16 septembre 2019
initiatives citoyennes - mozaique bac planté
Les initiatives citoyennes visent autant à améliorer les espaces publics qu’à générer une émulation et des rencontres entre usagers : donner envie de s’investir dans la vie du quartier, interroger les pratiques de chacun, sensibiliser voire alerter. Pour autant, l’appropriation de l’espace est-elle bien perçue ? Entraîne-t-elle des conflits d’usages entre initiateurs et autres usagers ? Ces initiateurs deviennent-ils des porteurs de projets des collectivités ?

Les espaces publics sont par définition des espaces accessibles à tous devant permettre la coprésence de divers groupes sociaux. Les initiatives citoyennes peuvent parfois engendrer une forme d’appropriation de l’espace public par quelqu’un. Cela n’est pas sans interroger sur les conséquences de ces démarches sur les autres citoyens et usagers des espaces publics : les initiatives citoyennes entraînent-elles des conflits d’usages et/ou de personnes ; quels sont les effets des différentes démarches telles que la végétalisation, gérée par les habitants, sur les autres usagers des espaces, etc. ?

 

Des initiatives CITOYENNES POUR ANIMER UN QUARTIER

Une démarche citoyenne sur l’espace public est souvent associée à l’idée d’animer un lieu. Animation éphémère, aménagement temporaire, ou événement festif : il s’agit d’attirer et de donner envie à d’autres riverains de s’impliquer. Des associations d’habitants ou de commerçants peuvent par exemple demander la fermeture temporaire d’une rue : le temps d’un repas de quartier, d’une animation ou d’un événement (par exemple pour installer des jeux dans le cadre de « rue pour les enfants »). D’autres formats existent : occupation temporaire du type « parking day », action communicante, détournement ludique (Ex: un embellissement de troncs d’arbres par le « gang des tricoteuses »). Par des événements, il s’agit de donner une impulsion positive à un espace et à une communauté d’habitants.

Animer, c’est aussi donner de la vie à un espace et à un quartier, dans une logique d’embellissement, ou en témoignage d’une vie riveraine. Verdissement d’un espace, boîtes à lire, mobilier co-construit, marquage d’animation : le principe de ces initiatives positives est de donner envie de s’approprier un lieu, de profiter des espaces publics.

 

DES INITIATIVES QUI FAVORISENT LA RENCONTRE ET LE PARTAGE

Affiche du vélo guinguette d'AubagneLes initiatives citoyennes qui interviennent dans l’aménagement des espaces publics ont généralement pour vocation de favoriser le lien social entre les habitants et les usagers. Ici, le processus est plus important que le résultat final.

Certaines initiatives, pour être prises en compte par la collectivité, demandent aux citoyens de s’organiser entre eux. C’est notamment le cas pour les demandes de végétalisation de portions de rue dans certaines villes. Cela invite donc les habitants d’une même rue à se rencontrer et à se coordonner.

Par ailleurs, certains aménagements éphémères tels que les terrasses ou des espaces détentes proposent aux usagers de réinvestir les espaces publics Des groupes d’usagers, collectifs de riverains ou associations, construisent ainsi des aménagements temporaires à la fois pour avoir de la visibilité et pour se créer des lieux d’échanges.

Des associations de cyclistes organisent des ateliers de réparation de vélo directement dans la rue (voir le « vélo guinguette » à Aubagne), un festival sur une place organisée par les occupants d’une friche réappropriée ( lien « la martine à la plage ») ...

 

DES INITIATIVES QUI INTERROGENT NOS PRATIQUES DE L’ESPACE PUBLIC

Chaque action citoyenne pose implicitement la question de notre « rapport à l’espace public » : des détournements interrogent la perception des lieux, des installations questionnent les pratiques, les envies et les critiques...

D’un point de vue « aménageur », laisser la place à des expériences « habitantes » ou « artistiques » donne l’occasion d’interroger les passants sur leur usages, leurs perceptions, leur ressenti par rapport à un lieu, une ambiance, un quartier. Cela peut être utilisé à des fins de projet urbain, pour alimenter la programmation ou pour donner vie à un projet de quartier.

Enfants au jardin du quartier Malakoff à nantes
Enfants au jardin du quartier Malakoff à Nantes - Idéelles

Parfois, des habitants initient eux-mêmes cette démarche d’occupation d’un espace pour dynamiser et questionner l’avenir d’un quartier. C’est le cas des Idéelles, un Collectif de femmes du quartier Malakoff qui se réapproprient leur espace public : plantations de fleurs (avec une gestion par les habitants), composteurs... mêlant à la fois enjeux environnementaux et lien social pour relancer une dynamique positive dans le quartier.

Cependant toute intervention de citoyens sur un espace public pose implicitement la question du droit à l’appropriation de cet espace. L’enjeu est un équilibre entre ouverture et appropriation pour éviter de nouvelles formes de privatisation. La question se pose régulièrement dans les travaux sur les jardins partagés, et pourrait être étendue à toutes les formes de végétalisation participative.

De même, toutes les initiatives citoyennes ne font pas l’unanimité. Des habitants et ou des usagers peuvent désapprouver certaines pratiques, entraînant des tensions éventuelles. Par exemple, la première « boîte à dons » lyonnaise fabriquée par un collectif d’habitants a été désinstallée sur la demande de riverains; mais perdure dans d'autres quartiers.

Certaines actions de végétalisation avec gestion participative peuvent aussi renvoyer l’image d’un désengagement du gestionnaire public (alors que c’est plutôt un changement de posture de sa part). Cela illustre la multiplicité des pratiques, besoins et perceptions des différents usagers ; et aussi l’intérêt des interventions réversibles.

 

DES INITIATIVES POUR SENSIBILISER AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX ET SOCIAUX

Logo incroyables comestiblesLe mode de conception de ces initiatives peut encourager les citoyens à échanger. Les jardins et composts urbains constituent pour leurs gestionnaires un moyen de sensibiliser les autres habitants aux enjeux de la nature en ville, ou d’actions concrètes pour s’adapter au changement climatique. Les permanences organisées par l’association Les Compostiers pour l’accès aux composts permettent aux adhérents de se rencontrer et de discuter. Des phénomènes d’essaimage de certaines initiatives sont également observables à l’instar des conquêtes végétales.

Dans cette perspective, les espaces publics constituent un médium permettant de sensibiliser les populations, et en particulier les enfants, aux enjeux de la transition écologique, de la biodiversité ou encore de l’agriculture urbaine.

Le mouvement international des Incroyables Comestibles, qui promeut le partage et le don à travers le développement de l’agriculture urbaine, est s’inscrit dans un partage de valeur qui va bien au-delà des jardinières urbaines qui fleurissent sur les espaces publics. L’alimentation saine et durable est ici au cœur de la démarche.

 

QUEL RÔLE DES HABITANTS-GESTIONNAIRES ?

Panneaux d'information d'un jardin collectif
Affichage devant un jardin collectif -Arnaud Bouissou - TERRA

Dans ces démarches favorisant les initiatives citoyennes, des habitants deviennent des porteurs de projets. Ils argumentent, développent et présentent leurs projets lors des réunions publiques des budgets participatifs, ils se confrontent à des contraintes réglementaires, patrimoniales ou de sécurité qu’ils ignoraient jusque-là.

Cela interroge aussi la représentativité et le statut de ces « habitants-gestionnaires » vis-à-vis de la collectivité, mais aussi vis-à-vis des autres habitants. Contacts privilégiés des services de la collectivité, collaborateurs occasionnels, ou « maîtres d’usages », ces habitants acquièrent un rôle spécial le temps d’un projet (parfois très court), et qui peut parfois être difficile à assumer.

Concernant les groupes d’habitants qui se réunissent pour un projet , il est plus confortable de s’appuyer sur un mode associatif, notamment pour des questions de responsabilité. A l’inverse, la Ville de Grenoble, dans le cadre de ses « chantiers ouverts au public », propose aux habitants de s’appuyer juridiquement sur des structures existantes (maison de quartier par exemple) plutôt que de créer une structure spécifique (car le temps du projet est assez court : de quelques jours à quelques mois).

Dans un cadre plus large, les initiatives citoyennes concernent un nombre limité d’habitants. La prise en compte des initiatives citoyennes actuelle est encore loin du renouveau démocratique mais cela peut enclencher de nouvelles aspirations permettant de favoriser les pratiques d’empowerment définies comme le « processus par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer sa capacité d’action, de s’émanciper» (Bacqué Marie-Hélène. « L’intraduisible notion d’empowerment vue au fil des politiques urbaines américaines », Territoires, n°460, 2005, p. 32-35). Faciliter les initiatives citoyennes sur les espaces publics permet donc aux habitants de développer leur pouvoir d’agir et ouvrir le champ des possibles aux autres habitants (Fleury Antoine & Tonnelat Stéphane, « Espaces publics urbains et concertation », Métropolitiques, 19 septembre 2012).

 

Exemple : le budget participatif de Grenoble a permis de soutenir une démarche portée par des citoyens montés en association

Le projet du Parc des Arts Bachelard, en partie financé dans le cadre du budget participatif de Grenoble de 2015 s’inscrit dans la continuité d’un projet citoyen qui est né au début des années 1990. Un collectif de musiciens locaux s’est alors mobilisé sur le quartier populaire du Mistral au sud de Grenoble afin de favoriser la rencontre entre l’art et les citoyens qui sont les plus exclus des pratiques culturelles.

Ce collectif, qui prend la forme de l’association, gère un équipement municipal destiné aux pratiques culturelles (aujourd’hui nommé Le Prunier Sauvage). Le budget participatif de la Ville de Grenoble a été l’occasion pour cette association d’investir l’espace public du parc Bachelard afin de construire et gérer un parc des arts dont un théâtre de verdure qui se veut être une scène ouverte accessible à tous. C’est l’association qui est chargée de gérer la programmation culturelle du théâtre de verdure assurant ainsi une « bonne » utilisation de celui-ci, tout en maintenant un accès libre à celui-ci.

Le parc des Arts à Grenoble

 

 

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