25 mars 2021
Autocars a la gare Part Dieu à la Lyon
CR - Cerema
Quels sont les constats des acteurs des transports au sujet de l'impact de la crise sanitaire sur l'usage des transports collectifs ? Quelles réponses y apporter ? Quels outils et leviers d'actions sont disponibles ? A travers une table-ronde et trois sessions techniques sur des aménagements spécifiques, un webinaire organisé par le Cerema a permis d'échanger autour de ces questions.

affiche du webinaireA l'occasion de la journée des transports en commun, le Cerema propose un focus sur les leviers permettant d'améliorer la performance des transports collectifs, en intégrant les impacts importants de la crise du coronavirus sur les mobilités

Le 17 novembre 2020, une journée technique "Des aménagements innovants pour des transports collectifs performants" a été organisée par le Cerema sous forme de webinaire pour partager les retours d’expérience sur les aménagements qui favorisent l’efficacité et l’attractivité des transports en commun.

Ce webinaire a connu un succès d’audience avec plus de 800 personnes connectées. Il était organisé autour d’une table ronde sur les impacts de la crise sanitaire sur la mobilité et de trois sessions techniques sur les aménagements de transports en commun et vélos, la performance des lignes de bus et enfin les pôles d’échanges multimodaux (PEM).

 

Le replay du webinaire et les présentations : 

Table ronde : impacts de la crise sur la mobilité et les Transports en commun

Les constats suivants sont partagés :

  • Avec la crise, l’offre et la demande TC ont subi une baisse spectaculaire, avec des pertes financières liées à un recul, d’une part, du versement mobilité (suite aux restrictions d’activité économique) et, d’autre part, des recettes commerciales (baisse de fréquentation avec la nécessité progressive de diminuer l’offre).
  • De surcroit, le développement des mobilités individuelles, la résistance de l’auto-solisme, favorisés par la crise, fragilisent les transports collectifs.

Cependant, des pistes existent...

 

Une réponse financière immédiate et à plus long terme

tram de la RATP
Arnaud Bouissou - TERRA

La table ronde a été l'occasion de partager les éléments d'actualité et des retours d'expériences d'acteurs importants des mobilités.

La direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a rappelé le dispositif de soutien financier pour le transport ferroviaire (4,7 Mds€), et pour les mobilités du quotidien (1,2 Mds€), avec aussi 0,7 Mds€ d’avances remboursables.

Le GART (groupement des autorités responsables de transport) a demandé surtout une compensation des pertes du versement mobilité car les aides à l’investissement ne permettent pas de combler le déficit de fonctionnement, et relevé que la province est peu prise en compte (hors grandes AOM-Autorités Organisatrices de la Mobilité).

Pour l’UTP (Union des Transports Publics et Ferroviaires), la crise a fragilisé le modèle économique des transports collectifs déjà "à bout de souffle", et le taux de couverture en France par les recettes est très inférieur à la moyenne européenne (32  % versus 50). Elle propose trois axes de réflexions : péage urbain (par le stationnement), retour sur la création de valeur foncière liée aux nouvelles offres, et fiscalité (TVA à 5,5 % et captation d’une part de taxes futures sur les GAFA).

M. Passalacqua, professeur à l’école d’urbanisme de Paris, a mentionné le besoin de cohérence politique et stratégique dans le plan de relance entre les dispositifs de soutien des différentes industries (aérien et automobile, versus transports collectifs et modes actifs).

 

Agir sur l’organisation des réseaux

Le modèle urbain et les modèles de mobilité doivent être pensés de concert pour mieux maitriser la demande de mobilité. Le Cerema a souligné la nécessité de mieux coordonner urbanisme et transports pour rationaliser et réguler la demande de mobilité. La DGITM veut en faire l’un des axes de travail du 4ème appel à projet TCSP (transport collectif en site propre).

Le transport est, comme l'a rappelé le GART, une clé des politiques territoriales. Il ne faut pas forcément chercher à réduire la mobilité mais à optimiser les services pour développer l’offre, notamment sur les territoires peu denses.

 

Quel rôle de l’innovation dans l’efficience des transports collectifs ?

route en campagne
Arnaud Bouissou - TERRA

L’efficience des réseaux de province est un enjeu. Cependant, pour M. Passalacqua les innovations technologiques sont souvent coûteuses, complexes et rarement durables. Des solutions plus traditionnelles sur l’organisation des réseaux (modes historiques) sont souvent plus abordables et tout aussi efficaces (tramway, vélo, marche, mais aussi trolleybus).

Pour le GART, l’innovation est dans la mutualisation des offres, surtout pour les territoires peu denses avec le besoin de développer l’offre (scolaire ; interurbaine ; à la demande ; rabattement sur les gares), plutôt que dans des technologies couteuses.

Le Cerema soulignait enfin que lorsqu’une offre nouvelle correspond aux aspirations des citoyens, elle est massivement plébiscitée et utilisée (exemple des coronapistes). Il faut savoir améliorer l’efficience des TC dans ce sens (technologie, action sur le stationnement, mobilité et cadre de vie avec partage de voirie).

 

Rassurer les usagers et agir sur la demande

Pour rassurer les usagers, plusieurs actions sont envisageables :

  • retours d’enquêtes sur les mesures sanitaires dans les TC (DGITM) ;
  • partage de retours d’expériences entre transporteurs (UTP) ;
  • faire savoir que les TC sont certes un transport de masse, mais pas de propagation de cluster dans les TC (GART).

Pour le Cerema, il faut certes rassurer, mais il faut rendre aussi les transports collectifs plus attractifs (saturation de lignes, inconfort) par de nouveaux services, la complémentarité avec les modes actifs, la régulation des usages, un meilleur partage de la voirie, des actions visibles pour inciter au changement des comportements (en s’inspirant de la démarche "coronapistes").

 

Jouer les complémentarités avec le vélo 

La crise a favorisé la voiture et les vélos (modes individuels), amenant le vélo à devenir incontournable dans toute politique de mobilité. Il est nécessaire de travailler sur la chaine de déplacement, l’intermodalité, les pôles intermodaux (GART) mais aussi à une bonne cohabitation bus/vélos par la formation et des actions de sécurité routière (UTP).

Et nécessité enfin de disposer de règles dans l’espace public, pour que le vélo soit considéré comme un mode à part entière et pas seulement comme un mode de passionnés (Cerema).

 

Aménagements TC et vélos: Quels compromis ? Quelles synergies ? 

piste cyclable temporaire passant devant un arrêt de bus
Piste cyclable temporaire à Paris - Arnaud Bouissou - TERRA

Rouen (au sujet de la mixité bus-vélos en cœur de ville) et Lyon (sur la modélisation de la mixité bus/vélos) ont présenté la problématique d’intégration des cyclistes sur une voie réservée à un bus à haut niveau de service (BHNS).

Ces expériences ont permis de montrer qu’il est possible, dans certaines conditions (fréquence bus, flux cyclistes), d’ouvrir des sections de voies BHNS aux cyclistes tout en maintenant un niveau de service performant pour les TC et pour les vélos.

La modélisation montre un lien fort entre la vitesse commerciale et le flux cycliste (– 1km/h de vitesse commerciale par palier de 100 vélos/h par sens, pour un couloir bus bidirectionnel sans surlargeur). 

L’exemple de Rouen montre également l’avantage dans certains cas de remplacer la gestion par feux par une gestion par signalisation statique. Cependant, la décision de supprimer des feux doit intégrer une étude d’impact sur les personnes déficientes visuelles (qui utilisent les signaux sonores des feux pour se repérer et connaître l’état du feu) et sur la vitesse commerciale des bus (priorité aux piétons régulièrement engagés sur une traversée sans feux).

Dans un second temps, l’atelier a permis de présenter des innovations testées aux interfaces des axes forts de transports en commun (notamment à Lyon). 

En effet, la réglementation offre des possibilités pour mieux prendre en compte les spécificités des cyclistes aux carrefours avec les différents mouvements possibles de cédez-le-passage cycliste au feu (panneau M12) et des feux cyclistes (R19).

L’étude approfondie des comportements et du ressenti des usagers en cas de partage d’un même espace, comme le montre l’étude du pont de la République à Besançon, permet d’objectiver les interactions entre les usagers et de proposer d’autres scénarios de partage de l’espace public, pour plus de sécurité et de confort.

Les retours d’expériences d’interactions cyclistes –TC devraient permettre d’enrichir prochainement la doctrine nationale et les recommandations du Cerema et du STRMTG (Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés) pour mieux intégrer les cyclistes dans la conception et l’exploitation des TC, garantir leur sécurité et un niveau de service performant pour chacun.

 

Performance des lignes de bus: Une large palette d’outils

bus rapide à Lyon
BHNS à Lyon - Cerema

Il est possible d’améliorer les réseaux de bus existants en garantissant aux usagers une certaine fiabilité, sans forcément recourir à des investissements lourds.

En l’absence de mesures, le bus "classique" peut devenir rapidement de moins en moins attractif comparativement au tramway ou au BHNS type tramway. Il est pourtant possible de changer son image, d’améliorer son efficacité, et de donner envie aux voyageurs de l’utiliser : améliorer sa vitesse commerciale par des aménagements de voirie et la priorité aux carrefours, espacer les arrêts pour optimiser son temps de trajet, réduire les temps d’échange voyageurs en station... La palette d’outils est large.

Différentes mesures d’aménagements et d’exploitation permettent, pour un coût limité, d’améliorer la performance des lignes de transport collectif, comme le prouvent les réalisations d’amélioration des réseaux de bus nantais (chronobus) et de Namur en Belgique.

La Métropole de Lyon a aussi expérimenté un dispositif de couloir bus temporel sur l’avenue Lacassagne : ce dispositif (avec priorisation aux feux) vise à améliorer la performance des bus, tout en permettant de conserver la fluidité du trafic. Un dispositif d’allumage d’un couloir bus temporaire (panneaux lumineux, LEDs) se déclenche à l’approche des bus. Pour être plus efficace, ce dispositif mériterait d’être muni d’une signalisation lumineuse dynamique au sol mieux compréhensible par l’usager.

C’est ce que propose notamment Colas avec son dispositif innovant Flowell qui intègre des dalles (avec LEDs) collées sur la chaussée. Elle vise à améliorer la sécurité des usagers, par la mise en lumière de la signalisation horizontale. Elle pourra aussi permettre de moduler dans le temps l’usage ou la réservation de voies d’une chaussée, grâce à ses possibilités d’allumage dynamique (modularité de voies routières).

Une fiche Cerema (IUTCS, Insertion urbaine des transports collectifs de surface) sera prochainement publiée pour faire connaître les aménagements bus innovants existants sur les réseaux et pour encourager le développement des bonnes pratiques pour la performance des bus.

La priorité aux feux est aussi une mesure importante qui pourrait être optimisée en ayant recours à des dispositifs plus efficaces, le Cerema est prêt à accompagner des expérimentations sur ce sujet.

Pôles d’échanges multimodaux en zone peu dense et hubs "ruraux": nouvelles opportunités d’intermodalité

bus rapide d'Aix Marseille sur l'autoroute
Bus rapide d'Aix-Marseille-Provence

Sur les territoires à l’urbanisation plus diffuse, de nouvelles formes de pôles d’échanges, qui connectent des services innovants comme le covoiturage et des lignes de TC comme les cars régionaux, émergent progressivement sous l’impulsion des acteurs locaux.

Confrontée à la prédominance de la voiture dans une aire urbaine multipolaire, la Métropole d’Aix Marseille Provence a fondé sa politique de mobilité sur un réseau express métropolitain de lignes de cars sur autoroutes.

Associé à une trentaine de km de voies réservées sur autoroutes, ce maillage de pôles permettra de généraliser un accès plus simple à des transports collectifs plus performants (90% de la population à moins de 10mn d’une ligne de car).

Objet encore relativement peu présent en France, les Pôles d'Echanges Multimodaux (PEM) accueillant des lignes d’autocars sur autoroutes permettent de mieux relier le centre des agglomérations à leurs périphéries en irriguant mieux les territoires de plus faibles densités, et en favorisant le rabattement sur les lignes.

Le benchmark réalisé par le Cerema fait ressortir l’existence de différentes solutions d’insertion, suivant l’environnement traversé (urbanisé ou rural) et l’offre de service de transports collectifs : infrastructure multimodale complète étanche comme à Briis-sous-Forges, points d’arrêts plus légers comme sur l’autoroute reliant Milan à Turin, ou station type métro associée à une infrastructure en site propre axial de l’autoroute dans des environnements très urbanisés (Istanbul, Madrid...)

Mais d’autres solutions plus agiles et légères à mettre en place, basées notamment sur l’intermodalité entre covoiturage, vélos et gares TER, sont imaginées aussi pour tenter de faire reculer l’autosolisme dans les territoires ruraux. Pour desservir une zone d’activités, la Communauté de Communes de la Plaine de l’Ain a créé un "mini" réseau de 4 "hubs d’échanges ruraux" connectant des gares TER, 4 "lignes virtuelles" de covoiturage Covoit’Ici et une offre de vélos à la demande.

À travers ces trois nouvelles approches de l’intermodalité à différentes échelles territoriales, c’est bien la créativité des connexions à créer entre les nouvelles offres qui tente d’apporter des solutions adaptées aux différents besoins de mobilité.

En s’appuyant sur le potentiel de multimodalité des autoroutes et voies structurantes d’agglomération, elles peuvent être développées aussi bien en zone dense que dans le périurbain.