6 novembre 2024
Validation d'un titre de transport dans un tram lyonnais
Arnaud Bouissou - TERRA
Les politiques de gratuité dans les transports en commun sont de plus en plus présentes dans le débat sur le financement des transports en France. Dans ce contexte mouvant et afin d’éclairer cette stratégie tarifaire, le Cerema a analysé et fait la synthèse des données disponibles à ce jour.

Gratuité totale ou partielle ?

La gratuité des transports doit être appréhendée sous deux angles. On parle aujourd’hui de gratuité totale et de gratuité partielle :

  • par gratuité totale, il faut comprendre une gratuité des transports qui s’applique à tous les usagers, sans distinction particulière. Toutefois, il est courant d’entendre parler de la gratuité totale même si la cible concerne uniquement certains résidents du territoire ou bien encore même si les services spécifiques de desserte comme les transports à la demande restent payants ;
  • par gratuité partielle, il faut comprendre une tarification qui s’applique à un contexte d’usage bien particulier (uniquement le week-end par exemple) ou à une catégorie précise
    d’usagers (c’est par exemple le cas pour les jeunes ou les personnes âgées) ou bien encore à un mix des deux.

 

Si ces politiques de gratuité, totales ou partielles, existent depuis plus de 50 ans, leurs développements semblent s’accélérer depuis ces dix dernières années. Ainsi, depuis 2010, ce sont près de 28 réseaux urbains qui ont mis en place des politiques de gratuité alors que seulement 17 réseaux proposaient ces politiques précédemment.

 

Quels sont les réseaux ayant mis en place des mesures de gratuité ?

Grâce à l’analyse des données de l’enquête TCU de 2019, le Cerema a comparé le niveau d'offre et d'usage des réseaux qui ont mis en place des mesures de gratuité.

Il ressort de cette première analyse que les politiques de gratuité totale sont plutôt mises en place par des petits réseaux de moins de 50 000 habitants alors que sur les réseaux de plus de 250 000 habitants, on peut remarquer l’absence de politique de gratuité totale, exception faite de Montpellier. Entre ces deux bornes, il existe une très grande diversité de politiques de gratuité, tout de même orientée vers des réseaux qui font de plus en plus le choix du "totalement gratuit".

Cette analyse montre également que l’offre et l’usage sur les réseaux où des politiques de gratuité sont présentes n’apparaît ni plus faible, ni plus élevé que sur les réseaux qui ne présentent pas ce type de tarification. On peut donc avancer l’hypothèse qu’il n’y a pas de corrélation apparente et évidente entre les politiques de gratuités totale ou partielle, et le niveau d’offre et d’usage de ces réseaux.

Données provenant de l'enquête TCU (Gart - UTP) 2022

De plus, en première approche, il n’y a pas de typologie-type évidente qui se démarque. Pour approfondir cette première analyse, il faudrait disposer de données plus complètes et précise à l'échelle de chaque réseau, pour évaluer les évolutions avant/après de la mise en œuvre d'une politique de gratuité.

Au-delà des effets d’offre et d’usage, très peu d'éléments nous permettent d'évaluer de façon quantitative les effets des mesures de gratuité sur l'usage des transports, le report modal ou les gains en émissions de C02 car les politiques de gratuité ne sont jamais mises en place seules et l’instauration de la gratuité des transports s’accompagne systématiquement de la mise en place d’autres actions qui modifient les pratiques de déplacement, en particulier l’usage des transports collectifs, et rendent donc souvent impossible l’évaluation du seul effet de la gratuité.

 

Gratuité et soutenabilité économique

Ce sujet fait l’objet de larges débats, dont il s’agit de donner dans cette étude quelques éléments d’éclairage et d’analyse. Il est évident que les enjeux financiers ne sont pas les mêmes selon la taille du ressort territorial desservi par le réseau. Dans les grands réseaux (> 250 000 hab) les recettes tarifaires participent souvent de façon non négligeable à l’équilibre global du réseau (environ 30 % en moyenne dans les réseaux métropolitains, cf graphique ci-dessous) et leur contribution tend à s’accroître au cours des 10 dernières années. Ainsi, appliquer une politique de gratuité sur un réseau métropolitain aura un impact potentiellement plus important que sur de petits réseaux.

Sur les réseaux en gratuité totale où nous disposons de données (enquête TCU) , la majorité est plutôt des réseaux où les recettes tarifaires contribuaient peu à alimenter le budget avant le passage à la gratuité. Cependant, cette assertion se base sur les chiffres disponibles sur 7 réseaux, ce qui reste un échantillon trop faible pour en tirer une généralité.

 

La ou les gratuités : un choix politique

Les impacts de ces politiques tarifaires, que ce soit sur les fréquentations ou sur les enjeux socio- et environnementaux, sont à ce jour assez peu évalués à l'échelle nationale. Toutefois, il reste pourtant essentiel pour l'intérêt général, de pouvoir mieux connaître les effets de telles politiques, pour que les collectivités puissent ajuster au fil du temps leurs politiques tarifaires. 

Nos premières analyses soulignent qu’il n’existe pas une seule typologie de réseau de transport qui soit propice ou qui interdise le développement de mesures de gratuité. On peut toutefois avancer que l’atteinte d'un meilleur équilibre budgétaire des transports publics est aujourd’hui une préoccupation importante pour les AOM, pour pouvoir gérer leur réseau, et surtout, le développer à la hauteur des enjeux d'avenir et des besoins de tous les publics. 

Par ailleurs, l'enjeu budgétaire ne doit pas être le seul à prendre en compte. Justifiées souvent par des objectifs locaux variés, les mesures de gratuité constituent avant tout un acte de politique local.

Avec l'essor de ces mesures, qui sont de plus en plus présentes sur les réseaux français et de façon plus récente sur les réseaux métropolitains, le Cerema continuera d’observer les évolutions et les dynamiques futures pour continuer à documenter de façon objective les enjeux associés à ces politiques tarifaires.