A cette occasion, une interview en 3 questions de l'auteur, Boris Leclerc, directeur du département Risques, eaux et littoral au Cerema.
Le petit Essentiel "Changement climatique-Adapter les territoires littoraux" a pour objectif de présenter aux élus de ces territoires les éléments-clés pour élaborer une stratégie d'adaptation au changement climatique.
Pour mieux comprendre les enjeux et les possibilités d'action, le Cerema propose une interview en 3 questions de l'auteur du document, Boris Leclerc, directeur du département Risques, eaux et littoral.
Les enjeux en termes d'adaptation des territoires littoraux au changement climatique sont-ils bien évalués par les collectivités ?
Les enjeux liés au changement climatique sur ces territoires sont importants et de mieux en mieux connus : 22% des côtes subissent une érosion, 1,5 million de personnes sont aujourd'hui soumises au risque de submersion marine en France métropolitaine et dans les DOM-TOM, selon les données de 2011.
On compte aussi 850.000 emplois situés en zone de submersion marine potentielle et jusqu'à 50.000 logements menacés à l'horizon 2100, comme l'a montré une évaluation prospective que nous avons publiée en 2020.
De fait, malgré l'importance de ces chiffres, on voit bien que les dommages restent limités. Pourtant ils sont toujours trop nombreux tant il représentent de réels traumatismes pour les territoires et ses habitants. Il y a donc des progrès à faire à plus forte raison si l'on regarde les événements de ces dernières années: il ne s'écoule pas une saison sans que l'évolution des phénomènes naturels ne soit imputable au changement climatique. Du point de vue de la prise de conscience, il semble que beaucoup de progrès ont été faits tant le sujet fait désormais régulièrement la une des médias grand public.
Sur le littoral, ces dérèglements climatiques se combinent : on observe une hausse du niveau des mers, des précipitations plus intenses par endroits, des régimes de tempêtes davantage présents, cela évolue et nécessite un suivi constant. Cette évolution implique un effort important pour les collectivités qui n'ont pas nécessairement les ressources pour les intégrer dans leurs documents opérationnels de planification (urbanisme, gestion de crise).
Ce guide présente la démarche pour définir une stratégie d'adaptation. Quels sont les principales difficultés / points d'attention pour collectivités?
Le format volontairement court du document a nécessité de nous questionner sur l'ambition à rechercher en matière d'adaptation des territoires au changement climatique. La démarche d'écriture du document résume à elle seule les points d'attention. Est-ce que le document présente un catalogue de solutions? La réponse est d'emblée non ! Non pas qu'il n'y en a pas mais d'une certaine manière la réponse apporte presque moins que la question. En effet l'étape de diagnostic du territoire est la plus importante. Elle n'a pas forcément besoin de mobiliser une expertise très poussée en première intention mais elle permet de poser la question du projet de territoire.
A titre d'illustration, la nouvelle loi climat et résilience prévoit que des cartographies locales (et des stratégies locales) de gestion du trait de côte pourront être réalisées par les collectivités. Techniquement des approches de représentation du trait de côte à l'avenir sont possibles mais elles seront toujours assorties d'importantes incertitudes. La question est donc de savoir s'il faut se réfugier derrières ces incertitudes pour attendre et ne rien faire ou s'il faut tenter des actions.
La démarche proposée encourage ces tentatives en fournissant des typologies d'actions pour cadrer la réflexion et surtout des critères de choix de telle ou telle stratégie. Avant de rentrer dans le détail d'analyse multicritères ou couts bénéfices, il m'a semblé important d'introduire le concept de maladaptation. Il théorise la nécessité d'agir dans un contexte incertain mais sans porter préjudice aux générations futures. En cette période et s'agissant d'adaptation - et d'atténuation également - face au changement climatique, il y a fort à parier que ce petit essentiel devrait circuler très largement.
Le Cerema est présent sur ces sujets à la fois au niveau de la recherche et sur les aspects opérationnels. Quel appui apporte-t-il aux collectivités en particulier ?
Le Cerema apporte en effet un appui et son expertise aux ministères. Nous sommes présents sur les questions relatives au trait de côte et participons aux instances de la stratégie nationale de gestion du trait de côte qui est le réseau des observatoires, du Comité National de Suivi et d'autres partenaires.
Le Cerema contribue à la structuration du réseau national des observatoires du trait de côte à travers sa participation à la cellule d’animation et à l’ensemble des groupes de travail. En matière de diffusion des connaissances, qui sont également utiles pour les collectivités, le Cerema contribue à l'alimentation du site Géolittoral, le portail des données sur la mer et le littoral, et élabore des guides méthodologiques, par exemple sur la cartographie du recul du trait de côte par les communes, ou sur les projets d'aménagement pouvant avoir un impact sur le trait de côte.
Nous menons aussi des échanges au niveau international avec des pays concernés par les problématiques de recul du trait de côte, comme Saint-Louis du Sénégal, les pays ouest-africains partenaires du projet WACA, ou encore la ville de Semarang en Indonésie qui est touchée par le phénomène de subsidence.
Nous travaillons beaucoup sur l'amélioration des connaissances sur le littoral, notamment avec la participation à la collection "Dynamiques et évolutions du littoral", qui actualise les catalogues sédimentologiques de France métropolitaine et d'outre-mer.
C'est aussi le Cerema qui a mis au point et cartographie l'indicateur national d'érosion côtière, et établi une première cartographie nationale des ouvrages côtiers, ouvrant la voie à une priorisation des enjeux présents sur le littoral. Des outils et applications pour la cartographie des zones côtières par satellite et le suivi du trait de côte par smartphone (application Rivage) ont aussi été mis au point par nos équipes.
Enfin nous sommes présents auprès des collectivités à travers l'appel à projets sur l’adaptation des littoraux avec l’Association Nationale des élus du littoral (ANEL), qui nous permet d'accompagner des territoires littoraux aux problématiques diverses pour définir une stratégie d'adaptation face au changement climatique.