16 septembre 2019
LaDragonne_Grenoble_Budgetparticipatif
Le budget participatif est un outil permettant à la fois de recueillir des attentes, dialoguer entre services et habitants, tout en améliorant concrètement et rapidement des espaces de la ville. Dans le cadre d’un travail sur les initiatives citoyennes de transformation de l’espace public, le Cerema s’intéresse notamment aux propositions des budgets participatifs impactant l’aménagement et l’évolution du renouvellement des espaces publics.

DES BUDGETS PARTICIPATIFS EN PLEIN DéVELOPPEMENT

Faire la ville avec ceux qui l’habitent : ainsi pourrait être résumé le principe du budget participatif.

Créé en 1989 à Porto-Alegre au Brésil à l’initiative de la municipalité, le budget participatif a été conçu comme un outil permettant l’implication des habitants dans la politique d’aménagement de leur ville. Le dispositif a ensuite essaimé dans d’autres pays d’Amérique du Sud, puis dans le reste du monde : aujourd’hui, on estime à 2800 le nombre de villes ayant instauré un budget participatif.

En France, certaines collectivités ont mis en place un budget participatif dès le début des années 2000, et à partir de 2014 le dispositif s’est significativement développé pour atteindre environ quatre-vingt-dix collectivités engagées en 2018. Plusieurs études sur lesquelles s'appuie cet article, montrent cette montée en puissance : rapport "Dialog global" sur les budgets participatifs dans le monde, enquête annuelle du site lesbudgetsparticipatifs.com ...

Le budget participatif consiste, pour une commune, à allouer une partie de son budget d’investissement en vue de réaliser des projets relevant de l’intérêt général et permettant d’améliorer le cadre de vie. Le schéma ci-après en détaille les principales étapes ; pour autant chaque collectivité a adopté un processus propre qui s’enrichit d’une année sur l’autre.

schema budget participatif
Schéma des étapes d'un budget participatif

 


LE BUDGET PARTICIPATIF : UN DISPOSITIF FLEXIBLE À LA PORTÉE DE TOUTES LES COLLECTIVITÉS

En 2018, des communes allant de quelques milliers à plus d’un million d’habitants, aux contextes géographique, politique et économique variés, ont mis en place un budget participatif.

Cette diversité des exemples est notamment permise par la flexibilité qu’ont les collectivités lors de la rédaction du règlement du budget participatif : budget alloué (généralement jusqu’à 5 % du budget d’investissement de la commune), calendrier, fréquence , champs d’action concernés (espace public, citoyenneté et lien social, mobilité, etc.), gouvernance, personnes ou groupes autorisés à proposer un projet et à voter, rôle des associations, rôle de la collectivité dans le suivi du projet… le tout en fonction de leurs ressources humaines, techniques et financières et de leur volonté et objectif concernant le développement de la démocratie participative sur leur territoire.

 

Le budget participatif en 2018, c’est…

  • A Paris, 100 millions d’euros, soit environ 45€ par habitant
  • A Rennes, 3,5 millions d’euros pour 210 000 habitants
  • A Jarny en 2018, 250 000 € pour 8600 habitants, ce qui en fait le budget participatif le plus généreux par habitant en France (presque 30€ par habitant)
  • A Bourg-la-Reine, 4,94€ par habitant, ce qui correspond au montant médian national en 2018
  • En 2018, en moyenne sur les 90 villes françaises participantes, 7,47€ par habitant
  • Un montant médian à 4,94€ par habitant.

DES PROPOSITIONS DES CITOYENS POUR AMÉLIORER L’ESPACE PUBLIC

Les initiatives proposées, et parfois votées puis réalisées, issues du budget participatif concernent différents champs (culture, loisirs, sport, solidarité, santé, éducation, jeunesse,…) et interrogent plusieurs services des collectivités. Souvent à l’intersection de plusieurs thématiques et échelles, de nombreux projets proposés concernent des espaces publics du quotidien :

  • création de lieux favorisant le lien social (jardins partagés, jeux pour enfants, assises, aménagements éphémères...)

  • sécurisation du piéton (ralentisseur, agrandissement du trottoir, miroirs pour améliorer la visibilité...)

  • amélioration de la propreté des rues (poubelles, lieux dédiés pour les chiens, mise à disposition de sacs pour ramasser les crottes…)

  • actions en faveur de l’environnement et de la biodiversité (installation de ruches, de bacs à composts, de nichoirs, d’écriteaux pédagogiques...)

  • actions visant à améliorer l’image du lieu (végétalisation, décorations urbaines de type street art...)

 

QUAND LE BUDGET PARTICIPATIF REINTERROGE LES RELATIONS ENTRE SERVICES ET CITOYENS

Réunion de citoyens
Réunion citoyenne - Arnaud Bouissou - TERRA

Avec pour objectif initial de favoriser l’implication citoyenne et de réaliser des projets qui dépassent parfois les missions classiques des collectivités, le budget participatif permet d’innover dans la ville.

Pour autant, le développement fort des budgets participatifs, l’appropriation de l’outil mais aussi son détournement, révèlent un certain nombre de questions et d’enjeux sur la relation entre citoyens et services de la ville dans le processus de fabrication d’espaces publics adaptés aux besoins des usagers.

  • Des propositions qui relèvent parfois de l’entretien courant ? Il arrive en effet que des citoyens proposent des projets visant à améliorer la propreté des rues ou la sécurité routière par des moyens « classiques » tels que la mise à disposition de sachets à déjections canines ou la construction d’un ralentisseur. Ces propositions peuvent être vues comme de simples alertes sur la gestion courante de l’espace public. Ainsi, certaines communes comme la Ville de Morangis (93) ont décidé de retirer du budget participatif tous les projets « relevant du devoir de la Ville » et de les financer sur son budget d’investissement classique sans empiéter sur le budget participatif : les projets citoyens innovants et originaux sont ainsi favorisés.

  • Une boîte de dialogue entre services et citoyens ? Outre les projets réels qu’il engendre, le budget participatif permet en sus le recueil des attentes des usagers. A la manière d’une « consultation citoyenne » , l’outil créé un lieu de dialogue entre services municipaux et administrés. Ce moment de dialogue et de discussion autour de la politique d’aménagement est aussi important que le projet réalisé. Pour la Ville de Poitiers, le budget participatif permet ainsi de « découvrir les angles morts des quartiers » et d’améliorer la ville ensemble.

  • Une nouvelle manière de programmer les projets d’espaces publics ? L’ensemble des propositions de citoyens est à la fois une méthode permettant de susciter et de budgéter des petits projets complémentaires à une programmation pluriannuelle de travaux. Il arrive que des propositions de projet soient regroupées pour être structurantes et financées : cela peut être le résultat d’échanges directs sur les projets (comme à Poitiers) ou d’un arbitrage réalisé suite à une remontée de projets relativement similaires (comme à Paris). C’est aussi un moyen d’alimenter voire de légitimer des réflexions de la collectivité via des propositions non soumis au vote : thèmes de prédilection, espaces recueillant beaucoup de propositions...

  • Des citoyens qui deviennent des porteurs de projets ? Les idées de projet sont principalement déposées en ligne par une association, un conseil de quartier, ou un habitant. Alors qu’au départ, un citoyen présente seulement une idée, plus ou moins élaborée, les différentes étapes du budget participatif le font progressivement évoluer dans son statut : son projet pouvant être mis en débat, il est contraint de se positionner, de défendre ses idées en réunion publique, de parler de faisabilité technique et économique… Il devient un véritable porteur de projet, voire l’ambassadeur de l’enjeu auquel répond le projet. La Ville d’Avignon organise par exemple une « Ruche à Projet » où les porteurs exposent et discutent de leurs propositions. C’est l’occasion de « redonner du pouvoir au citoyen » et à des associations de riverains. Car les services accompagnent le porteur tant sur la faisabilité du projet que sur la prise de parole. Montreuil a par exemple édité un « guide d’organisation d’un atelier » pour que des citoyens puissent fédérer autour du projet qu’ils présentent.

  • Vers une revitalisation des espaces publics du quotidien ? De nombreux projets proposent des aménagements assez ponctuels, qui pourraient paraître anecdotiques mais qui contribuent grandement à la qualité d’un espace public. Au-delà des améliorations fonctionnelles nécessaires (amélioration de la sécurité des piétons), il s’agit souvent de créer du confort, des espaces de jeux, apporter de la nature à la ville, ajouter du mobilier urbain et des assises agréables. Autant de « petits » projets d’amélioration ponctuels qui participent de la redynamisation, voire de la revitalisation d’un espace auparavant uniquement traversé par nécessité. Ainsi, la commune de Lanester a notamment réalisé un parcours intergénérationnel ouvert et accessible, permettant de poursuivre l’aménagement des abords du parc du Plessis tout en permettant aux usagers de créer du lien (budget participatif édition 2016).

    Les espaces concernés ne sont pas souvent les places emblématiques de la ville, mais plutôt de petits espaces : squares, placettes, carrefours, rue banales. Ces aménagements d’espaces « du quotidien » sont aussi l’occasion de donner envie aux riverains de s’occuper de leur rue. Et l’occasion pour les services de la ville de réaliser des projets en régie qui vont au-delà de simples réparations/adaptations.

 

Prochain article : "Budgets participatifs : quand le numérique amplifie l’implication des citoyens"