22 novembre 2024
Littoral de Penvénan à marée haute
C.R - Cerema
Depuis 2019, dans le cadre de l’appel à partenaires lancé par le Cerema et l’ANEL sur la gestion intégrée du littoral, la commune de Penvénan s’est engagée dans une démarche de diagnostic partagé des enjeux présents et à venir, et d’identification des pistes pour co-construire une stratégie locale pour l’adaptation du littoral au changement climatique.

Située dans les Côtes d’Armor, la commune de Penvénan possède un littoral attractif et diversifié, anthropisé, composé de plages et dunes, de cordons de galets, de falaises et de digues supportant notamment le boulevard de la mer. Suite à plusieurs évènements tempêtueux, des submersions marines et des reculs du trait de côte, la question de la pérennité d’ouvrages, d’accès et de bâtiments présents le long du littoral s’est progressivement imposée. 

 

Un objectif de mobilisation des acteurs pour envisager l’avenir 

Digue sur laquelle passe la route, séparant la plage d'une zone de marais - Cerema

La commune, précurseur dans le département en se saisissant des questions de gestion du littoral, a rejoint l’appel à partenaires Gestion intégrée du littoral dès 2019. Commune touristique, Penvénan dispose d’un littoral de 11 km, accueille jusqu’à 7 000 personnes en période estivale et comprend 40% de résidences secondaires.

Dans un premier temps, une réflexion sur les besoins de la collectivité a été menée. Elle a permis de définir conjointement un programme d’accompagnement technique sur le littoral, dans le cadre d’une démarche impliquant les élus de la collectivité, ses partenaires impliqués dans l’aménagement du littoral, ainsi que les habitants. 

 

La démarche co-construite avec la commune, comprenait plusieurs volets :
  • Réaliser un diagnostic du littoral et de ses évolutions dans le contexte de changement climatique, y compris des projections du trait de côte à 2050 et 2100.
  • Partager les éléments de diagnostic dans une perspective d’acculturation et de sensibilisation aux risques littoraux, à la gestion du trait de côte et aux impacts prévisibles du changement climatique.
  • Mettre en place une démarche participative en vue de partager les défis, définir les perspectives et identifier les actions et solutions pertinentes avec les parties prenantes.
  • Proposer des éléments de contenus pour une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte et les partager avec les acteurs du territoire,
  • Expérimenter et développer des méthodes reproductibles pour la gestion intégrée et partagée du trait de côte.

 

Le Cerema a constitué une équipe multidisciplinaire pour accompagner la collectivité : des compétences en gestion des risques littoraux, en ingénierie écologique et en participation des citoyens et association des parties prenantes ont été mobilisées.

 

Comprendre le fonctionnement du littoral présent et futur

Cordon de galets entre la mer et le marais du Launay - Cerema

Le premier objectif était de dresser un état des lieux du fonctionnement du littoral et de ses enjeux environnementaux afin d’anticiper ses évolutions futures.

Le diagnostic de la situation actuelle intègre la géologie, la géomorphologie et la topographie, la connaissance des phénomènes marins actuels et prévisibles (marées, houles et niveaux marins extrêmes), les constats d’impacts des tempêtes, des évolutions de la position du trait de côte, de la résultante des transits sédimentaires et de l’état des nombreux ouvrages et aménagements : enrochements, murs en béton, pierres sèches ou maçonnerie. Les zones en accrétion ou érosion ont ainsi pu être identifiées, tout comme les zones submersibles, et deux sites particuliers touchés par l’érosion ont fait l’objet d'analyses complémentaires : 

  • le marais du Launay situé face à la mer, bordé d’habitations et abrité par un cordon de galets remanié à plusieurs reprises , sensible à la rupture et à la submersion. Plusieurs trajectoires d’évolution du marais (avec ou sans interventions sur le cordon de galets et le marais) calculées avec l’indicateur d’évaluation et de prédiction définis dans le cadre du projet Life ADAPTO ont montré sa salinisation progressive. L’emprise d’une submersion potentielle a été évaluée en s’appuyant sur la Méthode Nationale d’Evaluation des Fonctions des Zones Humides. 
  • la falaise de Disken An Aod, falaise composée de matériaux meubles qui supporte le sentier des douaniers et qui a subi plusieurs mouvements de terrain au cours des dernières années. Le Cerema a inspecté le site en détail après la fermeture du sentier, pour diagnostiquer les risques et identifier les solutions de réouverture. Une surveillance ainsi que des travaux d’entretien et de réparation du site (le sentier et son environnement) ont également été recommandés. 

Les enjeux environnementaux, les mesures et périmètres de protection existants ont été identifiés, tant au niveau des marais, des zones humides et petits fonds, qu’en ce qui concerne les espèces patrimoniales, sensibles et les espèces envahissantes. Les enjeux patrimoniaux ont aussi été listés.

Un volet participatif, sous la forme d’une enquête en ligne, a enfin permis de recueillir les perceptions des habitants et leurs préoccupations vis-à-vis de l’évolution du littoral. Ce travail a montré le fort attachement de la population au littoral, que les usages du littoral sont nombreux et s’intensifient, ou encore que son évolution est perçue notamment en lien avec les effets du changement climatique.

Un comité de pilotage a été mis en place pour le suivi et la réalisation de l’étude, avec notamment des élus de la commune, des habitants, des acteurs associatifs, des représentants de l’intercommunalité et de la DDTM22.

 

Partager des connaissances communes sur le littoral et les enjeux

Des ateliers ont été organisés pour réfléchir collectivement au devenir du littoral et des sites les plus impactés par l’érosion et les submersions marines (le marais du Launay en particulier). Des cartographies, des éléments de connaissance sur le littoral ont été fournis aux participants lors des trois ateliers participatifs, qui ont notamment permis de partager les perceptions du littoral, d’identifier les usages, les attachements et le positionnement des différents acteurs, puis d’envisager des solutions d’adaptation face aux aléas littoraux en se projetant aux horizons 2050 et 2100.

 

Atelier sur les enjeux 6 février 2023 :

Club nautique de Penvénan - Cerema

L’atelier avec les élus et techniciens de la commune et des partenaires membres du comité de pilotage de l’étude, s’est appuyé sur les éléments de diagnostic disponibles, pour identifier les usages et pratiques et réfléchir à l’impact des évolutions du littoral sur ces usages et pratiques, autour de trois thématiques : environnement et patrimoine, loisirs et activités socio-économiques, vivre à l’année en bord de mer. 

L’atelier s’est déroulé en 3 temps :

  • Identification des enjeux actuels sur le littoral, des usages, des pratiques et des fonctionnalités.
  • Présentation des projections cartographiques des effets potentiels d’une élévation du niveau de la mer à l’horizon 2050 et 2100, et de la marge d’incertitude qui reste importante.
  • Détermination des pratiques potentiellement menacées, et classement de celles-ci selon leur caractère local ou transversal à l’ensemble du littoral puis principal et secondaire, vis-à-vis de l’intérêt général.

 

Atelier sur les orientations du 3 avril 2023 :

Dans la continuité de l’atelier du 6 février 2023, il s’agissait de déterminer les grandes orientations pour la gestion du littoral, en accompagnant la réflexion des élus communaux par l’apport de connaissances sur le littoral : enjeux et usages issus de l’atelier précédent, dynamiques du littoral, diversité des actions possibles... Un jeu sérieux a permis aux acteurs d’échanger sur les actions pertinentes à mettre en œuvre dans un contexte contraint et de préciser les orientations dominantes de gestion d’ici à 2050 par secteur du littoral (plage et habitations, marais et dunes, coteau agricole, marais et front de mer, anse…) sur l’ensemble du littoral. Les participants ont également pu se projeter à 2100 en choisissant pour chaque secteur de la commune, des principes de gestion :

  • En ce qui concerne le trait de côte : évolution libre du site, mise en œuvre d’actions pour ralentir légèrement ou fortement le recul du trait de côte, ou fixation du trait de côte,
  • En ce qui concerne la gestion des enjeux : sensibilisation du public, réduction de la vulnérabilité des infrastructures publiques, des constructions et des activités, relocalisation.

Les travaux des participants ont par la suite alimenté le contenu de la stratégie de gestion du littoral. Un atelier de travail des élus du conseil municipal au contenu similaire a été organisé le 9 mai 2023 pour réfléchir aux solutions possibles en matière de gestion du littoral.

 

Atelier 5 juin 2023 : Mise en situation

Sentier côtier soumis à l'érosion, site de Disken An Aod - Cerema

Le dernier atelier, réalisé notamment à partir des résultats de l’atelier du 3 avril et d’analyses complémentaires, s’est intéressé au secteur du marais du Launay, identifié en tant que secteur sensible par la commune. Un jeu de rôle a permis aux participants de concevoir puis de jouer six persona (propriétaire foncier, randonneur, habitant permanent, agriculteur exploitant, vacancier, membre d’une association de protection de l’environnement) dans un contexte de rupture de barrière littorale et de submersion du marais. 

Les participants ont d’abord pu identifier les perceptions et ressentis des personae, notamment vis-à-vis de la rupture du cordon de galets littoral et de l’inondation des terres en conséquence, leur rapport au littoral. Dans le cadre d’un jeu de rôle, où chacun incarnait un persona, ils ont établi des propositions d’intérêt général concertées à l’attention des pouvoirs publics pour accompagner les acteurs dans l’adaptation du littoral.

Le COPIL a pris connaissance des avancées de l’étude et des ateliers tout au long de leur déroulement, pour poser les orientations de la future stratégie de gestion du littoral. 

 

Un bilan sur la démarche

Ce travail a porté ses fruits, en permettant à la collectivité et aux acteurs concernés par le sujet du recul du trait de côte de mieux appréhender la situation actuelle et celle à venir, de mieux saisir les enjeux et les pistes d’action, ainsi que les limites de la gestion du littoral. De nouvelles questions se posent, notamment sur les aspects opérationnels de la relocalisation ou de l’implication d’une large partie de la population et des acteurs du littoral.

La commune dispose désormais de cartographies de projection et d’analyses qualitatives du recul du trait de côte, de fiches thématiques, de livrables issus des études et ateliers menés, constituant un corpus que la commune peut utiliser pour communiquer vers la population sur la problématique et la stratégie qui sera mise en œuvre.

La commune a d’ores et déjà affiché en grand devant le centre nautique, face à la digue, des posters produits dans le cadre de l’étude, sur le diagnostic, le patrimoine, les usages. Elle a également rendu public l’ensemble des rapport produits dans le cadre du partenariat.

 

Panneau explicatif de la démarche de gestion du trait de côte, placé devant la capitainerie et le centre nautique.
LIMITES SUCCES

Une difficulté à impliquer des personnes diversifiées, y compris au sein de la commune et parmi les acteurs associatifs.

Le relais entre les participants aux ateliers et l’ensemble de la population.

Les suites immédiates données à la démarche d’ateliers mise en place.

L’échelle de la démarche au regard des compétences intercommunales (Gemapi, PLUi…).

Des questions importantes qui restent à résoudre sur les aspects opérationnels.

Une équipe centrale motivée qui porte la démarche.

La réappropriation de l’atelier 2 pour une session de travail au conseil municipal.

Une appropriation du sujet et des problématiques, une meilleure connaissance du littoral dans la collectivité, et une meilleure visibilité sur les enjeux présents et à venir.

Les bases d’une démarche de long terme sont posées.

Le retour de la collectivité

Pierre Simon, Premier adjoint en charge des travaux, de l’urbanisme, du développement durable, du cadre de vie et de la sécurité, à Penvénan, a accepté de nous parler de la démarche et des perspectives pour la commune.

 

Bonjour M. Simon, vous êtes Premier adjoint au maire et portez cette démarche avec le technicien de la commune. Comment le sujet du retrait du trait de côte est-il entré dans les préoccupations ?

Pierre Simon lors d'une rencontre avec le Cerema en octobre 2024

Lorsque la commune a eu connaissance de l'appel à projets lancé par le Cerema et l'ANEL, nous avons saisi l'opportunité de se doter d'une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte en répondant à cet appel à projets. Cette démarche nous intéressait pour plusieurs raisons :

  • au regard de la vulnérabilité de notre littoral qui avait subi des reculs relativement importants lors des tempêtes de 2010, 2014 et 2016 ;
  • au regard des nombreuses études ponctuelles réalisées par la commune ou les services de l'État, qui n'ont pas été suivies d'effets, notamment en raison du coût prohibitif des solutions proposées, qui n'étaient pas non plus pérennes ;
  • et face aux constats du changement climatique et de l'élévation du niveau de la mer

 

Après avoir réalisé le diagnostic sur le fonctionnement et le devenir du littoral, qui comprend des incertitudes, quelles pourront être les suites du côté de la commune ?

Suite à l'adoption définitive de la stratégie sur le 04 en juillet 2024, la commune prévoit plusieurs actions. D'abord, mettre en place des outils de suivi de l'évolution du trait de côte et mettre à jour le plan communal de sauvegarde. Il s'agira aussi de mettre en place des actions préventives sur les zones les plus vulnérables, en concertation avec les différents acteurs concernés (communes voisines, EPCI et DDTM).

L'objectif est également de lancer les études de la recomposition et/ou de la délocalisation des habitations et des activités nécessitant la proximité du rivage, en fonction des évolutions réglementaires et de la mise en œuvre du PLUiH.

 

Un enjeu important sera la sensibilisation du public, et des acteurs au-delà de la commune (département, intercommunalité). Comment voyez-vous cet aspect de la démarche ?

Cette stratégie permettra de sensibiliser le public par différents canaux : le bulletin communal, des réunions publiques sur les actions à mettre en œuvre, mais aussi des interventions de la commune lors de journées institutionnelles ou de séminaires, par exemple en juin 2024 lors des Journée des risques littoraux à Lannion ou en décembre 2024 lors des rencontres "Habiter & Se loger" à Saint-Brieuc. Nous serons aussi présents aux journées de la résiliences qui ont lieu tous les 2 ans.