Cet article fait partie du dossier : Economie circulaire dans les chantiers du BTP: Le dossier sur le Label 2EC
Voir les 6 actualités liées à ce dossierCet article du Cerema paru dans le magazine Techni Cités présente la démarche, son contexte et les enjeux autour de la gestion des déchets dans les chantiers du BTP.
L’économie circulaire est inscrite dans la loi relative à la transition écologique pour la croissance verte de 2015 (LTECV). Ce principe, qui consiste à rompre avec une économie linéaire de développement de notre société (produire, consommer, jeter), est à présent largement partagé et encouragé. Des objectifs ambitieux sont inscrits dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi Agec), votée en 2020, confirmant un engagement croissant vers une société responsable.
Une réglementation qui évolue en faveur du développement de l'économie circulaire
À l’échelle des territoires, différentes lois (loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur, en 2014 ; loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi Notre, en 2015) orientent vers la prise en compte de principes relevant d’une économie circulaire.
Parmi les enjeux principaux figurent la planification et la gestion des ressources territoriales.
De par leurs prérogatives, les collectivités disposent de leviers d’action pour engager une transition locale vers une gestion vertueuse des ressources en matériaux.
Il s’agira d’introduire des pratiques de réemploi, de réutilisation et de recyclage des matériaux de construction.
Cette démarche se révèle d’autant plus intéressante en termes de gains environnementaux et économiques qu’elle est déployée à une échelle territoriale, par exemple au sein d’un territoire connaissant une dynamique de mutation urbaine et une volonté de promouvoir un aménagement urbain plus sobre.
En 2017, le domaine de la construction a consommé 435 millions de tonnes de granulats [1] et généré environ 224 millions de tonnes de déchets, représentant près de 69 % des déchets en France [2]. L’objectif, inscrit dans la LTECV est d’en valoriser 70 %. En 2014, le taux de valorisation est évalué à 61 % des déchets inertes [3]. Ainsi, l’activité du BTP constitue un levier d’action essentiel pour réduire la production des déchets, augmenter leur valorisation et par conséquent préserver les ressources non renouvelables en matériaux.
Toutefois, force est de constater que ces démarches ne sont pas systématiques. Les raisons sont multiples: la connaissance des matériaux recyclés, la maîtrise des règles techniques, l’appréhension vis-à-vis de risques juridiques ainsi que les sensibilités sociétales inhérentes à la problématique des déchets dans le BTP figurent parmi les principaux freins.
Le secteur du BTP engage sa mutation vers une meilleure gestion des ressources. À titre d’exemple pour l’élaboration des bétons, les résultats du projet national Recybéton prouvent les possibilités d’augmentation du taux d’incorporation des granulats de béton recyclés. Des travaux sont en cours pour que ces résultats soient pris en compte dans les normes NF EN 206/ CN [4] et NF P 18-545 [5]. Le constat est le même dans le domaine des techniques routières où le projet national Mure démontre largement la faisabilité technique du recyclage des agrégats d’enrobés à forts taux [6].
Par ailleurs, de nombreux retours d’expériences attestent de la maturité des techniques pour la valorisation de matériaux alternatifs dans la construction et les aménagements.
Une Démarche globale et des outils pour les collectivités
Il apparaît un écart croissant entre les opportunités de prise en compte de ces enjeux (ressources locales, techniques matures) et leur réelle transcription dans les travaux. Nous en arrivons ainsi à placer l’acteur public au coeur du processus du développement de l’économie circulaire.
Les dispositions susceptibles d’accompagner l’initiative d’une collectivité sont déjà très riches et il peut s’avérer complexe pour un porteur de projet de comprendre la portée et les liens entre ces outils. Il est donc légitime pour une collectivité de se poser la question de l’outil à privilégier au regard de ses ambitions.
Tout d’abord, le label économie circulaire de l’Ademe répond au besoin d’une collectivité de structurer une démarche globale d’économie circulaire dans le cadre d’une politique publique [7]. Cet outil repose sur un état des lieux et la mise en oeuvre d’un plan d’action pour engager des démarches dans l’ensemble des activités (logement, urbanisme, action sociale, développement économique, etc.) selon cinq axes : la stratégie, les déchets, les autres piliers de l’économie circulaire, les outils financiers, la coopération et l’engagement. La démarche est alors structurée autour d’orientations dont l’ensemble permet d’appréhender la transversalité de l’économie circulaire.
Des dispositifs concernent plus particulièrement les domaines du bâtiment ou des infrastructures en répondant aux missions spécifiques de la collectivité en tant que maître d’ouvrage. Les éléments ci-après apportent une vision générale sans viser l’exhaustivité. Une première série d’outils répond à des objectifs de qualité de construction. Dans cette optique, les collectivités pourront se référer à des processus de certification tels que NF Habitat, NF Habitat HQE (Qualitel) en intégrant les dispositions spécifiques à l’économie circulaire.
Celles-ci traiteront notamment de critères pour l’utilisation de ressources renouvelables, la valorisation de ressources locales, la gestion de déchets, le coût d’entretien et la durabilité de l’enveloppe, le coût global, etc.
Dans le domaine du bâtiment toujours, via des démarches d’écoconception, d’autres labels répondent à des enjeux très spécifiques et correspondront à une volonté d’agir en particulier sur tel ou tel aspect de l’empreinte environnementale. Il s’agit par exemple de la réduction de la consommation énergétique pour les labels Effinergie+, Bepos effinergie, ou le label E+C- pour la réduction des émissions de carbone. Le label biosourcé est également parmi ces outils en faveur d’une économie circulaire en favorisant l’emploi d’une ressource naturelle renouvelable.
Certifications
La méthodologie portée par Circolab peut également être soulignée. Elle guide le maître d’ouvrage dans un projet de gestion de matériaux et d’équipements produits ou réemployés, via la prise en compte d’enjeux relevant d’une économie circulaire dans des projets de réaménagement, de rénovation ou de restructuration ainsi que des projets de déconstruction [8].
Les dispositifs sont moins nombreux dans le domaine des infrastructures. Citons la certification HQE Infrastructure délivrée par Certivea qui concerne la prise en compte d’enjeux environnementaux pour un développement durable dans un périmètre plus large que celui de l’économie circulaire [9]. Dans cette démarche se trouvent des engagements sur la préservation et l’amélioration de l’environnement, la résilience, l’utilisation des ressources et la gestion des déchets. À l’issue d’un diagnostic, il s’agira alors de hiérarchiser des engagements au regard de différentes thématiques relevant du développement durable.
Le pacte d’engagement récent des acteurs des infrastructures de mobilité oriente fortement vers ces initiatives avec notamment des objectifs de recyclage et de diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Répondre aux enjeux de demain
Une collectivité peut donc se référer au label 2EC dans le cadre de différentes démarches. Tout d’abord, elle peut s’engager sans lien avec d’autres initiatives relevant de l’économie circulaire. Ensuite, elle peut s’y référer dans un processus global. Par exemple dans le cadre d’une labellisation économie circulaire de ses politiques publiques ou d’un projet HQE infrastructures et venir enrichir et sécuriser juridiquement la démarche relative à la gestion des matériaux dans le cadre de travaux du BTP.
Enfin, le label 2EC, de par son périmètre spécifique, peut venir compléter un projet dans lequel la collectivité affiche d’autres objectifs, relevant par exemple d’une maîtrise de la consommation d’énergie ou de la réduction des émissions de GES ou encore de réemploi de matériaux.
S’engager maintenant, c’est monter en compétence sur un territoire pour répondre aux enjeux de demain. En effet, cette labellisation 2EC facilite la création de filières de gestion de matériaux de déconstruction par l’augmentation des flux de matières recyclées à l’échelle locale. Ces ressources préfigurent les mines urbaines de demain.
Il est donc essentiel que les acteurs s’approprient dès à présent les règles et les outils en faveur de l’emploi des matériaux alternatifs. La valeur "pédagogique" proposée par le label 2EC fournit une opportunité pour s’initier à ces pratiques qui, demain, s’imposeront au monde du BTP. Le label 2EC s’inscrit dans la durée.
Il dispose d’un comité de pilotage impliquant les parties prenantes (filières, entreprises, collectivités, État, associations) afin de prendre en compte l’expression continue des besoins et de s’adapter aux évolutions réglementaires futures.
Par Alexandre Pavoine, responsable du secteur d’activité Préservation des ressources et économie circulaire des matériaux du BTP, au Cerema infrastructures de transport et matériaux, et Laurent Eisenlohr, chef de groupe, Économie circulaire et matériaux au Cerema Centre Est.
[1] UNPG, « L’industrie française des granulats », édition 2019. [2] Ademe, « Déchets - Chiffres clés », L’essentiel, 2019. [3] Ademe, « Bilan national du recyclage 2008-2017 », rapport final, mars 2020. [4] Afnor, NF EN 206/CN. Béton - Spécification, performance, production et conformité - Complément national à la norme. [5] Afnor, NF P 18-545. Granulats - Éléments de définition, conformité et codification. [6] RGRA, « Bilan des projets Mure et ImprovMure », 25 novembre 2020. [7] bit.ly/3u1ov2c [8] circolab.eu [9] bit.ly/3sKYS5m [10] Tazi. N, Idir. R, Ben Fraj. A., « Towards achieving circularity in residential building materials : potential stock, locks and opportunities », Journal of cleaner production, 281 (2021), 124489.
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