Cet article du Cerema a été initialement publié par notre partenaire TechniCités.
Développer l’exploitation des énergies renouvelables est une piste suivie par de nombreux pays pour restreindre leur dépendance aux énergies fossiles polluantes, souvent importées, et asseoir leur souveraineté énergétique. Même si la priorité est aujourd’hui donnée à l’installation d’imposants parcs éoliens en mer offshore, l’exploitation des énergies marines renouvelables (EMR) telles que les énergies marémotrice, houlomotrice et hydrolienne, peut contribuer à un mix énergétique tout en contrecarrant le caractère intermittent de ces énergies naturelles.
Le développement de systèmes houlomoteurs dédiés à convertir l’énergie des vagues en énergie électrique est ancien puisque le premier brevet connu fut déposé à Paris à la fin du XVIIIe siècle. Néanmoins, en dépit de nombreuses innovations et d’expérimentations de prototypes à la mer, la filière houlomotrice reste encore aujourd’hui dans une phase délicate marquée par l’échec de nombreux projets offshore et le désengagement de grands industriels.
Elle reste cependant encore active avec un regain d’intérêt pour des systèmes dits bord à quai privilégiant une exploitation à proximité des infrastructures littorales et portuaires. Dans ces environnements moins drastiques, bien que la ressource énergétique soit globalement plus faible qu’au large, elle est susceptible de bénéficier d’effets locaux tels que la réflexion des vagues sur les infrastructures ou un étalement directionnel des vagues réduit. S’ajoutent d’autres avantages tels que l’accessibilité ou la satisfaction de besoins spécifiques.
Nous proposons ici une rapide revue dédiée aux systèmes bord à quai et à des travaux de R&D actuellement mis en œuvre pour soutenir le développement de la filière houlomotrice.
Dispositifs houlomoteurs bord à quai
Les dispositifs houlomoteurs bord à quai convertissent l’énergie potentielle ou cinétique des vagues en énergie électrique le long des ouvrages maritimes. L’implantation de ces dispositifs répond à la volonté des ports de développer avantageusement un mix énergétique local composé principalement du solaire. La production électrique locale permet d’alimenter les navires à quai et ainsi de supprimer leurs moyens de production polluants.
D’autres débouchés existent également en milieu insulaire déconnecté du réseau électrique continental ou dans des espaces naturels protégés.
Les dispositifs bord à quai présentent de nombreux avantages par rapport aux systèmes offshore. Bien que la ressource soit plus faible à la côte qu’au large (20 kW.m-1 au maximum contre 50 kW.m-1), la récupération de l’énergie bord à quai bénéficie ainsi de la réflexion des vagues sur l’infrastructure, voire d’un étalement directionnel réduit. Au-delà d’une accessibilité et d’une maintenance facilitées, les systèmes bord à quai peuvent également être positionnés assez facilement en situation de survie, voire retirés en période de tempête, pour limiter les risques d’endommagements. Les coûts d’entretien, de maintenance et surtout de raccordement au réseau, sont largement moindres bord à quai qu’offshore.
En termes de réalisation, ces dispositifs peuvent être implantés au sein d’ouvrages existants ou incorporés à des ouvrages neufs. Dans le cas d’un ouvrage neuf, le coût du dispositif houlomoteur est estimé comme marginal par rapport à un ouvrage classique qui ne récupère pas l’énergie.
Une connaissance affinée de la ressource énergétique est fondamentale au dimensionnement des dispositifs houlomoteurs qui doivent, d’une part, résister aux assauts des vagues et, d’autre part, atteindre une production électrique optimisée. Il faut cependant distinguer la ressource disponible telle qu’elle se présente en environnement marin de la ressource théoriquement exploitable par un dispositif houlomoteur donné.
La ressource disponible est estimée par des simulations numériques intégrant les processus physiques de transformation des vagues au cours de leur propagation du large à la côte. Couplées à des simulations grande échelle, des simulations à petite échelle sont mises en œuvre dans le champ proche des infrastructures pour calculer les effets de la réflexion des vagues sur la ressource disponible (lire l’encadré ci-dessous).
La ressource théoriquement exploitable est, quant à elle, évaluée en couplant les prédictions des états de mer avec les matrices ou abaques de puissance des dispositifs houlomoteurs établies par les concepteurs
et les industriels. Il en ressort une estimation de la production électrique dépendant de la technologie considérée.
Variabilité temporelle, saisonnière à interannuelle
Les performances des dispositifs présentent cependant une variabilité temporelle, saisonnière à interannuelle, associée au climat de vagues. Un dispositif peut ainsi avoir de bonnes performances moyennes, mais être principalement adapté à des conditions énergétiques hivernales.
Au-delà du facteur de charge équivalant au temps de fonctionnement à pleine puissance du dispositif, différents indicateurs sont ainsi proposés pour approcher les variabilités de la production électrique aux échelles saisonnières et interannuelles (Guillou et al., 2020).
Il faut enfin rappeler que l’énergie des vagues évoluera avec le changement climatique. Bien que présentant de fortes incertitudes, les prédictions mettent en avant une tendance à une légère baisse en Atlantique et Manche. Le changement climatique va aussi entraîner une remontée du niveau de la mer avec un déferlement bathymétrique amoindri et des vagues plus fortes devant les ouvrages. Si on peut s’attendre à une légère baisse de l’énergie des vagues au large, celle-ci est en revanche susceptible d’augmenter au droit des infrastructures littorales (Sergent et al., 2014).
Bien qu’il existe une grande diversité de systèmes houlomoteurs, on peut classer la plupart d’entre eux en quatre familles principales, intégrant une version du système détachée de l’ouvrage, souvent flottante, et une version bord à quai (voir le tableau).
On trouve ainsi différents dispositifs :
Étude de cas : les ports bretons
Sollicité par la région Bretagne, le Cerema a tout récemment mené, en coopération avec France Énergies marines, une étude dédiée à l’adaptabilité de différentes technologies de récupération de l’énergie des vagues au niveau des ports bretons. Disposant d’une forte exposition aux vagues en provenance de l’Atlantique et d’un ensemble d’infrastructures au niveau de son littoral, la région Bretagne bénéficie ainsi de conditions environnementales propices au développement d’une nouvelle filière houlomotrice bord à quai (lire l’encadré ci-dessus).
Dans le cadre de cette étude, les performances de quatre concepts houlomoteurs incluant les flotteurs et batteurs bord à quai et détachés de l’ouvrage (section 3) ont été évaluées et analysées au niveau des vingt et un sites portuaires identifiés par la région Bretagne et s’étendant de la partie septentrionale du Finistère à l’extrémité orientale du Morbihan.
Une méthode analytique simplifiée a été utilisée pour propager jusqu’à la côte les états de mer du large issus de la base de données de rejeu d’états de mer sur la zone Manche-Golfe de Gascogne Homere (1994-2016) mise en place par Ifremer, et ainsi obtenir une première évaluation de l’exposition des différents ports sur une période de vingt-six ans. Les incertitudes potentielles associées à ces estimations ont été examinées plus en détail par le Cerema au niveau du site pilote du port de Roscoff-Bloscon (Finistère Nord) en confrontant les prédictions de modélisations numériques avancées à des mesures de vagues (Guillou et al., 2022).
Globalement, cette étude a permis de mettre en évidence les performances accrues des dispositifs situés à proximité immédiate des infrastructures par rapport à ceux plus éloignés.
La comparaison entre les différents sites a également souligné le plus fort potentiel des sites finistériens par rapport aux sites morbihannais. Des performances notables sont également obtenues sur les sites portuaires insulaires montrant l’intérêt potentiel d’exploiter des ressources locales au niveau de ces territoires déconnectés du réseau électrique continental. Ce premier classement doit naturellement être consolidé en généralisant à l’ensemble des sites l’approche avancée suivie sur le site pilote de Roscoff-Bloscon. |