Les territoires à faible densité de population sont actuellement dans une période charnière en termes de mobilités. Jusqu’à récemment, la voiture individuelle a représenté un formidable levier de développement : on a construit de plus en plus de ronds-points, de supermarchés, par exemple, qui sont des équipements particulièrement adaptés à la voiture.
Quel diagnostic aujourd’hui ?
Ce mode de transport s’est donc au fil du temps imposé, car il est particulièrement pratique et confortable dans ces territoires. Mais, même si son usage sera encore vraisemblablement massif, ce mode de vie est actuellement, si ce n’est remis en cause, du moins interpellé par deux urgences : une urgence climatique et environnementale et une urgence sociale.
Urgence climatique car même si les véhicules qui seront utilisés pourront devenir, grâce à la technologie, de moins en moins émissifs en polluants et gaz à effet de serre, cette amélioration sera loin d’être suffisante pour répondre aux enjeux climatiques. Et urgence sociale, car 8% des ménages dans ces territoires n’ont pas de véhicule. Et à ces 8% de ménages sans voiture, il faut ajouter les personnes qui n’ont qu’un véhicule pour plusieurs membres d’une famille, ou qui n’ont pas suffisamment de ressources financières ou cognitives pour l’utiliser autant que de besoin. Ces personnes peuvent aujourd’hui être amenées à faire des arbitrages et renoncer à réaliser des déplacements, pourtant nécessaires à leur vie quotidienne.
Les territoires sont donc amenés à rechercher et développer de nouvelles solutions de mobilité, alternatives à la voiture en auto-solisme. Cet enjeu est d’autant plus fort qu’ils devront faire face à un vieillissement de la population : les seniors souhaiteront certainement recourir aux modes actifs pour rester en bonne santé, et les personnes âgées qui ne pourront plus conduire auront besoin d’alternative pour conserver leur autonomie.
Des signaux faibles actuellement montrent également une relative désaffection de la voiture pour les jeunes ménages : les territoires ruraux qui souhaiteront les attirer et leur permettre de se fixer auront à leur proposer des services de proximité accessibles et un mode de vie moins centré sur l’usage de la voiture.
Dans ces solutions alternatives à la voiture, quelle différence entre mobilité solidaire et mobilité inclusive ?
La loi d’orientation des mobilités de 2019 porte le sujet des mobilités solidaires : il s’agit des actions permettant d’offrir des solutions spécifiquement destinées à remédier aux difficultés de déplacement des personnes vulnérables au titre de la mobilité, que ce soit pour des raisons financières (personnes aux très faibles ressources, précaires…), ou pour des raisons physiques et cognitives (handicap, grand âge,…). Ces solutions font souvent appel à la solidarité, solidarité financière quand il s‘agit d’aides pour passer le permis, ou de chèque mobilité, ou encore solidarité interpersonnelle, quand des associations mettent en place des ateliers de remise en selle, des garages solidaires, ou des services de transport reposant sur le bénévolat.
Mais les autres solutions de déplacement alternatives à la voiture en auto-solisme, qui profitent à tous, peuvent également être particulièrement utiles pour ces publics vulnérables : il s’agit là de mobilité inclusive. Par exemple, une plateforme de covoiturage ou un dispositif d’autostop organisé, ou encore toutes les actions favorables aux modes actifs (aménagements sécurisants, services de location de longue durée…) qui complètent un atelier de remise en selle, contribuent à la mobilité de tous et relèvent de la mobilité inclusive.
Les actions de mobilité solidaire doivent donc être pensées au sein d’un bouquet de solutions participant de la mobilité inclusive. Et il est également nécessaire de penser ces mobilités au sein d’une politique d’aménagement et de développement territoriale cohérentes : réaliser des mini-hubs, conforter des polarités de services, permettent de réduire le nombre de déplacements et de les faciliter. Cette dynamisation locale, favorisée par la proximité et les déplacements en modes actifs, contribue également à l’inclusion des personnes vulnérables.
Quelles actions de mobilité inclusive fonctionnent bien dans les territoires peu denses aujourd’hui ?
Toutes les actions visant à favoriser les modes actifs, et notamment le vélo, donnent de bons résultats aujourd’hui, grâce notamment au vélo électrique et aux services de locations. Le transport à la demande, qui permet aussi de faire du porte-à-porte dans des secteurs limités, se développe également.
Le transport d’utilité sociale semble également être une solution prometteuse. Un décret publié en 2019 est venu à la fois encadrer et sécuriser ces dispositifs. Portés nécessairement par une association, ils permettent de recourir à des conducteurs bénévoles, qui viennent chercher à domicile les bénéficiaires, les emmènent à destination et les ramènent chez eux, tout en apportant un accompagnement : pour s’orienter, pour reprendre rendez-vous, pour ranger les courses, par exemple, et discuter, ce qui permet de conserver un lien social fort. Les bénéficiaires sont éligibles au dispositif s’ils ont de faibles ressources financières et / ou s’ils sont isolés géographiquement, et apportent un défraiement au conducteur.
Pour soutenir ce type d’actions, un appel à projet "mobilités solidaires" a été lancé conjointement par la Fondation Macif, qui apporte une aide financière, et le Cerema, qui apporte une aide technique. Plus d’une centaine de candidatures ont été reçues, ce qui montre à la fois l’importance des besoins et le dynamisme des territoires et des acteurs. Ces retours d’expériences permettront de diffuser l’année prochaine (les projets étant en phase émergente actuellement) des méthodes et des conseils pour mener à bien la mise en place de ces solutions de mobilité solidaire.