19 octobre 2023
sacs de gravats du batiment
Arnaud Bouissou - TERRA
L’économie circulaire des déchets inertes permet de préserver les ressources naturelles en privilégiant la prévention et la gestion de ceux du BTP, le réemploi des matériaux au plus près des chantiers.

logo technicitesCet article du Cerema a été publié initialement par notre partenaire TechniCités.

Selon les données du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, en France, en 2018, avec un total de 240 millions de tonnes, le secteur de la construction a généré 72 % en masse de l’ensemble des déchets (1). Les déchets inertes représentent à eux seuls 92 % des déchets de construction (CERC, 2018).

Les matériaux et déchets inertes issus des projets de construction ou d’aménagement sont réemployés directement sur le chantier, réutilisés sur un autre chantier, transformés en ressources dans des installations de recyclage pour être réintroduits sur le marché des matériaux de la construction ou mis en stockage définitif.

 

Développer des filières locales de gestion des déchets inertes du BTP

En 2019, 28,1 millions de tonnes de ces déchets inertes ont été recyclées via les installations de recyclage.
En 2019, 28,1 millions de tonnes de ces déchets inertes ont été
recyclées via les installations de recyclage.

Selon l’Union nationale des producteurs de granulats (UNPG), en 2019, 28,1 millions de tonnes de ces déchets inertes ont été recyclés via les installations de recyclage. Ils peuvent être valorisés. De par leur rôle en matière d’urbanisme, d’aménagement du territoire, de maîtrise d’ouvrage de travaux et de police, les élus peuvent en faciliter la mise en place.

Pour répondre aux besoins des citoyens et des entreprises en matière de prévention et de gestion des déchets, des filières locales se développent. Au plus proche des chantiers, ces filières locales permettent de :

  • préserver les ressources naturelles : les matériaux générés sont utilisés sur le chantier (réemploi), dirigés vers d’autres chantiers ou vers des installations de recyclage pour un nouvel usage local ;
  • réduire les émissions de CO2, en diminuant le transport ;
  • créer des emplois non délocalisables.

 

L’essentiel

  • Les déchets inertes représentent 92 % des déchets de construction.
  • Les territoires peuvent favoriser des boucles d’économie circulaire pour les valoriser localement.
  • Des clauses spécifiques dans les marchés publics peuvent favoriser le réemploi, la réutilisation ou le recyclage.

 

 

De nouveaux outils réglementaires

Depuis le 1er janvier 2022, un diagnostic réglementaire, appelé diagnostic produits équipements matériaux déchets (PEMD) est requis pour les projets de démolition ou de rénovation significative de bâtiments de plus de 1 000 m² ou ayant accueilli une activité commerciale, agricole ou industrielle et ayant été le siège d’une utilisation, d’un stockage, d’une fabrication ou d’une distribution de substances dangereuses.

Le bordereau de suivi des déchets dangereux (formulaires Cerfa 12571*01 et Cerfa 11861*03) est maintenant informatisé. Le suivi des déchets dangereux est renseigné dans un premier temps par la maîtrise d’ouvrage puis par tous les détenteurs du déchet dangereux via le site trackdéchets (trackdechets.beta.gouv.fr). Les déchets de terres excavées et sédiments représentant un volume de plus de 500 m3 doivent être télédéclarés par la maîtrise d’ouvrage via le Registre national des déchets, terres excavées et sédiments (RNDTS).

L’économie circulaire dans l’urbanisme du territoire

Les marchés doivent être rédigés de manière à favoriser le réemploi des matériaux inertes.
Les marchés doivent être rédigés de manière à favoriser le réemploi des matériaux
inertes.

En tant qu’autorité compétente en matière d’urbanisme, les élus participent à la mise en place des documents de planification, tels que le plan local d’urbanisme (PLU) ou le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) et le schéma de cohérence territoriale (Scot). Ils sont également en charge des permis d’aménager ou de construire.

La connaissance du territoire est la première étape pour intégrer les principes de l’économie circulaire. Il s’agit de quantifier les flux de matériaux et de déchets inertes, les besoins en matériaux de construction et d’anticiper leurs évolutions en fonction du développement démographique.

Pour cela, les élus peuvent s’appuyer sur :

  • les services dédiés à la délivrance des permis de construire et d’aménager pour anticiper les futurs travaux ;
  • les documents de planification régionaux : le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) du BTP et le schéma régional des carrières (SRC) ;
  • les fédérations et syndicats locaux du BTP afin de connaître les besoins et attentes des professionnels.

En complément, une étude spécifique peut être confiée à un prestataire. Un état des lieux du territoire est ainsi établi. Il permet d’identifier les zones à conserver ou à aménager pour prévenir et gérer les déchets inertes. Celles-ci sont inscrites dans les orientations des Scot et déclinées dans les PLU ou PLUi. Le zonage des PLU ou PLUi conditionnera alors une occupation de sol à la nécessité de prévoir des aménagements pour la collecte et le traitement des déchets (2).

Il est également possible de préconiser l’utilisation de matériaux locaux issus du réemploi ou de la valorisation. Cependant, le choix des matériaux n’étant pas régi par les règles d’urbanisme, la délivrance du permis de construire ou d’aménager ne pourra être refusée sur ce critère. L’élu peut informer ses citoyens et aménageurs sur l’emploi de matériaux locaux issus du réemploi et du recyclage, notamment via le bulletin municipal ou intercommunal ou lors de réunions publiques.

 

Une organisation du territoire tournée vers l’économie circulaire

gestion des déchets inertesL’animation de réseaux d’acteurs industriels peut être portée par les collectivités, notamment au travers des démarches d’écologie industrielle et territoriale (EIT) pour lesquelles :

  • les déchets des uns deviennent une ressource pour les autres ;
  • une mutualisation des espaces permet un meilleur tri et une optimisation de la valorisation.

Selon l’Ademe (3), en 2019, ces démarches d’EIT sont portées pour 22 % par les collectivités. Pour ce faire, bles élus peuvent organiser des ateliers ou des séminaires afin de mettre en relation les acteurs locaux. Ils peuvent également mettre à disposition des moyens humains ou de communication. Afin d’accompagner les entreprises, les élus ont un rôle de facilitateur d’accès au foncier. Les principaux leviers d’actions sont :

  • les autorisations d’occupation temporaire des terrains du domaine public, par exemple en autorisant temporairement une zone de réemploi à proximité d’un chantier de démolition ;
  • l’attribution d’aides au développement d’installation d’offres privées de déchèteries professionnelles.

Il peut aussi être étudié une utilisation élargie des équipements publics, notamment en ouvrant les déchèteries publiques aux professionnels. En tant que maître d’ouvrage de travaux, les élus peuvent engager une économie circulaire de leurs projets en intégrant la prévention, la gestion des déchets inertes ainsi que l’utilisation de matériaux issus du réemploi, d’un autre chantier ou d’une installation de recyclage. Pour cela, trois étapes sont nécessaires :

 

1. Anticipation

Un diagnostic prévisionnel est réalisé à l’amont des projets de bâtiment ou de travaux publics. Ce diagnostic contient :

  • les natures et quantités des matériaux et déchets générés sur le chantier ;
  • les possibilités de réemploi ;
  • les solutions de gestion des excédents de chantier ;
  • l’identification des filières de valorisation des déchets inertes.

La maîtrise d’ouvrage définit ainsi la politique économie circulaire du projet, des ambitions de réemploi et de valorisation des déchets inertes. Le diagnostic est intégré aux pièces de marché.

Les déchets inertes

La réglementation définit un déchet inerte comme tout déchet qui ne subit aucune modification physique, chimique ou biologique importante, qui ne se décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique, n’est pas biodégradable et ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact d’une manière susceptible d’entraîner des atteintes à l’environnement ou à la santé humaine (code de l’environnement, art. R.541-8).

Les déchets minéraux issus de la construction et de l’aménagement (béton, terre, cailloux, briques, tuiles, carrelage) sont des déchets inertes.

2. Rédaction des marchés

Les engagements d’économie circulaire de la maîtrise d’ouvrage sont intégrés dans les marchés de maîtrise d’oeuvre et de travaux au travers de clauses spécifiques qui :

  • imposent un tri sept flux (4) pour les projets disposant d’une surface de stockage supérieure à 40 m², ou d’un volume de déchets supérieur à 10 m3 ;
  • fixent une traçabilité de l’ensemble des matériaux et déchets inertes.

Pour les projets dans le secteur du bâtiment, les prescriptions réglementaires liées à la nouvelle responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment seront à prendre en compte début 2023.

Les déchets inertes devront être triés pour prétendre à une reprise sans frais.

 

3. Organisation du chantier

La maîtrise d’ouvrage devra s’assurer de la bonne exécution des clauses d’économie circulaire en phase travaux. De plus, elle pourra réaliser une capitalisation de sa politique économie circulaire afin :

  • d’améliorer la connaissance des quantités et des qualités des matériaux et déchets ;
  • de recenser les filières de gestion des déchets inertes sur le territoire ; 
  • d’estimer les moyens humains et financiers pour les projets ;
  • d’anticiper les futurs travaux.

Le label 2EC est un outil d’accompagnement des maîtrises d’ouvrage qui permet de vérifier aux trois étapes la bonne mise en oeuvre de l’économie circulaire. Porté par le ministère en charge de l’Écologie et piloté par le Cerema, il amène les porteurs de projets à libérer, dans les territoires, les potentiels d’économie circulaire. Les porteurs de projets peuvent ainsi revendiquer leur démarche responsable (www.label-2ec.fr).

L’économie circulaire en pratique à Nîmes métropole

chantier tram busNîmes métropole intègre une démarche d’économie circulaire dans la deuxième phase du chantier de construction d’une ligne trambus. Le projet concerne le chantier de de BHNS appelé trambus hybride gaz-électricité qui se veut exemplaire en matière d’environnement. Le gaz est issu d’une usine de méthanisation des boues des stations d’épuration de Nîmes métropole.

Le projet adopte également une démarche d’économie circulaire et de recyclage des matériaux. La métropole s’est appuyée sur la labellisation 2EC pilotée par le Cerema. Ce label guide la démarche, il apporte le cadre réglementaire et l’expertise pour déployer l’économie circulaire du projet.

Des matériaux potentiellement réutilisables tels que le béton et les enrobés ont été identifiés à l’amont du projet, des prescriptions spécifiques ont été intégrées dans les appels d’offres pour les réemployer ou les valoriser. Ainsi, le choix des filières a été étudié pour favoriser le réemploi : certains arbres tels que les oliviers, supportant bien la transplantation, ont été déplacés et replantés.

Les produits utilisés pour la construction du trambus favorisent l’utilisation de matériaux issus du recyclage : les couches d’assises ont été entièrement réalisées avec des graves recyclées et les enrobés contiennent jusqu’à 50 % d’agrégats recyclés. Une traçabilité complète a été mise en place pour suivre la gestion de la totalité des matériaux et déchets générés par le projet. La démarche 2EC du Cerema s’inscrit dans le cadre plus vaste de la labellisation HQE Infrastructure de Nîmes métropole, et pourra être reconduite pour les autres projets d’envergure portés par la collectivité.

Par Françoise Tesse, directrice des grandes infrastructures au sein de la direction générale adjointe environnement et mobilité à la communauté d’agglomération Nîmes métropole

Dépôts sauvages

décharge sauvage avec éléments du BTP
Sylvain Giguet - TERRA

Les dépôts sauvages résultent de l’abandon de déchets dans des zones non autorisées. Le coût pour les collectivités est estimé entre 340 et 420 millions d’euros/an, selon l’Association des maires de France. En tant que garant de la salubrité publique, l’élu a la responsabilité de les résorber.

Les principales étapes sont :

 

1. Recenser des dépôts

Des outils de signalement permettant l’identification des dépôts peuvent être mis en place, par exemple plateformes internet ou téléphoniques. Des actions de communication peuvent informer les citoyens des outils existants.

Suite à l’identification d’un dépôt, un constat est réalisé par un agent de la collectivité habilité et assermenté.

 

2. Résorber le dépôt

Dans un premier temps, il faut tenter de solutionner le dépôt à l’amiable avec le responsable, ou, à défaut, le propriétaire du terrain. Il faut aussi éviter que le dépôt sauvage attire d’autres dépôts, par exemple en posant des rubalises, des blocs béton ou des panneaux indicatifs. S’il n’est pas possible de trouver un accord, les procédures administratives et pénales peuvent être déclenchées.

 

3. Pérenniser la réhabilitation du dépôt

Pour chaque dépôt, les informations sur la localisation, la récurrence, la nature des matériaux du dépôt, peuvent être recueillies pour en comprendre les causes. Des solutions adaptées au contexte et aux problématiques identifiées peuvent être proposées comme la modification des horaires d’ouverture d’une déchèterie, la sensibilisation des acteurs aux conséquences des dépôts et l’implantation de nouvelles installations de collecte et de traitement des déchets inertes.

Ainsi, les collectivités peuvent mettre en oeuvre une économie circulaire dans leur territoire pour prévenir et gérer au mieux les déchets inertes.

 


Par Agathe Denot et Julie Paciello, cheffes de projet Economie circulaire, Cerema

 

 

couverture

Un cahier pratique pour les collectivités

Le Cerema a publié avec l'Institut national de l'économie circulaire un cahier synthétique pour les élus et leurs équipes, afin de mettre en oeuvre l'économie circulaire dans le domaine du BTP.

Fondé sur des retours d'expérience et illustré par de nombreux exemples, ce cahier fournit aux collectivités des clés pour décarboner leurs chantiers, pour réduire la consommation de matières premières et augmenter l’attractivité de leurs territoires via l'installation de nouvelles filières créatrices d’emploi.