27 février 2025
Confort des revêtements
Le confort des revêtements dans les espaces publics des villes d'aujourd'hui et de demain est un facteur essentiel pour garantir l'accessibilité de la voirie à tous les usagers, qu'ils se déplacent à pied, en fauteuil roulant, avec un déambulateur ou une poussette.
Pour mieux cerner cette notion, la Métropole de Lyon et le Cerema ont initié un partenariat en recherche et développement pour définir une échelle de confort des revêtements, fondée à la fois sur le ressenti des usagers, notamment des personnes présentant des déficiences motrices ou visuelles, et sur des données quantitatives recueillies grâce à un démonstrateur de "fauteuil instrumenté" développé par le Cerema.

La réglementation impose la mise en accessibilité de l’ensemble des circulations piétonnes aux personnes en situation de handicap et de mobilité réduite et les associations d’usagers sont de plus en plus attentives à la prise en considération par les aménageurs et gestionnaires de voirie, des besoins de ces publics en matière de mobilité. Cependant les exigences esthétiques, la diversité des techniques et la variété des matériaux utilisés dans les espaces publics compliquent cette prise en considération.

 

Une démarche participative et citoyenne

L'usager est considéré comme un acteur incontournable de la connaissance des espaces publics. Il a donc été placé par l’équipe projet au cœur de celui-ci dès son démarrage. 

 

Tout d’abord, une enquête a été réalisée auprès d’une vingtaine d’acteurs variés : des personnes présentant une déficience visuelle ou motrice, des personnes en situation de mobilité réduite occasionnelle (poussette, talons, accompagnateur), des usagers du vélo ou d’engin de déplacement personnel (EDP), ainsi que des professionnels du handicap et des techniciens (maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, services gestionnaires)

 

Les enseignements recueillis ont permis d’identifier 4 types de confort : tactile, visuel, thermique et phonique.

 

Par ailleurs, le confort tactile a été défini par les personnes interviewées selon différents critères : absence d’obstacles, non glissant, facilité de marche / efforts à fournir limités, lisse avec ou sans accroche, pose à plat du pied, continuité de la planéité.

La Métropole de Lyon et le Cerema ont choisi de concentrer leurs recherches sur le confort tactile et visuel des revêtements.

 

Un panel de revêtements témoins 

3 sites ont été retenus pour leur diversité de matériaux : le secteur Marronniers – Hôtel Dieu et celui de Bellecour – Victor Hugo dans le 2e arrondissement, et le site Kimmerling / Esplanade Mandela dans le 3e. 

12 revêtements de nature ou de mise en œuvre variées ont été sélectionnés : pierre calcaire, pavés lyonnais sciés, pavés lyonnais bruts, sablé (stabilisé), béton sablé, asphalte, dalles calcaire, pavés granit avec deux calepinages différents, béton bouchardé, pavés béton et béton désactivé.

Sur chacun des revêtements considérés a été matérialisé un "tube de passage", espace clairement défini et identifiable où les tests avec les usagers et les mesures physiques ont été effectués afin d'obtenir des données précises et comparables dans des conditions contrôlées.


Une organisation des tests usagers bien orchestrée

La Métropole de Lyon a recruté et convoqué une cohorte de 27 usagers. 

16 d’entre eux présentaient une déficience motrice et se déplaçaient avec une ou deux cannes, en fauteuil roulant, électrique ou manuel, ou encore en scooter pour PMR.

Les 11 autres présentaient une déficience visuelle et se déplaçaient avec une canne blanche ou un chien-guide.

Les tests avec les usagers ont été réalisés avec l’appui d’une ergothérapeute - instructrice de locomotion, qui accompagnait notamment les testeurs dans le parcours, sans intervenir, hormis dans le cas où ceux-ci auraient été en situation de danger. L’instructrice de locomotion avait également un rôle d’observateur et consignait ses remarques sur la manière dont chaque participant se déplaçait.

Une enquêtrice était chargée d’interviewer les testeurs pendant le parcours sur chaque type de revêtement rencontré. Elle s’appuyait sur un questionnaire permettant à chaque usager d’attribuer à chaque revêtement une note entre 1 pour un revêtement impraticable à 5 pour un revêtement très confortable, et d’expliciter celle-ci en termes de gêne, voire de douleurs ressenties, d’effort physique à fournir, et enfin de gêne visuelle.

 

Le classement des revêtements par les testeurs

Les usagers ont testé les 12 revêtements des 3 sites, entre le 13 et le 21 mars 2024.

Les 3 revêtements les plus appréciés tous usagers confondus étaient le béton bouchardé, les dalles calcaires et le béton sablé. Ce classement varie selon les usagers : les testeurs à motricité réduite ont accordé leur préférence à l’asphalte, au béton désactivé et au béton bouchardé ; les testeurs déficients visuels ont plébiscité les dalles calcaires, les pavés béton et les pavés granit.

Parmi les revêtements les moins appréciés, l’inconfort voire l’impraticabilité des pavés lyonnais bruts a fait (sans surprise) l’unanimité chez tous les testeurs. Les joints rapprochés du fait de la petite taille des modules occasionnent de multiples gênes : ils entraînent le blocage de la canne blanche des personnes déficientes visuelles ou « freinent » les usagers en fauteuil. Mais surtout ils génèrent des secousses pouvant être douloureuses pour les personnes en fauteuil ainsi que pour celles se déplaçant avec une canne blanche (les vibrations remontant dans le poignet et le bras). Ce revêtement demande un effort de concentration important aux usagers.

Illustration 1: Les personnes déficientes visuelles apprécient le confort des dalles calcaires
Illustration 2 : Le béton bouchardé est jugé confortable par les testeurs mal marchants ou en fauteuil roulant
Illustration 3 : « C’est la manière dont les pavés sont posés qui est gênante. Je suis obligé de regarder où je pose mes cannes et mes pieds » (verbatim d'une personne mal marchante)
Illustration 4 : « Je cherche à prendre le chemin le moins compliqué possible et donc cela me demande un effort de concentration plus important ».(verbatim d'une personne en fauteuil roulant électrique)

 

Quelques perspectives et applications futures :

 

A court terme, les résultats obtenus seront intégrés dans une base de données sur laquelle les collectivités pourront s’appuyer pour élaborer leur catalogue de revêtements à destination des aménageurs.

Par ailleurs, grâce à quelques développements supplémentaires, le prototype ainsi conçu permettra de réaliser des diagnostics d'itinéraire et d’alimenter par exemple des applications d’aide au déplacement des PMR.

Enfin, le confort visuel, qui n’a pu être étudié dans des conditions adéquates dans ce travail partenarial, mérite d’être approfondi. Restent également à objectiver les conforts thermique et phonique des revêtements.

Contacts Cerema :

Céline Debès, directrice de projets Aménagement et usages de la voirie – Cerema CE, département Mobilités

Mohamed Bouteldja, directeur de projet Infrastructures et adhérence – Cerema CE, département Risques, Infrastructures, Matériaux