Le Forum Européen de l'Economie Circulaire organisé les 23 et 24 juin a permis de présenter des démarches d'économie circulaire dans de nombreux domaines: bâtiment, agriculture, question du plastique, des équipements électriques, économie circulaire dans les territoires, valorisation énergétique...
Deux spécialistes du Cerema, très présent sur ces thématiques notamment à travers son implication dans le label 2EC pour réduire et valoriser les déchets du BTP, sont intervenus sur l'impact de la commande publique dans la dynamique d'économie circulaire, et pour présenter un guide à paraître sur la gestion des matériaux issus de la déconstruction des friches.
rôle de la commande publique dans la construction et l’aménagement en faveur de l’économie circulaire des matériaux du BTP
Cette intervention d'Agathe Denot, responsable d'études Économie Circulaire et Préservation des Ressources au Cerema, a permis de présenter les dispositions qui permettent aux donneurs d’ordre publics de favoriser l’économie circulaire dans les projets d’aménagement et de construction. Aujourd’hui, la part des granulats recyclés dans le BTP reste limitée : moins de 10% de la production de granulats en 2018 selon l’UNICEM.
Afin de diminuer la consommation de matières premières, la réduction des déchets et le recyclage des matériaux sont encouragés par les politiques publiques : la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015 définit l’économie circulaire et introduit de nouvelles règles en matière de prévention et gestion des déchets, et la loi anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC) de 2020 complète le dispositif.
Ainsi, tous les acteurs de l’acte de construire sont concernés, et les donneurs d’ordre peuvent développer les démarches d’économie circulaire. A travers la commande publique, ils jouent un rôle pour impulser cette démarche dans les projets de construction et d’aménagement.
Le donneur d’ordre est en effet le premier maillon de la mise en place d’une économie circulaire dans ses chantiers : lors de travaux de terrassement, de déconstruction ou rénovation de bâtiments ou d’infrastructures, des déchets peuvent être générés. Egalement, des matériaux sont nécessaires pour construire et aménager le territoire.
Au travers son chantier, le donneur d’ordre, responsable des déchets qu’il va générer, peut poser des exigences en matière de prévention et gestion des déchets et d’utilisation de matériaux issus de la réutilisation (principalement des biens ou matériaux d’un autre chantier) et du recyclage (principalement des matériaux issus d’une installation de recyclage).
Pour fixer les objectifs inscrits dans les marchés publics, les donneurs d’ordre s’appuient sur des exigences règlementaires :
- Les travaux doivent, en priorité, prévenir la production des déchets.
- Les déchets doivent être dirigés vers des filières locales de réutilisation ou de recyclage.
Une réflexion doit être également menée sur les matériaux nécessaires pour la construction ou l’aménagement. Dans ce cadre, la réglementation fixe, pour les chantiers de construction ou d’entretien routier, une part minimale d’incorporation de matériaux issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage de déchets.
Pour faciliter les propositions de matériaux issus de la réutilisation et du recyclage, l’obligation ou la possibilité de proposition de variante peut être inscrite dans les marchés. Egalement, le besoin en matériaux ou produits peut être inscrit en terme de performance et non de typologie ou de provenance.
Par ses éléments de connaissance à l’amont des travaux, le commanditaire peut détailler la politique qu’il souhaite mener pour le chantier sans restreindre la mise en concurrence.
Il s’agit notamment de définir les objectifs de réemploi, de réutilisation et de recyclage. Pour atteindre ses objectifs, les marchés doivent intégrer les éléments concernant :
- L’organisation du chantier (déconstruction sélective, tri, type de traitement, stockage temporaire, etc.).
- Les priorités données au réemploi, réutilisation et recyclage.
- Les contrôles des performances des matériaux de réemploi, des déchets sortants, des matériaux entrants issus du recyclage.
- La traçabilité des déchets et matériaux issus du réemploi, réutilisation et recyclage.
Le type de marché retenu peut également être un facilitateur à la mise en place d’une économie circulaire. Des procédures spécifiques peuvent simplifier les démarches et permettre la négociation. Notamment, des marchés expérimentaux peuvent être rédigés pour tester le réemploi ou l’utilisation de matériaux alternatifs en faisant appel à des propositions innovantes des entreprises.
Les ressources minérales issues de la réhabilitation des friches au service de l’économie circulaire du BTP
La seconde intervention par Aymeric Perrin, chargé d'études en économie circulaire, visait à présenter le guide du Cerema à paraître "Optimiser la gestion des ressources minérales issues de la réhabilitation des friches". Réalisé en partenariat avec le cluster INDURA dans le cadre du programme IDfriches, il paraîtra à l'automne.
Dans un contexte où l’on cherche à réduire l’artificialisation des sols, les friches constituent un réservoir foncier que les collectivités sont amenées à réhabiliter, mais qui nécessitent souvent d’importants travaux de déconstruction et qui génèrent une production de déchets minéraux, dont elles ont la responsabilité.
La loi impose désormais de réduire au maximum l’utilisation de matières premières et de valoriser 70% des déchets issus du BTP. L’objectif est d’utiliser :
- en priorité des ressources issues du recyclage ou de sources renouvelables,
- puis des ressources recyclables,
- et enfin de prendre en compte l’analyse du cycle de vie (évaluation de l’impact environnemental des matériaux sur l’ensemble de leur durée de vie) des autres types de ressources.
Le guide traite en particulier des bétons, des enrobés bitumineux, des terres excavées, des laines minérales, du verre plat, du plâtre et des produits en terre cuite. Il est possible de réutiliser une partie de ces matériaux en intégrant l’économie circulaire dans les opérations de déconstruction et de reconstruction des friches.
Le guide a pour objectif d’accompagner l’évolution des pratiques en la matière : il présente aux maîtres d’ouvrage la démarche à suivre lors des études préalables à la réhabilitation d’une friche, afin de promouvoir l’économie circulaire des ressources minérales.
Le maître d’ouvrage implémente la démarche d’économie circulaire dès la phase de préparation du chantier avec la réalisation d’un diagnostic des ressources disponibles : Quels sont les domaines de réemploi des différents matériaux ? Quelles sont les solutions de recyclage ou de valorisation ? Quels sont les acteurs de proximité ? Quelles études complémentaires sont nécessaires à leur valorisation ?
Le diagnostic des ressources permet d’anticiper en amont les solutions de réemploi, recyclage ou valorisation, et d’identifier les acteurs, ainsi que les utilisateurs de matériaux valorisés.
Le rôle du maître d’ouvrage dans la gestion du chantier est également important : le chantier doit par exemple être planifié en suivant différentes étapes de déconstruction, en prévoyant des zones de stockage ou l’installation d’unités de traitement mobiles.
Le maître d’ouvrage intègre aussi les critères d’économie circulaire dans les marchés pour différents lots. En tant que producteur de déchets, il en est responsable jusqu’à leur élimination ou valorisation finale (registre de suivi des déchets, traçabilité, tri à la source, respect de normes de traitement…)
Le guide comprend 4 parties et apporte un éclairage sur :
- Le cadre réglementaire, notamment les obligations liées à la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015, à la loi anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC) de 2020 et au code de l’environnement.
- Les responsabilités des maîtres d’ouvrage, qui sont les producteurs des déchets, et qui jouent un rôle essentiel dans la mise en place d’une démarche d’économie circulaire.
- Les ressources minérales, au moyen de fiches opérationnelles qui précisent notamment leur localisation sur la friche, les possibilités de réemploi, ainsi que les filières de recyclage.
- Le coût de gestion des ressources minérales, permettant d’évaluer l’impact financier des traitements à faire sur site ou dans des installations dédiées.