Les matériaux biosourcés apparaissent comme une opportunité pour des constructions plus durables et permettent de développer des filières locales de production.
Avec le média en ligne Construction 21, le Cerema a contribué à un dossier complet sur la question, que vous pouvez retrouver intégralement :
Parmi les thèmes développés, celui des bétons végétaux, dont les performances hygrothermiques et acoustiques notamment permettent une utilisation aussi bien dans la construction neuve que dans la rénovation. Cependant, les propriétés de ce matériaux sont mal connues, ce qui constitue un frein pour leur utilisation.
Obtenus par mélange de particules végétales (chanvre, lin, bois, miscanthus...), avec du liant, de l'eau et parfois des adjuvants. En tant que matériaux biosourcés, ils permettent la stockage du carbone et les ressources pour le produire sont disponibles localement et rapidement.
De bonnes performances acoustiques et absorbantes
Les bétons végétaux peuvent contribuer à améliorer le confort acoustique des habitations. Ces matériaux ont pour cela des atouts spécifiques par rapport à d’autres matériaux, comme :
- Une capacité d’adaptation au support (en banchage ou en projection) qui donne une continuité du volume ;
- Une déclinaison possible sous de multiples formes, sur la base de différents constituants et d’un grand panel de formulations (des mélanges très légers et ouverts aux mélanges plus massifs) permettant de proposer des matériaux adaptés à différentes typologies de bruit.
Les bétons végétaux sont par nature très poreux, caractérisés par une interconnexion de pores ouverts couvrant des échelles allant du micromètre au millimètre, entre particules, dans les particules et dans le liant. Suivant la formulation, leur porosité atteint ainsi des valeurs allant typiquement de 60 à 80%, ce qui confère aux bétons végétaux une absorption acoustique intrinsèque très intéressante.
Des essais en conditions d’incidence normale (en tubes de Kundt) ont ainsi montré dans [1] un spectre d’absorption acoustique (a) assez large, présentant des pics d’absorption caractéristiques dépassant les 90% d’absorption et allant de 400 à 1000 Hz en fonction du dosage en liant (échantillons de 5 cm d’épaisseur d’un dosage très léger R1 à très fort R8).
Cette absorption acoustique peut être optimisée en fonction de nombreux paramètres : l’épaisseur de matériau mise en œuvre, la granulométrie des particules mais aussi la géométrie de surface (effet par exemple exploité dans le cas d’écrans acoustiques en béton de bois).
Par ailleurs, cette absorption reste en grande partie accessible après application d’enduits de finition fins et ouverts, comme cela a été montré dans le cadre du projet EcoTerra.
En plus d'avoir de bonnes propriétés d'absorption, les bétons végétaux sont également de bons isolants pour les enveloppes et murs des bâtiments.
L’affaiblissement résulte dans ce cas à la fois du béton végétal et des enduits appliqués de part et d’autre. Il a ainsi été montré dans le cadre d’essais avec le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) que les performances en affaiblissement d’un mur en béton de chanvre de 270 mm enduit des deux faces (Rw+C = 44dB) sont de même niveau que celles d’un mur en brique creuse de 300 mm enduit des deux faces [2].
Des propriétés hygrothermiques qui régulent l'humidité
Les bétons végétaux sont par ailleurs très poreux et extrêmement hygroscopiques : grâce à leurs vastes réseaux poreux ouverts, ils sont capables d’adsorber une quantité considérable de vapeur d’eau, qui se condense sous forme d’eau liquide et se fixe à la surface de leurs pores lorsque l’hygrométrie de l’air ambiant est importante, et de la restituer lorsque l’air est sec.
Cette capacité d’échanger beaucoup d’humidité avec l’air ambiant grâce aux phénomènes physiques d’adsorption et de désorption font de la plupart des bétons végétaux des excellents régulateurs hydriques : leur valeur tampon hydrique est ainsi 4 à 5 fois plus élevée que celle du béton ou du plâtre par exemple.
Les bétons végétaux contribuent donc au maintien d’un taux d'humidité relative au sein des locaux de 40 à 60 %, permettant ainsi d'éviter le dessèchement des muqueuses provoqué par un air trop sec, la sensation d'étouffement causée par un excès d'humidité, la condensation sur les murs et donc les effets de moisissures qui dégradent la qualité de l’air intérieur.
Des bétons qui permettent de réduire le chauffage
De nombreuses études ont montré que les flux d’humidité dans les bétons végétaux influencent significativement les transferts d’énergie en leur sein. Par conséquent, la seule conduction pure ne permet pas d’expliquer et de comprendre leurs performances thermiques.
Pour illustrer les phénomènes en jeu, intéressons-nous à un essai simple, mené dans le cadre de la thèse de Gourlay [3], visant à mettre en évidence la sensibilité d’une paroi de béton de chanvre à une diminution soudaine de la température appliquée sur sa surface extérieure et à déterminer l’impact des transferts convectifs sur la réponse thermique et hydrique du matériau à cette sollicitation.
Lors de cette étude, un mur de béton de chanvre recouvert de cellophane a été placé entre deux chambres climatiques régulées à 30°C et 70% HR puis, au bout de 12 heures, la température dans l’une d’elles a été abaissée à 10°C pendant 36 heures sans que les autres consignes ne soient modifiées. Les évolutions de la température et de l’humidité relative au centre de la paroi (point C) ont été mesurées au cours du test et comparées à celles observées lors de l’essai effectué sur ce même échantillon en l’absence de film étanche.
Le choc thermique provoqué entraîne non seulement une baisse de la température mais aussi une diminution du degré d’hygrométrie en C car une fraction de la vapeur d’eau contenue dans le matériau se condense. Ce phénomène interne s’accompagne d’un dégagement d’énergie qui tend à atténuer la chute de température au cœur du mur et qui va donc contribuer à réduire le besoin de chauffage du logement.
Par ailleurs, on observe que lorsque la paroi est couverte de cellophane, les amplitudes des variations de température et d’humidité relative au milieu de l’éprouvette sont plus élevées à cause du film hermétique qui bloque tout flux convectif.
Cet essai montre ainsi qu’en alimentant l’échantillon en vapeur d’eau, les transferts convectifs au sein du mur permettent à la fois de modérer la chute d’humidité relative au cœur du matériau engendrée par la condensation de vapeur d’eau et, par suite, d’amplifier le phénomène de changement d’état de l’eau dans la paroi, conduisant ainsi à accentuer l’amortissement de la baisse de température au sein du béton de chanvre et donc réduire davantage le besoin de chauffage.
Des matériaux qui réduisent le besoin de refroidissement
Un essai analogue au précédent a permis de mettre en exergue les phénomènes de vaporisation d’eau liquide libre ou faiblement liée susceptibles de se produire au sein des bétons végétaux étant donné qu’une augmentation subite de température sur l’une des faces de l’échantillon provoque une hausse du degré hygrométrique au point C. De ce fait, l’élévation de température au centre du mur occasionnée par l’augmentation de température extérieure est en partie freinée dans la mesure où le passage de l’eau liquide à l’état gazeux est une transformation endothermique.
Par ailleurs, l’étude réalisée a permis d’établir que les échanges convectifs dans la paroi contribuent à contenir l’élévation de pression partielle de vapeur d’eau au sein des pores du matériau causée par la vaporisation d’eau liquide et, de ce fait, à intensifier le changement de phase au cœur de la paroi, ce qui conduit à accroître l’atténuation de la hausse de température dans le mur et donc à réduire le besoin de refroidissement du logement.
En conclusion...
Les bétons végétaux sont utilisés aussi bien en construction neuve qu’en rénovation où ils sont particulièrement prisés pour leur capacité à isoler des bâtiments anciens tout en compensant d’importantes différences de niveau des parois support. Leurs propriétés sont aujourd’hui bien connues grâce aux nombreux travaux de recherche menés.
Sur le plan acoustique, ces matériaux peuvent ainsi contribuer au confort intérieur par une absorption significative du son, tout en remplissant, en association avec des enduits, une fonction d’isolant atteignant des performances respectant largement les exigences réglementaires visant les isolements de façade aux bruits extérieurs.
En outre, les phénomènes de changement d’état de l’eau (condensation/vaporisation) qui se produisent au sein des bétons végétaux permettent d’amortir sensiblement les variations de température extérieure et donc de réduire les besoins de chauffage et de refroidissement des bâtiments. L’ampleur de ces phénomènes est sans commune mesure avec ce qui a pu être observé au sein de laines minérales ou végétales notamment.
Par conséquent, les bétons végétaux possèdent un fort potentiel qui doit permettre d’activer les différents leviers nécessaires au développement de leur marché.
Cet article a été co-rédigé par Etienne Gourlay (Cerema), Philippe Glé (Cerema), Emmanuel Gourdon (ENTPE) et Laurent Arnaud (Cerema).
[1] Glé P. “Acoustique des matériaux du bâtiment à base de fibres et particules végétales - Outils de caractérisation, modélisation et optimisation”. Thèse de doctorat MEGA Génie Civil, ENTPE, Vaulx-en-Velin, 2013.
[2] Blinet T., Falwisanner T., Glé P., Guigou-Carter C., Kadri, E. “Propriétés acoustiques des matériaux biosourcés. Rapport convention Cerema-CSTB-DHUP”, 2018.
[3] Gourlay E. “Caractérisation expérimentale des propriétés mécaniques et hygrothermiques du béton de chanvre : détermination de l’impact des matières premières et de la méthode de mise en œuvre”. Thèse de doctorat MEGA Génie Civil, ENTPE, Vaulx-en-Velin, 2014.