Cet article du Cerema a été publié initialement par notre partenaire TechniCités.
Selon les données du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, en France, en 2018, avec un total de 240 millions de tonnes, le secteur de la construction a généré 72 % en masse de l’ensemble des déchets (1). Les déchets inertes représentent à eux seuls 92 % des déchets de construction (CERC, 2018).
Les matériaux et déchets inertes issus des projets de construction ou d’aménagement sont réemployés directement sur le chantier, réutilisés sur un autre chantier, transformés en ressources dans des installations de recyclage pour être réintroduits sur le marché des matériaux de la construction ou mis en stockage définitif.
Développer des filières locales de gestion des déchets inertes du BTP
Selon l’Union nationale des producteurs de granulats (UNPG), en 2019, 28,1 millions de tonnes de ces déchets inertes ont été recyclés via les installations de recyclage. Ils peuvent être valorisés. De par leur rôle en matière d’urbanisme, d’aménagement du territoire, de maîtrise d’ouvrage de travaux et de police, les élus peuvent en faciliter la mise en place.
Pour répondre aux besoins des citoyens et des entreprises en matière de prévention et de gestion des déchets, des filières locales se développent. Au plus proche des chantiers, ces filières locales permettent de :
- préserver les ressources naturelles : les matériaux générés sont utilisés sur le chantier (réemploi), dirigés vers d’autres chantiers ou vers des installations de recyclage pour un nouvel usage local ;
- réduire les émissions de CO2, en diminuant le transport ;
- créer des emplois non délocalisables.
L’économie circulaire dans l’urbanisme du territoire
En tant qu’autorité compétente en matière d’urbanisme, les élus participent à la mise en place des documents de planification, tels que le plan local d’urbanisme (PLU) ou le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) et le schéma de cohérence territoriale (Scot). Ils sont également en charge des permis d’aménager ou de construire.
La connaissance du territoire est la première étape pour intégrer les principes de l’économie circulaire. Il s’agit de quantifier les flux de matériaux et de déchets inertes, les besoins en matériaux de construction et d’anticiper leurs évolutions en fonction du développement démographique.
Pour cela, les élus peuvent s’appuyer sur :
- les services dédiés à la délivrance des permis de construire et d’aménager pour anticiper les futurs travaux ;
- les documents de planification régionaux : le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) du BTP et le schéma régional des carrières (SRC) ;
- les fédérations et syndicats locaux du BTP afin de connaître les besoins et attentes des professionnels.
En complément, une étude spécifique peut être confiée à un prestataire. Un état des lieux du territoire est ainsi établi. Il permet d’identifier les zones à conserver ou à aménager pour prévenir et gérer les déchets inertes. Celles-ci sont inscrites dans les orientations des Scot et déclinées dans les PLU ou PLUi. Le zonage des PLU ou PLUi conditionnera alors une occupation de sol à la nécessité de prévoir des aménagements pour la collecte et le traitement des déchets (2).
Il est également possible de préconiser l’utilisation de matériaux locaux issus du réemploi ou de la valorisation. Cependant, le choix des matériaux n’étant pas régi par les règles d’urbanisme, la délivrance du permis de construire ou d’aménager ne pourra être refusée sur ce critère. L’élu peut informer ses citoyens et aménageurs sur l’emploi de matériaux locaux issus du réemploi et du recyclage, notamment via le bulletin municipal ou intercommunal ou lors de réunions publiques.
Une organisation du territoire tournée vers l’économie circulaire
L’animation de réseaux d’acteurs industriels peut être portée par les collectivités, notamment au travers des démarches d’écologie industrielle et territoriale (EIT) pour lesquelles :
- les déchets des uns deviennent une ressource pour les autres ;
- une mutualisation des espaces permet un meilleur tri et une optimisation de la valorisation.
Selon l’Ademe (3), en 2019, ces démarches d’EIT sont portées pour 22 % par les collectivités. Pour ce faire, bles élus peuvent organiser des ateliers ou des séminaires afin de mettre en relation les acteurs locaux. Ils peuvent également mettre à disposition des moyens humains ou de communication. Afin d’accompagner les entreprises, les élus ont un rôle de facilitateur d’accès au foncier. Les principaux leviers d’actions sont :
- les autorisations d’occupation temporaire des terrains du domaine public, par exemple en autorisant temporairement une zone de réemploi à proximité d’un chantier de démolition ;
- l’attribution d’aides au développement d’installation d’offres privées de déchèteries professionnelles.
Il peut aussi être étudié une utilisation élargie des équipements publics, notamment en ouvrant les déchèteries publiques aux professionnels. En tant que maître d’ouvrage de travaux, les élus peuvent engager une économie circulaire de leurs projets en intégrant la prévention, la gestion des déchets inertes ainsi que l’utilisation de matériaux issus du réemploi, d’un autre chantier ou d’une installation de recyclage. Pour cela, trois étapes sont nécessaires :
1. Anticipation
Un diagnostic prévisionnel est réalisé à l’amont des projets de bâtiment ou de travaux publics. Ce diagnostic contient :
- les natures et quantités des matériaux et déchets générés sur le chantier ;
- les possibilités de réemploi ;
- les solutions de gestion des excédents de chantier ;
- l’identification des filières de valorisation des déchets inertes.
La maîtrise d’ouvrage définit ainsi la politique économie circulaire du projet, des ambitions de réemploi et de valorisation des déchets inertes. Le diagnostic est intégré aux pièces de marché.
2. Rédaction des marchés
Les engagements d’économie circulaire de la maîtrise d’ouvrage sont intégrés dans les marchés de maîtrise d’oeuvre et de travaux au travers de clauses spécifiques qui :
- imposent un tri sept flux (4) pour les projets disposant d’une surface de stockage supérieure à 40 m², ou d’un volume de déchets supérieur à 10 m3 ;
- fixent une traçabilité de l’ensemble des matériaux et déchets inertes.
Pour les projets dans le secteur du bâtiment, les prescriptions réglementaires liées à la nouvelle responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment seront à prendre en compte début 2023.
Les déchets inertes devront être triés pour prétendre à une reprise sans frais.
3. Organisation du chantier
La maîtrise d’ouvrage devra s’assurer de la bonne exécution des clauses d’économie circulaire en phase travaux. De plus, elle pourra réaliser une capitalisation de sa politique économie circulaire afin :
- d’améliorer la connaissance des quantités et des qualités des matériaux et déchets ;
- de recenser les filières de gestion des déchets inertes sur le territoire ;
- d’estimer les moyens humains et financiers pour les projets ;
- d’anticiper les futurs travaux.
Le label 2EC est un outil d’accompagnement des maîtrises d’ouvrage qui permet de vérifier aux trois étapes la bonne mise en oeuvre de l’économie circulaire. Porté par le ministère en charge de l’Écologie et piloté par le Cerema, il amène les porteurs de projets à libérer, dans les territoires, les potentiels d’économie circulaire. Les porteurs de projets peuvent ainsi revendiquer leur démarche responsable (www.label-2ec.fr).
Dépôts sauvages
Les dépôts sauvages résultent de l’abandon de déchets dans des zones non autorisées. Le coût pour les collectivités est estimé entre 340 et 420 millions d’euros/an, selon l’Association des maires de France. En tant que garant de la salubrité publique, l’élu a la responsabilité de les résorber.
Les principales étapes sont :
1. Recenser des dépôts
Des outils de signalement permettant l’identification des dépôts peuvent être mis en place, par exemple plateformes internet ou téléphoniques. Des actions de communication peuvent informer les citoyens des outils existants.
Suite à l’identification d’un dépôt, un constat est réalisé par un agent de la collectivité habilité et assermenté.
2. Résorber le dépôt
Dans un premier temps, il faut tenter de solutionner le dépôt à l’amiable avec le responsable, ou, à défaut, le propriétaire du terrain. Il faut aussi éviter que le dépôt sauvage attire d’autres dépôts, par exemple en posant des rubalises, des blocs béton ou des panneaux indicatifs. S’il n’est pas possible de trouver un accord, les procédures administratives et pénales peuvent être déclenchées.
3. Pérenniser la réhabilitation du dépôt
Pour chaque dépôt, les informations sur la localisation, la récurrence, la nature des matériaux du dépôt, peuvent être recueillies pour en comprendre les causes. Des solutions adaptées au contexte et aux problématiques identifiées peuvent être proposées comme la modification des horaires d’ouverture d’une déchèterie, la sensibilisation des acteurs aux conséquences des dépôts et l’implantation de nouvelles installations de collecte et de traitement des déchets inertes.
Ainsi, les collectivités peuvent mettre en oeuvre une économie circulaire dans leur territoire pour prévenir et gérer au mieux les déchets inertes.
Par Agathe Denot et Julie Paciello, cheffes de projet Economie circulaire, Cerema