
Un béton routier qui favorise l’économie circulaire
Sur sa plateforme normande, Solvalor valorise des terres d’excavation issues principalement de la région parisienne. Grâce à un procédé de lavage, celles-ci sont transformées en trois fractions granulaires (sable, gravier et fines), qui servent de base à la composition du BCR Gigaterre. Associé à un ciment bas carbone, ce mélange forme un béton compacté au rouleau, mis en œuvre à l’aide de techniques similaires à celles des enrobés routiers.
Le choix de ce matériau s’inscrit dans une démarche environnementale forte, en phase avec l’essence même du Cerema : limiter les émissions de CO₂, favoriser l’économie circulaire, lutter contre les îlots de chaleur tout en conservant des performances mécaniques adaptées à des usages intensifs. Des essais en laboratoire ont permis de valider ces performances, mais seule une expérimentation en conditions réelles pouvait apporter des garanties supplémentaires.
Une mobilisation sur le terrain pour comprendre le comportement du Béton Compacté Routier (BCR)
Le projet a mobilisé sur le terrain les compétences du Centre d’Expérimentation et de Recherche (CER) du Cerema Normandie-Centre, spécialisé dans l’étude du comportement d’infrastructures de transport. L’équipe a assuré l’instrumentation de la chaussée : installation de capteurs, configuration des systèmes de mesure ainsi que le suivi des déformations sur une période d’un an, afin d’analyser la réaction du matériau recyclé en conditions réelles de circulation. L’objectif était d’observer la manière dont ce béton réagissait à la circulation régulière de véhicules lourds, et de vérifier la tenue mécanique des deux couches de béton mises en œuvre successivement.
Plusieurs instruments de mesure ont été installés dans la structure : capteurs de pression à la base, jauges de déformation dans chaque couche de BCR, et sondes en surface pour suivre les éventuelles déformations verticales. Grâce à ces équipements, les équipes du Cerema ont pu collecter et analyser les données à plusieurs moments clés : lors de la pose, à six mois, puis à un an.

En parallèle, les valeurs obtenues ont été ensuite comparées à l’aide d’une modélisation de la chaussée en place au moyen du logiciel Alizé-LCPC. Le logiciel Alizé-LCPC permet de modéliser les structures de chaussées multicouches et de calculer les sollicitations mécaniques induites par des charges roulantes, en vue de leur dimensionnement ou de leur évaluation.
Premiers résultats d'une expérimentation sous contraintes techniques
La mise en œuvre du BCR Gigaterre n’a pas été sans défis. L’un des enjeux majeurs résidait dans un temps très court à respecter entre la pose des deux couches de béton, pour garantir leur cohésion. Un délai trop long compromettrait l'efficacité structurelle de l’ensemble. Par ailleurs, le facteur météo a également joué un rôle déterminant : en période froide, l’hydratation du ciment est ralentie, ce qui peut retarder la mise en service de la chaussée.
Les mesures collectées ont montré une stabilisation progressive des déformations dans les couches de béton comme dans le sol support. Sur une année complète, aucun comportement anormal n’a été détecté, ce qui témoigne du bon fonctionnement de la structure.
Les résultats obtenus confortent ainsi les choix faits par Solvalor pour son béton 100 % recyclé et confirment l’intérêt de cette solution pour des applications logistiques. En confrontant les données mesurées et les résultats simulés par le logiciel Alizé-LCPC, l’équipe du Cerema a pu vérifier la cohérence des modèles avec la réalité du terrain, mais aussi mieux comprendre le rôle de chaque couche dans la répartition des charges. Cette analyse croisée a permis d’affiner les hypothèses de dimensionnement pour des structures en BCR, en tenant compte des types d’engins réellement utilisés sur le site.
L’expérience acquise dans ce projet ouvre la voie à de futures expérimentations sur les matériaux recyclés en voirie. Elle alimente également les réflexions sur le dimensionnement de structures en BCR bas carbone, ainsi que sur les méthodes d’instrumentation à long terme.
Compte-tenu de la difficulté à discriminer les types d’engins à partir des mesures des jauges de déformation, des enregistrements ciblés sur des engins permettraient de conclure sur le fonctionnement du BCR en comparaison à un béton s2,7 (classe en fendage standard dans le domaine routier).