14 avril 2025
Camion Aige 3D pour ausculter les chaussées
Cerema
La Conférence technique territoriale organisée au Département de l’Eure le 4 mars 2025, organisé en partenariat avec la Fédération Régionale des Travaux Publics (FRTP) Normandie et le Département de l’Eure, a permis d’échanger sur les avancées et défis liés à l’auscultation et la gestion patrimoniale des infrastructures routières.
La matinée a été structurée autour de trois tables rondes, chacune consacrée à une thématique spécifique : les outils d’auscultation des infrastructures et l’apport de l’IA, la gestion patrimoniale des infrastructures routières et la gestion des données routières.

Ouverte par les interventions  de Thierry Plouvier, vice-président aux mobilités et aux infrastructures routières du département de l’Eure et de Frédéric Ledru, président de Routes-de-France Normandie, cette journée a rassemblé plus de 100 participants, parmi lesquels des représentants des collectivités, de l’État, des bureaux d’études et des entreprises de travaux publics. 

 

Les outils d’auscultation et l’apport de l’IA

Conférence technique du 4 mars 2025

Par Franck TALBAUT du Cerema Normandie-Centre, Thibaut NOEL du Cerema Risques, Eaux et Mer, Frédéric SAGNIER de COLAS Infracare et Marc DESTHIEUX de VIAPIX.

 

Les outils pour l'auscultation des réseaux routiers

Le Cerema a développé des méthodes pour l’auscultation et la gestion des réseaux routiers à différentes échelles. Des outils qui permettent aux gestionnaires d’anticiper et de planifier les opérations d’entretien. Le Cerema se positionne pour répondre à trois enjeux importants liés à l’entretien des routes :

  • Disposer d’outils adaptés à la typologie des réseaux à ausculter – pour certains à grands rendements et bien adaptés aux réseaux structurants, ,
  • Disposer de méthodes efficaces pour optimiser la gestion du patrimoine routier
  • Proposer des techniques d’entretien résilientes et à l’empreinte carbone limitée.

Lors de cette première table ronde dédiée aux outils d’auscultation, les experts du Cerema ont présenté plusieurs technologies permettant d’évaluer l’état des infrastructures pour qualifier les dégradations routières, la structure, la portance, l’adhérence ou encore la qualité des marquages :

  • Relevés de dégradation : l’Aigle3D (équipé des capteurs laser LCMS) permet de cartographier la surface de la chaussée. Intégrant des processus d’intelligence artificielle, des outils de calculs exploitent cette cartographie pour déterminer la qualité de l’uni surfacique (UNI3D®), ainsi que quantifier les désordres de surface (fissuration, départs de matériaux, …)

  • Les déflexions : le Tigre3D, permet la mesure de la déflexion de la chaussée dans le flot de la circulation (entre 20 et 90km/h). Ce matériel supprime quasi complétement les contraintes d’exploitation liées aux mesures. Les mesures sont réalisées grâce à des capteurs laser qui mesurent la déformation surfacique de la chaussée. 

  • Les structures de chaussées : le radar impulsionnel et le radar 3D à saut de fréquence, capable de cartographier la structure interne des chaussées pour détecter des éventuels désordres non visibles en surface.

  • Mesure de l’adhérence : 

    • Le Rugolaser et la Rugobox utilisés pour des mesures continues de la macrotexture et permettant d’évaluer le risque d’aquaplaning en mesurant la profondeur de texture. 
      Le SCRIM (Sideways-force Coefficient Routine Investigation Machine) qui mesure en continu la résistance au dérapage grâce à une roue libre inclinée de 20° par rapport à l’axe d’avancement​. 
      Le Griptester qui est un outil portable permettant une mesure ponctuelle de la microtexture en simulant les conditions de freinage​.
  • Uni longitudinal : 

    • L’Analyseur de Profil en Long (APL) qui mesure la régularité du profil de la chaussée dans les deux bandes de roulement, permettant une évaluation du confort et de la sécurité des usagers.
    • Le système Miranda à base de smartphone qui mesure la régularité du profil de la chaussée à partir des signaux d’un accéléromètre et d’un GPS.
  • Qualité des marquages routiers : l’ECODYN qui permet une mesure en continu de la visibilité des marquages routiers (rétro-réflexion,), et génère automatiquement une cartographie des résultats

Ces outils permettent d’optimiser la maintenance préventive des infrastructures, réduisant ainsi les coûts d’entretien tout en garantissant la sécurité des usagers.

Pour plus d’informations :           >> DTRF

 

L'intelligence artificielle pour diagnostiquer les infrastructures

Camion Aigle 3D du Cerema

Le deuxième temps de cette table ronde a été consacré à l’intelligence artificielle appliquée au diagnostic des infrastructures. Grâce à des algorithmes avancés, l’IA permet d’automatiser l’identification des dégradations de chaussée et d’aider à la prise de décisions des gestionnaires de voirie.

Les interventions du Comité Audit et Diagnostic de Routes de France ont mis en lumière les avantages de l’IA pour :

  • Automatiser la détection des fissures, ornières et nids-de-poule à partir d’images, en utilisant des modèles d’apprentissage automatique entraînés sur des milliers de cas réels​.
  • Améliorer la précision des évaluations grâce à la reconnaissance d’images et à l’analyse géospatiale des infrastructures.
  • Générer des cartographies prédictives des zones à risque, facilitant ainsi l’entretien préventif et la planification des interventions.

En complément, la société Viapix, spécialisée dans les solutions d’auscultation routière par IA, est également intervenue. Viapix développe des solutions matérielles et logicielles capables de réaliser un inventaire complet des infrastructures, de classifier automatiquement les dégradations et de produire des indicateurs métiers en temps réel. Cette intervention a permis de présenter leurs dernières avancées technologiques en matière de traitement automatique des données d’auscultation.

D’autres solutions sont aujourd’hui disponibles sur le marché. Il n’a pas été possible lors de la journée d’en présenter une liste exhaustive. 

En conclusion, au-delà des solutions présentées et de la panoplie d’outils existants, il est important que le gestionnaire se questionne sur les méthodologies utilisées dans ces outils pour la production des indicateurs, l’enjeu étant à terme pour le Cerema de proposer une labellisation de ces différents outils. 

 

La gestion patrimoniale des infrastructures routières

Par Nicolas SOULACROIX et Guillaume RAJON du Cerema Normandie-Centre, Stéphane THERET du comité départemental 27, Jean-Marc MARTIN de l’Université Gustave Eiffel, Jean-Marie DECK de LOGIROAD, Max RONGRAIS de la Communauté de communes du Pays de Conches.

 

Les outils méthodologiques

Camion Scrim du Cerema

Au-delà de l’auscultation, la gestion patrimoniale des infrastructures routières a été au cœur des échanges lors de cette deuxième table ronde. Les discussions ont permis d’aborder les référentiels techniques, les stratégies de gestion de l’entretien des réseaux départementaux et des retours d’expérience concrets issus de la gestion patrimoniale à l’échelle locale.

Le Cerema a d’abord présenté les principaux référentiels techniques utilisés dans la gestion patrimoniale des infrastructures routières :

  • Référentiels historiques : les méthodes LPC telles que celle relative aux relevés de dégradations de surface de chaussées (ME 38-2 de 1997) restent des références dans le secteur. Une refonte, proposée dans le cadre du projet national Durée de Vie des Chaussées (PN DVDC), est en cours de validation. L’IQRN (Indice de Qualité du Réseau National), développé au début des années 90, a longtemps été la méthode de référence pour le réseau routier national et sur certains réseaux départementaux. ​.
  • Référentiels récents : les guides publiés entre 2018 et 2022 (IDRRIM – Guide pour l'audit et le diagnostic d'un patrimoine d'infrastructures routières et guides GEPUR) proposent une approche structurée de la gestion patrimoniale, en intégrant une ouverture vers la gestion des ouvrages d’art et une meilleure interopérabilité avec les logiciels SIG​.

Ensuite, quatre projets de recherche et développement ont été présentés :

  • GERESE : gestion intégrée des réseaux secondaires départementaux, avec création d’indicateurs d’état et proposition de programmes de travaux sur l’ensemble de l’infrastructure.
  • GRD : gestion des chaussées des réseaux structurants départementaux, à partir de relevés Aigle 3D (LCMS), avec un scan complet de la surface de la chaussée, la création d’indicateurs d’état et de programmation.
  • IQRN 3D : méthode appliquée au réseau routier national non concédé, basée sur l’Aigle3D et le SCRIM, fournissant des indicateurs d’état et de programmation.
  • GeVoC : projet en cours pour la gestion des voiries communales.

Enfin, deux autres projets complémentaires ont été exposés :

  • GIPCY : méthode pour la gestion des pistes cyclables, en utilisant le DIAGVELO (méthode d’auscultation spécifique pour les pistes cyclables). Ce projet a démarré récemment.
  • DVDC : programme de recherche aujourd’hui terminé, sur l’évaluation de la durée de vie résiduelle des chaussées, avec notamment des essais croisés sur les outils de relevés de dégradations LCMS. 

La présentation :

Quels besoins des collectivités ?

Dans un second temps, la gestion de l’entretien des réseaux départementaux a été abordée sous l’angle des besoins propres aux collectivités

Le Département de l’Eure (CD27) a ainsi partagé son retour d’expérience sur la gestion des infrastructures, en insistant sur la nécessité d’optimiser la maintenance tout en maîtrisant les coûts. Les principales difficultés évoquées par le Département portent sur la nécessité d’avoir une vision consolidée et actualisée de l’état de ses infrastructures, pour mieux prioriser les interventions. Le CD27 cherche à renforcer la performance de ses interventions en améliorant la collecte et l’analyse des données, afin de mieux anticiper les besoins de maintenance et de limiter les coûts à long terme​.

L’Université Gustave Eiffel, quant à elle, a présenté le programme REPAR, visant l’évaluation de l’efficacité des techniques de réparation en fonction des matériaux utilisés et des contraintes environnementales, avec un suivi de la performance dans le temps​.

Pour compléter, la société Logiroad a présenté la plateforme "Logiroad Center", qui centralise les données d’auscultation et de gestion patrimoniale. Cette solution permet une planification pluriannuelle des travaux en intégrant les coûts, l’impact environnemental et l’état des infrastructures. Grâce à des modèles de simulation et d’analyse de données, Logiroad aide les gestionnaires à optimiser les interventions, à hiérarchiser les besoins et à suivre l’évolution du réseau. L’intégration de la solution avec les systèmes d’information géographique (SIG) facilite la prise de décision et le suivi des travaux.

Pour conclure cette séquence, un retour d’expérience sur la gestion du réseau routier communal a été présenté en trois points par le Cerema et la Communauté de communes du Pays de Conches :

  • L’analyse de l’état du réseau : l’étude s’appuie sur une auscultation visuelle et une acquisition de données par GPS pour évaluer l’état général des chaussées (bon, moyen, mauvais) ​.
  • La priorisation des travaux : les interventions sont hiérarchisées en fonction de l’état du réseau et des enjeux locaux (transport en commun, sécurité) ​.
  • L’estimation des coûts : la méthode permet une estimation détaillée des coûts par section, avec une prise en compte des surfaces à traiter, de la signalisation et du mobilier urbain.

 

Ainsi, l’ensemble des présentations réalisées montre que les gestionnaires disposent aujourd’hui d’un panel de méthodologies et d’outils de gestion de leurs infrastructures routières. 

Face à cette offre, et afin de répondre au mieux aux enjeux de chaque territoire, le Cerema a ainsi développé des méthodes adaptées au enjeux de chaque réseau : IQRN3D pour le réseau routier national, GRD pour le réseau routier structurant des départements et GeVoC pour la voirie communale.  

 

La gestion des données routières

Par Gaëtan DELOIGNON du Cerema Normandie-Centre, Marion SCABELLO – Direction Interdépartementale des Routes Nord-Ouest et Laetitia BANDRY-TRIGO de NETISYS.

La gestion des données routières a été au cœur des échanges lors de cette troisième et dernière table ronde. Les interventions ont mis en lumière le rôle stratégique des données dans la planification, la maintenance et l’optimisation des infrastructures routières.

Le Cerema a présenté les différentes étapes du cycle de vie des données routières : la collecte, le stockage, l’analyse et la restitution. Les bases de données issues des équipements d’auscultation (Aigle3D, APL, Ecodyn3…) sont consolidées dans un système d’information géographique (SIG) pour une visualisation et une analyse. Cette approche combine des données issues de matériels d’auscultation, de référentiels open source (BD Topo, BD PR) et de bases clients (SIR). L’intégration de ces référentiels permet de générer des cartographies d’état du réseau et de modéliser des scénarios d’intervention, facilitant la maintenance préventive et la prise de décisions.

À ce sujet, la Direction Interdépartementale des Routes Nord-Ouest (DIRNO) a partagé son retour d’expérience sur la gestion du réseau routier via son système SIG, qui couvre 1070 km de réseau sur quatre régions. La DIRNO s’appuie sur une infrastructure informatique intégrée à des outils de cartographie (QGIS), permettant une gestion centralisée des infrastructures (ouvrages d’art, chaussées, assainissement). Ce dispositif permet de modéliser l’état du réseau, de hiérarchiser les priorités d’intervention et de planifier les travaux. Le système intègre également un dispositif d’alerte pour le suivi des zones accidentogènes et des espèces protégées, renforçant la réactivité des équipes.

Enfin, NETISYS, un fournisseur de solutions technologiques a présenté une plateforme facilitant la centralisation et l’analyse des données issues de diverses sources (relevés d’auscultation, trafic). Cette solution permet de générer des rapports automatisés, de suivre la performance des interventions et d’anticiper les besoins de maintenance grâce à une modélisation prédictive. L’intégration avec les systèmes SIG améliore la précision des interventions et la gestion des priorités.

 

La gestion des données constitue un enjeu majeur pour les gestionnaires de réseaux routiers. Si aujourd’hui les matériels de mesure permettent une description détaillée des infrastructures routières, la masse de données produites impose une organisation et des outils performants pour produire les indicateurs, les analyser (croisement, agrégation, sectionnement…) et les visualiser. Malgré les solutions proposées, l’absence de standards rend par ailleurs difficile l’interopérabilité des outils. 

Un nouveau défi auquel le Cerema devra faire face ces prochaines années !

 

Les mots de conclusion de cette journée ont été prononcés par Sylvain THULEAU – Directeur du département Géosciences et Infrastructures du Cerema Normandie-Centre et par Julien ARPAIA – Directeur de la mobilité du Département de l’Eure.