Ces expertises permettent à la commission interministérielle de confirmer ou infirmer l'état de catastrophe naturelle. Mais que recouvre cette notion de catastrophe naturelle et quelle est la procédure ? On vous dit tout !
Quels phénomènes sont concernés par l'état de catastrophe naturelle ?
L'état de catastrophe naturelle concerne huit types de phénomènes naturels :
- les inondations (par débordement d'un cours d'eau, par ruissellement et coulée de boue ou par remontée de nappe) ;
- les crues torrentielles ;
- les phénomènes liés à l'action de la mer ;
- les mouvements de terrain ;
- les phénomènes de sécheresse / réhydratation des sols (ou retrait-gonflement) ;
- les séismes ;
- les vents cycloniques ;
- les avalanches.
Les autres phénomènes naturels, comme la grêle ou la tempête par exemple, même s'ils provoquent des dégâts matériels, ne permettent pas de déclencher l'état de catastrophe naturelle car ils sont couverts par les assurances "multirisques habitation".
Pourquoi demander la reconnaissance d'état de catastrophe naturelle ?
La reconnaissance d'état de catastrophe naturelle permet à un particulier d'être indemnisé par son assurance pour les dégâts causés sur des biens personnels par le phénomène d'origine naturelle. Cette couverture est solidaire : toute personne assurée – quel que soit le degré de couverture – bénéficie de cette" garantie catastrophe naturelle".
Les biens non couverts par une assurance (les routes par exemples) ne peuvent pas bénéficier d'une indemnisation au titre de la catastrophe naturelle, sauf exception si la collectivité gestionnaire les a couverts par une assurance spécifique.
Qui doit déclarer l'état de catastrophe naturelle ?
Des fissures dans la maison, un mur effondré, une inondation dans la cave ? Ce type de dégradation peut être provoqué par un événement naturel d'intensité exceptionnelle. Un particulier soupçonnant une catastrophe naturelle à l'origine des dégradations concernant ses biens personnels doit alerter simultanément son assurance et sa mairie de rattachement. Il a cinq jours pour déclarer les sinistres observés.
C'est ensuite à la mairie de faire la demande de reconnaissance de catastrophe naturelle auprès de la Préfecture. La réception de la demande par la préfecture enclenche le processus d'expertise.
Comment l'état de catastrophe naturel est-il reconnu ?
Météo France établit un rapport qui permet d’apprécier les conditions météorologiques précédant la catastrophe y compris sur les six derniers mois dans le cas des mouvements de terrain et qui contribue à la caractérisation des facteurs déclenchant du phénomène étudié. Les dégâts causés par une catastrophe naturelle peuvent toutefois apparaître longtemps après l'événement météorologique, notamment lorsqu'il s'agit d'un phénomène de sécheresse/réhydratation ou d'un glissement de terrain.
Une fois alertée, la mairie doit recueillir le maximum de témoignages de dégradations pouvant être associées à cette catastrophe naturelle (pour une même période) et envoyer le dossier de demande d'état de catastrophe naturelle à la préfecture.
Si l’événement à l’origine des sinistres est supposé être un mouvement de terrain (chute de blocs, glissement de terrain, affaissement / effondrement), la Préfecture commandite alors des rapports d'expertise afin de caractériser le phénomène et de fournir à la commission interministérielle un rapport technique qui lui permettra de confirmer ou d'infirmer l'état de catastrophe naturelle. Des experts sont dépêchés pour déterminer si les dégâts sont effectivement liés à un phénomène naturel. Les effets d'une éventuelle action humaine sont aussi déterminés. Une intervention humaine peut en effet aggraver un incident d'origine naturelle.
Les rapports d'expertise sont ensuite soumis à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises puis à une commission interministérielle chargée de statuer sur l'intensité anormale de l'agent naturel et d'émettre un avis favorable, défavorable ou d'ajournement.
En cas d'avis favorable, un arrêté interministériel est établi et publié au Journal officiel. Les élus en sont informés et chargés de relayer l'information auprès des sinistrés qui ont alors 10 jours pour transmettre à leur assurance leur déclaration de sinistre accompagnée de l'arrêté interministériel. Leur indemnisation doit intervenir dans les 3 mois suivant cette déclaration.
Quel est le rôle du Cerema ?
Depuis le 18 juillet 2016, avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le service Restauration de terrains de Montagne de l'Office National des Forêts (RTM-ONF), le Cerema est l'un des trois organismes missionnés par la Direction générale de la prévention des risques pour intervenir en cas de suspicion de catastrophe naturelle associée à un mouvement de terrain. Le Cerema n'intervient pas en montagne (ces zones relevant de la compétence du RTM-ONF) ni dans le nord de la France qui est couverte par le BRGM.
Le Cerema est alors saisi par la Préfecture pour effectuer des relevés géologiques en cas de suspicion de dégâts causés par une catastrophe naturelle. Une équipe composée généralement de deux géologues se rend sur place pour caractériser les dégâts et déterminer leurs causes.
Une dégradation peut en effet avoir des causes diverses. Une chute de pierres par exemple n'est pas forcément causée par un mouvement de terrain : la dégradation naturelle d'une construction ancienne peut en effet provoquer une chute de pierres sans aucun lien avec un mouvement de terrain.
Des causes humaines peuvent aussi provoquer ou aggraver des dégradations : l'apport de remblais pour renforcer un mur par exemple peut aggraver un mouvement de terrain ou accélérer son évolution.
Les experts du Cerema tentent de définir les causes exactes des dégradations afin de caractériser la nature et les spécificités du désordre et de déterminer d’une part si le phénomène correspond à un mouvement de terrain, et d’autre part si la cause de déclenchement de ce phénomène est d’origine naturelle prépondérante. En cas de dégradation due à la fois à un phénomène naturel et à une action humaine, l'état de catastrophe naturelle ne sera établi que si l'intensité du phénomène est exceptionnelle et si la cause naturelle prédomine sur l'action anthropique.
Les experts du Cerema n’observent pas forcément l’ensemble l'ensemble des dégâts déclarés sur la commune. Si beaucoup de sinistres ont été déclarés, une enquête préalable auprès de la commune permettra de sélectionner les désordres les plus significatifs. En cas d'événement météorologique observé sur le territoire, les relevés établis par Météo France servent de support à l'expertise.
Les experts s'appuient également sur des photos (notamment des photos aériennes prises sur plusieurs périodes). Sur place, ils échangent avec les sinistrés, la population et les élus de la mairie pour déterminer les causes précises des dégradations.
Une fois cette intervention effectuée, le Cerema établit un rapport qui sera envoyé par la Préfecture à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, à même d'enclencher la procédure de déclaration d'état de catastrophe naturelle. C'est à la commission interministérielle de décider si l'état de catastrophe naturel est avéré.
Quels sont les dégâts couverts par l'état de catastrophe naturelle ?
Si un sinistre a pour origine une catastrophe naturelle, il fait l'objet d'une indemnisation à la hauteur du préjudice subi. Toutefois, seuls les biens meubles assurés sont couverts. L'effondrement d’un mur ou d'une serre survenu dans un jardin d'agrément par exemple ne peut donner lieu à une indemnisation si les dégradations ne concernent pas des biens assurés.
Dans un tel cas, il est inutile de faire valoir l'état de catastrophe naturelle. De plus, une franchise est toujours appliquée par l'assurance. Cette franchise s'élève à 380 € pour les biens personnels et à 10 % du montant des dommages avec un minimum de 1140 € pour les biens à usage professionnel. Un préjudice minime ayant peu de répercussions financières ne nécessite donc pas une déclaration de catastrophe naturelle.
A Breil-sur-Roya, plus de 50 bâtiments dégradés suite à la tempête Alex
Survenue à l'automne 2020, la tempête Alex a provoqué d'importants dégâts dans les Alpes-Maritimes. La commune de Breil-sur-Roya a été particulièrement sinistrée.
Un pont et une route ont ainsi été emportés par les eaux et d'importants mouvements de terrain ont été causés par la crue du fleuve consécutive à la tempête et aux pluies torrentielles survenues les 2 et 3 octobre 2020. Cette crue a entraîné une montée des eaux qui ont charrié divers matériaux (bois flotté, blocs, débris) et a engendré des érosions des berges. La saturation en eau des sols dans le versant a par ailleurs entraîné d'importants glissements de terrain.
La préfecture a missionné le Cerema pour qu'il émette un avis d'expert sur les mouvements de terrain observés qui ont entraîné la dégradation de plus d'une cinquantaine de bâtiments.
Trois intervenants du Cerema ont fait des relevés visuels sur les sinistres les plus importants. Ils se sont aussi appuyés sur divers documents, notamment le rapport météorologique établi par Météo France, mais aussi des documents géologiques existants, notamment le Plan de Prévention des Risques (PPR) mouvement de terrain établi en 2014 établissant qu'une partie du vieux village est construite sur des terrains gypseux. Or la dissolution du gypse accentuée par de fortes intempéries entraîne des affaissements des terrains, des modifications des circulations d'eau et peut entraîner localement des effondrements et l'apparition de fontis.
Le Cerema a réalisé des expertises de terrain en octobre 2020 et février 2021. Elles ont confirmé des mouvements de terrain consécutifs à la tempête Alex causés par des circulations importantes d'eau souterraine. Les observations réalisées sur plusieurs bâtiments expertisés ont permis de confirmer la cause exclusivement naturelle des dégradations causées par les mouvements de terrain sur la commune. Les propriétaires ayant signalé des sinistres à la mairie et à leur assurance pourront ainsi être indemnisés pour les dégâts subis.
Un mouvement de terrain peut être mortel
Le Cerema Sud-Ouest a été missionné par la Préfecture du Lot pour une intervention consécutive à la destruction d'une maison ayant entraîné le décès de son occupante, une octogénaire. La maison se trouvait dans un hameau situé sous un petit plateau des Causses quercynoises, sous une falaise, en bordure du Lot. La maison détruite était une maison ancienne, au pied d'une falaise autrefois aménagée par des habitations semi-troglodytiques comme il en existe dans cette zone.
Des pluies torrentielles ont généré des flots d'eau venant du plateau dominant la maison qui ont dégouliné en cascade le long de la falaise, emportant une partie de celle-ci constituée de terrain meuble, des blocs mais aussi la maison troglodytique à mi-pente, et terminant leur course sur la maison en contre-bas. Outre les observations sur place, les experts du Cerema ont recueilli des informations géologiques qui ont démontré des traces d'activités fréquentes depuis 1994, en particulier des coulées de boue et des chutes de pierres.