On constate ces dernières années un retour vers des constructions en matériaux naturels (maisons en pisé, en paille…), avec un recours à l’innovation. Les politiques publiques tendent à favoriser l’utilisation de ces matériaux, mais leurs caractéristiques étaient jusqu’à peu mal connues.
Sequence 1 : Pisé et terre, du neuf à la réhabilitation
La première séquence de la journée portait sur les constructions en terre, et plus particulièrement en pisé. Farid Bou Cherifi, chef de projet construction bois de la DGALN [1] a dressé un panorama des appuis de l’Etat pour l’utilisation des biomatériaux tels que le bois, le chanvre, la pierre sèche, la laine de mouton, les textiles recyclés, dans la construction.
Ces matériaux sont utilisables pour des éléments de structure, des isolants, des panneaux, ou des éléments constructifs comme des blocs, des parpaings, des enduits.
La promotion de l’utilisation des matériaux biosourcés est placée au coeur des récents textes structurants, comme la stratégie nationale bas carbone, la loi de transition énergétique pour la croissance verte, les Accords de Paris.
Des mesures de soutien financier, mais aussi d’accompagnement des professionnels, ainsi que des actions de territorialisation via les services de l’Etat en région existent également. Enfin, les établissements publics partenaires, comme le Cerema, le CSTB [2], le FCBA ou l’ADEME [3] sont en capacité de mobiliser leurs compétences pour accompagner les acteurs et les démarches opérationnelles.
Exemple avec la filière bois
Des actions spécifiques à la filière bois ont été mises en place, au travers des trois plans bois (le dernier porte sur la période 2017 – 2020) qui ont permis de créer un label « batiments biosourcés » appelé à évoluer pour favoriser davantage l’utilisation de ces matériaux, et les trois plans matériaux biosourcés (le dernier porte sur la période 2018 – 2021), qui ont entraîné la création d’une filière « biomasse matériaux » reconnue comme une filière d’avenir, et la signature du contrat stratégique de la filière bois en 2014.
Ces plans ont été co-construits avec les filières vertes depuis 2009. Le contrat stratégique de la filière bois vise à valoriser la ressource en bois française ainsi que le développement industriel de la filière.
Le plan matériaux de construction biosourcés 1, de 2010 à 2014, visait à lever les obstacles au développement économique de la filière. Les conclusions du plan sont reprises dans le rapport de novembre 2013 « Les filières des matériaux de construction biosourcés : plans d’actions, avancées et perspectives ».
Le plan matériaux de construction biosourcés 2, de 2014 à 2017, a créé quatre groupes de travail pour identifier les actions à mener. Ceux-ci portaient sur « les acteurs de la construction bois », la « formation », la « normalisation et la sécurité incendie », et la « communauté R&D ». Le rapport « Structuration et développement des filières de matériaux de construction biosourcés » reprend les conclusions de ce plan d’action.
La territorialisation de la démarche « filière verte » consiste au suivi d’une dizaine de projets par les DREAL. Par exemple en Nouvelle Aquitaine, cela a permis d’accompagner un centre de formation à destination des artisans bois et de structurer une offre locale de bâtiments de hauteur en bois.
Enfin, la DGALN prépare la future réglementation environnementale du bâtiment neuf, de manière à ce qu’elle soit adaptée aux matériaux biosourcés. Cela nécessite des expérimentations en grandeur réelle afin de tester de nouveaux indicateurs, d’expérimenter des niveaux d’ambition, et d’apprécier la faisabilité technique et la soutenabilité économique.
D’après l’expérimentation E+C, les matériaux biosourcés sont bien positionnés en termes de stockage de carbone, d’épuisement des ressources et de création de déchets.
Constructions en terre crue et guides de bonnes pratiques
Fabrice Rojat, responsable de l’unité Géomatériaux du Cerema Centre-Est a ensuite présenté la situation de la construction en terre crue en France, où on estime que 15% du bâti est construit en terre crue.
Le procédé consiste en la fabrication d’une sorte de béton d’argile, aggloméré avec de l’eau qui permet de coller entre eux les différents grains du sol. Le matériau terre crue n’est jamais complètement sec, conduisant ainsi au maintien du collage à long terme.
Différentes techniques de construction en terre crue existent, dont :
- Pisé : terre meuble, humidité moyenne, compactée dans des coffrages (banches) quand elle est posée sur le mur en construction.
- La bauge : terre humide, plastique, avec des fibres végétales. On fait des boules et on les met sur un mur qui est ensuite retaillé.
- Adobes : terre meuble, façonnée ou moulée en forme de briques, qui sont séchées puis maçonnées à l’aide d’un mortier en terre.
- Le torchis (« colombages ») : terre à l‘état plastique, souvent avec de la paille. On l’utilise pour remplir les espaces au sein d’une ossature bois, la terre étant généralement appliquée sur un ensemble de lamelles.
Ces techniques sont anciennes et maîtrisées, souvent de manière empirique. Cependant, en 2012 un rapport constatait que l’on manquait d’arguments techniques (manques de données environnementales et sociales, peu de méthodes de caractérisation reconnues, pas de méthode vraiment normalisées pour caractériser la terre, manque de référentiels techniques de calcul et mise en œuvre) pour valoriser ces constructions. Par ailleurs, les acteurs impliqués étaient multiples et peu coordonnés. Par conséquent, il existait un problème d’assurabilité de ces bâtiments.
En avril 2012, un groupe de travail national a donc été créé afin d’établir un diagnostic de la filière, et de mettre en place un plan d’actions. Et en janvier 2013, un autre rapport a pointé les obstacles au développement d’une filière de construction en terre crue, parmi lesquelles :
- La capitalisation des connaissances,
- Les freins économiques,
- La formation des professionnels
- La communication vers et à l’intérieur du réseau professionnel.
Une des actions prioritaires identifiées a été de créer un guide des bonnes pratiques, sous l’égide de la DGALN. Celui-ci sera publié au second semestre 2018. Ses objectifs seront multiples : améliorer l’assurabilité des constructions en terre, donner un cadre technique commun, améliorer la prescription de solutions constructives adaptées, et développer la formation.
Sinistralité du bâti ancien en pisé en Auvergne-Rhône-Alpes
Julie Avons-Bariot, architecte au sein du cabinet OSMIA Architecture, a exposé son constat en matière de sinistralité du bâti ancien en pisé, courant en Auvergne-Rhône-Alpes (environ 100.000 bâtiments en pisé de tous types, aussi bien en milieu rural qu’urbain).
Ces bâtiments en terre crue doivent être entretenus, réhabilités et valorisés, mais ils ont tendance à disparaître car ils sont souvent considérés comme fragiles : 2.000 de ces bâtiments disparaissent chaque année en France.
De fait, les détériorations de ces bâtiments sont peu détectées, le matériau est méconnu et les risques sont mal diagnostiqués. Souvent, de nouvelles interventions sur ces bâtiments ou à proximité entrainent des dégradations. Face à ce constat, il s’avère que le diagnostic global de ces structures est un acte préventif à mener en amont des interventions sur les bâtiments.
Cela garantit la connaissance de ses caractéristiques et du fonctionnement du matériau, du rôle de l’eau, et l’identification adaptée de la complexité des causes du désordre. Ce diagnostic, dont le coût demeure faible au regard des risques, intervient en prévision de travaux, en vue d’une vente ou d’un achat, ou si un problème est détecté.
Le but de ce diagnostic est d’observer l’état général, d’identifier les désordres apparents et cachés, de donner une indication générale des traitements (conservation, mesures d’urgence), de fournir des prescriptions. Le diagnostic ne porte pas que sur le matériau terre, mais sur toute la structure, sa conception, son évolution, en regard de son usage et de l’évolution de son environnement.
Le cabinet OSMIA Architecture a dressé un constat d’après 58 interventions, et le désordre qui revient le plus souvent (plus d’une fois sur trois) est la déstructuration du pisé à la jonction avec le soubassement. En général, cela est dû à la rehausse du niveau du sol qui empêche le phénomène d’évaporation par le soubassement.
Deux exemples de réhabilitation en pisé
Vincent Rigassi, architecte du cabinet RA2, affilié à l’association Tera, qui regroupe des professionnels de la terre crue en Rhône-Alpes, a présenté deux opérations de réhabilitation de bâtiments en pisé : deux anciennes fermes, l’une transformée en logements, l’autre en locaux associatifs.
Il a exposé les différentes techniques utilisées lors des travaux, et précisé les points d’attention particuliers, comme la vigilance à apporter à l’isolation intérieure pour éviter des risques d’augmentation de l’humidité dans les murs en lien avec les différenciels de température.
Cet intervenant constate que la plupart des problèmes apparaissant sur les bâtiments en pisé sont dus à des interventions ultérieures : souvent, les techniques industrielles font mauvais ménage avec des techniques artisanales sur ces bâtiments.
Le principal risque pour ces bâtiments en pisé est l’humidité. Il a donc fallu faire très attention lors de la pose des éléments de charpente et des ouvertures.
Les enduits sur des murs en terre sont différents de ceux qui sont utilisés pour les bâtiments classiques, en raison de ce problème d’humidité. Un guide a été rédigé afin d’exposer les règles professionnelles en la matière, et dans chaque région des guides adaptés aux pratiques locales pour le travail de la terre crue sont en cours de rédaction (voir présentation précédente sur les guides de bonne pratique).
Parmi les grands enjeux concernant les bâtiments en terre crue, il y a également la thermique. En effet, les murs en pisé enregistrent une déperdition de 23 à 31 % de la chaleur. Les apports solaires sur les murs en pisé compensent entre 12 et 30 % des pertes dues au mur, avec une moyenne de 21%. L’orientation des murs est donc importante.
Les travaux sur des bâtiments en pisé restent plus chers que des travaux sur des bâtiments construits avec des techniques industrielles, alors que l’impact carbone de ces bâtiments est bien moindre. Cela apparaît lié notamment au modèle sociétal actuel qui fait peser la taxation sur le travail plutôt que sur l’énergie.
Séquence 2 : Favoriser les projets de construction avec des matériaux bio-sourcés
Rénovation énergétique de 53 logements en Savoie
Stéphanie Beauregard, chargée de mission à la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes a présenté une opération de rénovation énergétique de 53 logements dans le quartier de la Montagnette à Ugine en Savoie, en comparant les coûts des solutions biosourcées avec les solutions conventionnelles. Le but pour la DREAL qui a lancé l’appel à projets en partenariat avec les HLM de Rhône-Alpes, était de tester sur des bâtiments publics les solutions de rénovation avec des matériaux biosourcés.
Une analyse économique des opérations par rapport aux coûts d’ingénierie, d’investissement, d’entretien, ainsi que des économies d’énergie réalisées, a été menée.
Le constat est que les coûts d’isolation avec de la paille étaient très élevés malgré un chantier participatif, mais peu d’entreprises étaient disponibles. Il y a également eu des coûts connexes liés à l’enveloppe des bâtiments, afin d’assurer l’écoulement de l’eau de pluie et de traiter convenablement les jonctions, mais aussi d’isoler les caves et les combles. Les travaux ont également été conduits sur des logements occupés, ce qui accroît sensiblement les contraintes.
Il est également notable que le premier gain pour les habitants a été le confort d’été nettement amélioré.
Quels enseignements liés aux matériaux bio-sourcés ?
Sylvain Mangili, délégué régional Auvergne-Rhône-Alpes de l’association AQC (Agence Qualité Construction) a ensuite présenté les enseignements sur les matériaux biosourcés tirés du dispositif « REX BP ». AQC est une association loi 1901 qui a pour objectif de repérer les améliorations à apporter dans le domaine de la construction, et de favoriser la montée en compétence des milieux professionnels.
Elle a rédigé deux ouvrages concernant les matériaux bio-sourcés :
L'objectif de ces deux documents était notamment d’attirer l’attention sur la sensibilité à l’humidité des ouvrages en terre crue, y compris lors des phases de stockage et de transport des matériaux. Il est donc tout à fait recommandé de bien respecter les temps de séchage, et de prévoir la ventilation du chantier pour éviter le développement de moisissures.
Une attention particulière doit être portée sur les remontées capillaires ou de l’eau extérieure : il faut prévoir des coupures de capillarité et respecter la garde au sol des enduits. Autre point de vigilance : la migration de la vapeur d’eau à l’intérieur du bâtiment qu’il faut gérer en utilisant des enduits et isolants non perméables à la vapeur d’eau.
Dans l’ensemble, les désordres recensés sur les bâtiments en terre apparaissent principalement liés à une méconnaissance du matériau ou à des modifications inappropriées du bâti ou de son environnement. Des techniques de construction et modes opératoires permettent d’anticiper et de gérer ces sensibilités.
La C2P, la commission prévention produits, établit des règles professionnelles, effectue le suivi des retours d’expériences et facilite la structuration de la filière.
Anticiper le vieillissement du bardage en bois
B.Mermet, chargé de mission Bois-Construction au sein de FIBRA, la fédération forêt bois Rhône-Alpes, a montré différents modes de vieillissement du bois extérieur dans la construction.
Dans un premier temps, les normes en vigueur ont été présentées : le DTU 41.2 sur le revêtement extérieur en bois, et le fascicule P20-651 sur la durabilité des éléments et ouvrages en bois. Deux ouvrages techniques ont également été mis en avant : l’un est payant (« Le bois en extérieur : guide technique ») l’autre est disponible en ligne : « Le revêtement extérieur des bâtiments bois ».
Enfin, l’ouvrage édité par Fibra, « Le bois en extérieur 10 ans plus tard », téléchargeable en ligne, montre comment le bois a vieilli sur différents bâtiments et ouvrages en bois. Ce guide précise la part liée au bois dans le coût total des projets, ainsi que différents éléments techniques comme le type de bois, les traitements, la surface, les intervenants dans les projets.
La durée de vie d’un bardage en bois est estimée à 25 ans, tandis que celle des charpentes en bois est de 100 ans. Le bois est un matériau vivant, si bien que de façon anticipable, un vieillissement naturel peut apparaître, notamment en raison de l’humidité qui ne touche pas toutes les parties du bardage de la même manière, et qui entraîne donc des décolorations inégales du bois.
Il est donc recommandé d’anticiper le vieillissement du bois afin de savoir à quoi ressemblera le bardage après quelques années et de permettre au maître d’ouvrage de choisir la solution bois en toute connaissance de cause. Pour cela, il faut tenir compte de différents paramètres.
Il faut par exemple tenir compte de l’orientation du bardage, de la localisation du bâtiment, de son exposition à la pluie. Cela permet de déterminer la classe d’emploi du bois utilisé. L’exposition à la lumière doit aussi être prise en compte. Ces deux facteurs, l’eau et la lumière, influent sur le grisonnement du bois.
Un focus a été effectué sur la garde au sol qui, si elle est mal assurée, entraine une humidification, et donc un noircissement du bois.
Finalement, 10 principes de conception à respecter ont été rappelés :
- Concevoir de manière précise les détails.
- Rendre impossible la stagnation de l’eau sur le bois.
- Permettre un séchage rapide du bois.
- Exécuter des raccords horizontaux avec des profils métalliques adaptés.
- Gérer l’écoulement des eaux pluviales.
- Eviter tout contact avec le sol.
- Prendre en compte les eaux de rejaillissement.
- Imperméabiliser ou abriter les « bois de bout » quand c’est possible.
- Utiliser des bois améliorés et/ou matériaux peu sensibles aux UV pour les zones semi-exposées
- Pour les ouvrages 100% en bois et sans recours à aucune amélioration :
- Exposition aux intempéries et à la lumière solaire entière et identique.
- Favoriser un ouvrage plan, sans relief, sans décalage.
- Choisir un sens de pose unique sur une même façade
- Utiliser une seule et même essence et un sens de pose sur un même ouvrage
- Mixer avec d’autres types de parements
L’expérimentation E+C
Sophie Barthelet, chef de pôle à la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, a évoqué l’expérimentation E+C dans le cadre de la future réglementation énergétique et environnementale, pour réduire l’empreinte carbone. Cette réglementation est co- construite avec les acteurs de la filière bâtiment via l’expérimentation E+C-, pour tester la faisabilité de la méthode et pour calibrer les seuils d’exigence. L’objectif est d’aller vers des bâtiments à énergie positive.
L’appel à projets a été lancé par l’ADEME et la DREAL dans la région Auvergne-Rhône-Alpes début 2017, auprès des maîtres d’ouvrages et maîtres d’œuvres, pour des bâtiments récents, construits ou en projet.
30 projets pilotes ont été retenus avec une diversité de bâtiments (logements individuels ou collectifs, bureaux, établissements scolaires, équipements sportifs, de santé…). Ces 30 projets bénéficient d’un appui financier, d’un accompagnement pour monter en compétence avec un parcours de formation, d’un lieu d’échanges pour capitaliser les résultats, d’un soutien pour la mise en place d’un suivi énergétique. Un colloque régional permettra de diffuser les résultats de cette expérimentation.
Différents critères ont été retenus pour sélectionner les projets, parmi lesquels des critères techniques tels que le niveau de performance énergétique atteint ou l’intégration d’une mission de commissionnement pour les projets en cours de conception.
Sabrina Talon, chef de groupe au Cerema, a évoqué la prise en compte des produits bio-sourcés et géo-sourcés dans l’expérimentation « énergie-carbone ». Dans le cadre de cette expérimentation, la performance du bâtiment sera évaluée à plusieurs niveaux. La performance énergétique, qui vise à réduire les consommations d’énergie non renouvelable, utilisera les mêmes données d’entrée que pour la RT 2012. La performance économique permettra d’apprécier la soutenabilité économique de la méthode et des niveaux E+/C- ; les données d’entrée étant l’ensemble des coûts du bâtiment. Enfin, la performance environnementale sera examinée à partir d’analyses de cycle de vie.
Il est important que les matériaux biosourcés et géosourcés disposent de données (FDES par exemple) car, en l’absence d’éléments, des données par défaut majorantes (donc défavorables) seront retenues. Par exemple, actuellement, sur l’ensemble de la base de données environnementales « Inies » (www.inies.fr) qui compte 1120 FDES, seules 114 FDES concernent des matériaux biosourcés ou géosourcés.
Un bonus de constructibilité a été mis en place (décret du 28/06/2016 et arrêté du 12/10/2016) pour les bâtiments les plus vertueux. Enfin, le décret du 20/12/2016 et l’arrêté du 10/04/2017 ont fixé les conditions à remplir pour qu’un bâtiment puisse être considéré à énergie positive et à haute performance environnementale.
Les recherches sur la terre crue de l’ENTPE
Antonin Fabri, chercheur à l’ENTPE, a ensuite présenté ses travaux portant sur la caractérisation des propriétés de la terre crue, notamment leur comportement thermique et mécanique. La terre crue est un matériau hygroscopique : il peut réguler passivement l’hygrométrie intérieure. Il doit donc être perméable et avoir de bonnes capacités de sorption/désorption.
L’ENTPE a déterminé le potentiel hygroscopique de différents matériaux, et la terre montre un excellent comportement dans ce domaine. Des études ont donc été réalisées sur l’impact de l’eau dans le comportement de la terre crue, afin de caractériser le comportement thermique et mécanique du matériau.
L’équipe a cherché à qualifier les transferts de vapeur d’eau, ainsi que ce phénomène de sorption/désorption. Des expérimentations ont montré le fort impact de l’humidité sur la résistance de la terre crue (elle est divisée par quatre quand on passe d’un taux d’humidité de 35% à un taux d’humidité de 98%). Cependant, les différents types de terre ne réagissent pas exactement de la même manière.
L’ENTPE cherche à concevoir des modèles afin de prédire le comportement de la terre en présence d’humidité. Elle réalise également des études sur le comportement des bétons bio-sourcés.
Panorama d’opérations en Auvergne-Rhône-Alpes et enseignements
Marie-Cécile Dourmap, chargée de mission à l’association Ville & Aménagement durable a présenté un panorama d’opérations réalisées en Auvergne-Rhône-Alpes, dans lesquels des matériaux bio-sourcés et géo-sourcés ont été utilisés.
Afin de promouvoir l’utilisation des écomatériaux, Ville & Aménagement durable a multiplié les actions de communication : partenariat à l’événement « le Off du DD » sur le développement durable dans la région (chaîne Youtube du « Off du DD »), organisation de visites et d’ateliers sur des sites de production, des chantiers, réalisation de reportages sur plusieurs chantiers de construction utilisant les matériaux biosourcés, organisation d’une formation de deux jours accompagnée d’un MOOC (BIOMOOC, prévu pour le début 2018, gratuit et accessible à tous), participation à des événements et programmes régionaux…
Différentes techniques innovantes de construction sont ainsi mises en lumière à travers ces actions (portant sur des logements collectifs en terre crue, des logements bois en hauteur, des bâtiments bois-paille pour une construction éphémère…).
Par ailleurs, des retours d’expériences sont capitalisés au travers d’une cinquantaine de fiches pratiques et didactiques, disponibles gratuitement en ligne.
Ensuite, plusieurs chantiers de construction réalisés en France, et dans lesquels des matériaux biosourcés ont été utilisés de différentes manières et à différents stades du chantier, ont ensuite été décrits par l’intervenante de Ville & Aménagement durable. Des reportages de chantiers ont été effectués sur ces chantiers.
Les chantiers suivants, notamment, ont été évoqués :
- Le siège de la Communauté de Communes du Val de Drôme, en Biovallée à Eurre (26) : construction neuve d’une structure mixte bois et béton, avec isolation en paille et enduits à la chaux permettant de réduire l’énergie grise.
- Maison des Forestiers et du Bois en Beaujolais à Monsols (69) : une construction neuve avec ossature, menuiserie et bardage en bois, laine, fibre de bois. Les matériaux viennent de moins de 150 km, et sont issus de filières locales. Le bois n’a pas subi de traitement chimique.
- Logements collectifs en Savoie : construction neuve d’une structure mixte bois béton, isolation des combles avec de la ouate de cellulose.
- Ecole à Montrottier (69) : construction neuve avec des murs en ossature bois, et un bardage en bois pour les parties non enterrées.
- Centre social à Saint-Romans (26) : isolation thermique extérieure (ITE) avec de la laine de bois ou de roche, et un bardage en bois et métal.
- [Siège de la CAPEB [4] à Romans-sur-Isère->http://www.enviroboite.net/bureaux-reportage-chantier-vad-rehabilitation-passive-du-siege-de-la-capeb-26] : rénovation avec une ITE en laine de bois et fibre de bois, et une ossature en bois pour les façades.
- Maison en pisé à La Chapelle de la Tour (38) : rénovation avec des matériaux issus de la parcelle. Enduit extérieur à base de liège, isolation de la toiture avec de la ouate de cellulose, menuiseries en bois, isolation du plancher du bas en liège, traitement des ponts thermiques avec de la chènevotte.
Une vidéo présentant la préfabrique de l’innovation (bâtiment bois et paille) sur le campus de La Doua à Villeurbanne a également été projetée.
Les enseignements tirés de ces chantiers pointent plusieurs points de vigilance à prendre en compte : habitudes de travail, connaissance des caractéristiques et propriétés de ses nouveaux matériaux, peu de référentiels techniques disponibles, identification des coûts de construction, développement de filières en cours de structuration, projets parfois « hors cadre » qui nécessitent des évolutions réglementaires…
Actions et dispositifs d’accompagnement en Auvergne-Rhône-Alpes
Enfin, Benoît philibert, chargé de mission au conseil Régional Auvergne-Rhône-Alpes a présenté les dispositifs d’accompagnement régionaux. Depuis la loi de transition énergétique et pour la croissance verte, on vise à développer l’économie circulaire et les matériaux à faible impact environnemental.
Via les commandes publiques, il est possible d’établir des critères en faveur de l’utilisation de matériaux recyclés et de l’éco-conception.
Un Plan Régional d’Action en faveur de l’Economie Circulaire (PRAEC) a été mis en place depuis 2016, et a permis de faire un état des lieux sur la consommation de ressources dans la région, pour chaque secteur économique. Le BTP, ainsi que le secteur de la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, sont les premiers consommateurs de ressources dans la région.
En ce qui concerne le BTP, l’objectif est de réduire la consommation de ressources minérales. Cela implique de développer le recyclage et le réemploi des matériaux de construction, ainsi que l’utilisation de matériaux bio-sourcés, notamment le bois dont la ressource est disponible localement.
La région constate un progrès sur la normalisation des éco-matériaux en technique courante : le bois, les constructions en paille avec ossature en bois, les enduits terre, le béton de chanvre, les isolants.
Cependant, divers freins à l’emploi de matériaux bio-sourcés ont également été observés, notamment avec les appels d’offres qui ne prennent pas assez en compte, dès la programmation, des critères environnementaux liés à la performance énergétique, au réemploi de matériaux…
Par ailleurs, l’assurabilité des bâtiments construits avec ces matériaux peut s’avérer plus complexe car nous sommes sur le champ de l’innovation.
Quant au prix, l’intervenant rappelle qu’il est possible de construire au même prix que des bâtiments classiques, où à peine plus cher (de l’ordre de 10%), mais que les économies ne peuvent se faire sur la maîtrise d’œuvre.
Parmi les leviers pour favoriser le recours aux matériaux bio-sourcés dans la construction, la région a repéré :
- L’importance de la programmation et du choix des prestataires
- L’importance de l’appel d’offres afin d’autoriser les variantes permettant l’emploi de matériaux recyclés et bio-sourcés.
- La nécessité d’élargir les critères de l’appel d’offres, qui ne doit pas être uniquement basé sur des critères de prix et de performance énergétique, mais peut aussi intégrer des critères tels que le confort d’été, le confort hygrothermique, le confort acoustique…
Dans cette optique, un appel à manifestation d’intérêts « bâtiments collectifs éco conçus » (AMI Bateco) a été lancé, visant des projets de construction neuve ou de rénovation de logements, d’établissements recevant du public, de bâtiments tertiaires, qui soient à la fois énergétiquement performants et utilisent en majorité des matériaux à faible impact environnemental.
Quatre projets de constructions neuves et de rénovation ont été suivis, bénéficiant d’une Assistance à la maîtrise d’ouvrage gratuite et d’éléments de capitalisation sur les bonnes pratiques.
L’objectif de cet AMI était de lever les freins normatifs, techniques et financiers, d’explorer les possibilités offertes par ces techniques et matériaux (rapidité d’exécution, confort pour l’usager, performance énergétique…), et le lien possible avec une logique d’approvisionnement territoriale.
Suite à cette démarche, une synthèse ainsi que neuf fiches projet détaillées ont été réalisées.
[1] Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature.
[2] Centre Scientifique et Technique du Bâtiment
[3] Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
[4] Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment.