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Interview de Coralie Noël
Haute fonctionnaire au développement durable
au ministère de l'Éducation nationale
Coralie Noël, haute fonctionnaire au développement durable au ministère de l'Éducation nationale nous partage sa vision sur l'évolution du parc de bâtiments scolaires en France et les enjeux de sa rénovation.
Quelle est votre perception de l'évolution du domaine du bâtiment, et particulièrement du parc de bâtiments scolaires pour les années à venir ?
Le secteur du bâtiment, et le parc de bâtiments scolaires en particulier, vont devoir connaître des évolutions majeures dans les années à venir, en termes de rénovation énergétique, plus largement en matière de transition écologique, avec un enjeu majeur d’adaptation au changement climatique.
Le bâti scolaire, c’est environ 60 000 écoles, collèges et lycées, et 13 millions de personnes qui les fréquentent quotidiennement, ce qui représente un défi considérable.
Or, il faut rappeler que la gestion de ces bâtiments relève des collectivités locales : il y a donc un enjeu majeur de travail en commun. Une instance nationale de dialogue a été mise en place entre les services du ministère de l’Éducation nationale et les associations d’élus, ce qui permet de renforcer la collaboration. Le ministère a également créé un site internet dédié au bâti scolaire et produit une collection de guides « Bâtir l’École », et il participe à l’accompagnement du plan national de rénovation des écoles qui vise à rénover 40 000 écoles et établissements scolaires d’ici 2034.
Mais l’évolution du bâti scolaire va au-delà des aspects techniques et doit aussi intégrer une dimension pédagogique pour contribuer à l’éducation au développement durable : la transformation des lieux scolaires représente une opportunité d’engager des projets éducatifs concrets autour de la transition écologique, du changement et de l’évolution du bâti. C’est le sens de la démarche globale E3D (École/Établissement en Démarche de Développement Durable), qui est pilotée par le ministère de l’Éducation nationale. Près de 15 000 écoles, collèges, lycées sont aujourd’hui labellisés E3D. Dans ces établissements, les actions menées pour réduire l’impact environnemental font l’objet de projets pédagogiques concrets en impliquant les élèves notamment les éco-délégués, avec l’appui de partenaires extérieurs dont peut d’ailleurs faire partie le Cerema.
Quels sont les principaux enjeux à prendre en compte dans la rénovation des bâtiments scolaires ?
Les enjeux sont nombreux et variés : je pense à la végétalisation des cours d’école avec une désimperméabilisation des sols et une meilleure gestion des eaux de pluie, l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, la préservation de la biodiversité, tout cela avec une nécessité d’adaptation au changement climatique notamment face aux vagues de chaleur.
Il faut aussi intégrer des impératifs de sécurisation du bâti et des espaces extérieurs, et veiller à ce que les locaux et les espaces soient adaptés au bien-être, à la santé et aux usages spécifiques des élèves, des enseignants, de l’ensemble du personnel et des usagers amenés à fréquenter ces établissements. Tous ces aspects doivent être intégrés de manière cohérente dans les projets !
La collection de guides “Bâtir l'École” produite par le ministère de l’Éducation nationale vise à diffuser des préconisations, recommandations, exemples de réalisations, à l'attention des collectivités territoriales, pour que dans les opérations de rénovation ou de conception-reconception du bâti, on veille à de bonnes adaptations en termes de luminosité, de température, d'acoustique, de qualité de l'air, de biodiversité, d’accessibilité, ou encore d’aménagement pour favoriser une occupation équilibrée des espaces extérieurs par les filles et les garçons… Les espaces scolaires y sont principalement visités sous l'angle des usages et notamment des innovations pédagogiques.
Quelle est votre vision sur le rôle que peut avoir le Cerema vis-à-vis des structures éducatives au sens large et donc des collectivités territoriales ? Quelle coopération avec l’Éducation nationale ?
Le Cerema dispose d’une expertise scientifique et technique transversale sur toutes les thématiques de l’aménagement et du développement durable des territoires.
Cette diversité de compétences permet d’accompagner les collectivités et les établissements scolaires dans leurs projets. Le Cerema peut donc apporter une expertise majeure, pour faciliter la mise en œuvre de projets adaptés aux usages particuliers des bâtiments scolaires, notamment en intégrant de nouvelles formes pédagogiques et l’accessibilité pour tous.
Il existe aujourd’hui une forte coopération entre le Cerema et le ministère, notamment à travers la rédaction conjointe de guides, comme dans le cadre du programme EduRénov, par exemple avec la rédaction par le Cerema et le CSTB de la charte sur les bonnes pratiques en matière de rénovation durable des établissements scolaires.
Par ailleurs, un centre de ressources pour la rénovation du bâti scolaire sera prochainement lancé. Il mettra à disposition des élus et services techniques une compilation de ressources pour soutenir la rénovation et la transition écologique des écoles, collèges et lycées. Cet outil est issu d'un travail entre différents partenaires institutionnels dont le ministère de le Cerema.
L’accompagnement du Cerema peut porter non seulement sur ces aspects techniques, mais aussi sur des aspects pédagogiques. Nous avons par exemple développé un partenariat national sur les challenges CUBE portés par le Cerema et l’Ifpeb dans le cadre du programme ACTEE : les élèves réalisent un diagnostic des consommations énergétiques de leur école et formulent des propositions d’action pour les réduire. Ces projets pédagogiques contribuent à faire le lien entre actions de transition écologique et montée en compétence des élèves. Ils peuvent s’inscrire dans la démarche E3D de l’établissement ou favoriser le lancement de cette démarche.
Pour aller plus loin, nous souhaitons renforcer la coopération entre le ministère de l’Éducation nationale et le Cerema au niveau des territoires, à l’échelon académique. Dans tous les rectorats, le ministère de l’Éducation nationale a mis en place des chefs de mission académique EDD - inspecteurs d’académie chargés de piloter l’éducation au développement durable - et plus récemment des référents bâti scolaire qui sont plus particulièrement au contact des collectivités territoriales pour ces questions relatives au bâti scolaire. Nous organiserons un échange entre le Cerema et ces deux réseaux, afin de travailler ensemble non seulement au niveau national mais aussi au niveau académique.