que 280 000 €), nous ont permis d’augmenter très sensiblement la zone de confort dans nos bâtiments", a ajouté Jean-Marc Cermelli. Les brasseurs d’air, notamment, sont réputés très efficaces. Les directeurs d’école ne réclament, en tout cas, plus l’installation de climatisation.

La question des usages est ici fondamentale. Il n’est pas toujours facile en effet de convaincre un chef d’établissement de laisser ses fenêtres ouvertes toute la nuit, en raison des risques de cambriolage. "Une autre solution consiste à installer des volets roulants extérieurs : ils permettent la ventilation nocturne tout en garantissant la sécurité des sites. En outre, ils sont peu onéreux et rapides à installer. Leur maniement nécessite toutefois de former les enseignants", a expliqué Marc Foveau.

Le choix des brises-soleils, fixes ou manoeuvrables, a été interrogé en termes de confort : "S’il est manœuvrable, il faut prévoir qu’il y aura de la casse, s’il est fixe, on perd de la lumière en hiver", résume Marc Foveau. Quand à la végétalisation des toitures et des façades, c’est une solution efficace, à en croire M. Foveau, "mais il ne faut pas sous-estimer le besoin en entretien".

La présentation :

Stratégie et mode de contractualisation pour assurer le confort et la performance énergétique toits

Caroline Canale, experte en énergie au Conseil Départemental de l'Hérault, a présenté la stratégie du CD34 visant à garantir le confort dans les collèges tout en évitant l'utilisation de la climatisation. Elle a partagé le retour d'expérience de la rénovation du collège du Crès, qui constitue leur projet pilote.

Le département a mis en place un schéma directeur de l’énergie, qui comprend un volet confort d’été. "Nous nous sommes rendus compte que, si 21 de nos collèges atteignaient déjà les objectifs du décret tertiaire pour 2030, le confort d’été n’était pas pour autant au rendez-vous", a témoigné Caroline Canale, experte en énergie au conseil départemental de l’Hérault. Le département a équipé ses collèges de capteurs, après avoir réalisé pour chacun d’entre eux une simulation énergétique dynamique et une simulation thermique dynamique, afin de détecter au plus tôt les dérives et apporter des solutions correctives.

Dans le cadre de la rénovation du collège du Cres, le département a confié à un groupement le pilotage des travaux en lui donnant des niveaux de performance relativement ambitieux : 50 % de baisse de consommations d’énergie primaire et 80 % de la consommation en énergie primaire couverte par des énergies renouvelables. Au niveau du confort d’été, la température ne doit pas dépasser les 28°C quand il fait 36°C à l’extérieure, et le bâtiment doit garantir une différence de 8°C avec l’extérieur. Grâce à des caissons adiabatiques, les objectifs ont pu être respectés, et le collège du Cres est devenu le premier collège à énergie positive du département.
 

îlots de chaleur : L’exemple de la ville de Cuers

rue de cuersJean-Jacques Roux, Directeur Général des Services de la ville de Cuers, 83, a présenté une action à l'échelle urbaine dans cette petite ville du Var. Il a souligné l'importance de l'urbanisme, de l'aménagement des espaces et de la végétalisation pour assurer le confort d'été des bâtiments.

La ville a pris le problème des îlots de chaleur à bras-le-corps : "Notre commune a été propulsée sur le devant de la scène nationale en juin 2022, lorsque des records de température y ont été relevés", a rappelé Jean-Jacques Roux. Une stratégie basse température a ainsi été mise en place à l’échelle communale : "nous avons fait un puzzle avec des choses déjà existantes, des choses que nous avions l’intention de faire, et d’autres auxquelles nous n’avions peut-être pas pensé", poursuit Jean-Jacques Roux.

Un plan d’actions est élaboré selon quatre axes : adaptation des aires de sport et de loisirs, adaptation des bâtiments, adaptation de la réglementation, et adaptation des rues. Ce dernier point, notamment, est primordial, à écouter Jean-Jacques Roux : "Il peut y avoir jusqu’à 15°C de différence entre un enrobé noir et un revêtement plus clair", a-t-il expliqué. Malheureusement, la commune se heurte à une problématique de coût : "les enrobés bios sont six fois plus chers que les enrobés classiques. Quant aux ombrières, que l’on voulait déployer dans certaines rues de l’hyper centre, elles coûtent 35 000 € pièce, trop cher pour la commune, pour l’instant", regrette le directeur général des services.
 

La présentation :

pictoLes accompagnements du CEREMA

François Marconot (responsable d'études au Cerema Île-de-France) et Yvain Maunier (responsable d'études au Cerema Méditerranée) ont exposé les accompagnements proposés par le Cerema en matière de confort et d'adaptation au changement climatique. Ils ont présenté une expérience globale de cotation des bâtiments du département du Val-de-Marne en fonction des risques liés au changement climatique, ainsi que la stratégie associée. Une méthode d’analyse de l’exposition solaire appliquée aux bâtiments de l'université de Toulon a également été présentée en présence de Denis Coste maitre d’ouvrage de l’étude.

Le Cerema peut accompagner les collectivités dans la sélection des bâtiments sur lesquels intervenir dans le cadre de l’amélioration du confort d’été. Partant du principe qu’il n’était pas possible de réaliser des simulations thermiques dynamiques pour les 600 bâtiments du département du Val-de-Marne, le Cerema a utilisé une méthode simplifiée qui note la vulnérabilité des bâtiments aux canicules sur une cotation de 1 à 5. "On note chaque bâtiment, puis on pondère cette note en fonction de paramètres supplémentaires (par exemple, une crèche sera plus vulnérable à la chaleur qu’un collège du fait du public qu’elle accueille)", a expliqué François Marconot.

La note ainsi recalée donne la sensibilité du bâtiment à l’aléa canicule. Une fois cette note donnée, il est possible pour la collectivité de hiérarchiser et prioriser les travaux à engager sur son patrimoine bâti. "Avec le plan d’action chaleur, la collectivité pourra engager des travaux de protection contre la chaleur à l’occasion de travaux d’opportunisme, par exemple, profiter d’une intervention d’une fuite dans le toit pour mettre en place une membrane qui réfléchit la chaleur", a ajouté François Marconot.

De la conclusion aux mots d’ouverture

Pour clore cet événement, Karine Jan, responsable du groupe bâtiment du Cerema Méditerranée, a résumé les présentations et les discussions, mettant en avant l'importance accordée au confort d'été et à l'adaptation face au changement climatique.

 

Fin

 

Dans le dossier Le Cerema mobilisé pour adapter le bâti au changement climatique

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