19 décembre 2024
système de ventilation en toiture
Cerema
Préserver la qualité de l’air intérieur des bâtiments est un enjeu de santé publique et de patrimoine. Le cadre réglementaire est complexe, entre bâti existant, dispositif éco-énergie tertiaire, construction neuve, sans oublier les démarches volontaires.

Cet article a été publié par notre partenaire TechniCités.

Préserver la qualité de l’air intérieur des bâtiments est un enjeu de santé publique et de patrimoine. Le cadre réglementaire est complexe, entre bâti existant, dispositif éco-énergie tertiaire, construction neuve, sans oublier les démarches volontaires. Un système de ventilation, qu’il soit mécanique ou naturel, répond à trois fonctions : apporter de l’air neuf dans les locaux, faire circuler l’air et extraire l’air vicié, dans les pièces les plus « polluées » ou humides. 

La ventilation des bâtiments, qu’ils soient résidentiels ou tertiaires, répond à plusieurs enjeux

  • la santé des occupants ;
  • l’évacuation des polluants, dont l’humidité ;
  • la conservation du bâti, en évitant les condensations et les moisissures pouvant engendrer une dégradation de l’enveloppe du bâtiment. 

La ventilation est un outil essentiel pour assurer une bonne qualité de l’air intérieur (QAI) tout en maîtrisant l’énergie. En effet, il existe diverses manières d’améliorer la QAI : d’abord réduire les sources de pollution, ensuite renouveler l’air et enfin, si les deux premières solutions ne sont pas suffisantes, traiter l’air – avec toutes les précautions qui s’imposent. 

Il y a deux manières de renouveler l’air : par l’aération, qui est une action ponctuelle et manuelle de l’occupant (non permanente) et la ventilation (via un système intrinsèque au bâtiment). 

 

Si les deux solutions sont complémentaires, la ventilation est la solution la plus efficace sur le long terme et la plus économe en énergie. L’accompagnement des occupants et la diffusion de l’information sont également essentiels.

 

Pourquoi se préoccuper de la qualité de l’air intérieur ?

La bonne QAI est un véritable enjeu de santé publique. Les impacts de sa mauvaise qualité sont divers : de la simple irritation des muqueuses aux cas les plus graves de cancers. La QAI traduit également un enjeu de confort, une bonne qualité de l’air participant au bien-être dans un lieu. C’est également un enjeu socio-économique. Pour preuve, une étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), et de l'université Paris-I en 2014 a déterminé un coût de la mauvaise QAI s’élevant à 14 milliards d’euros par an pour la France, ceci étant basé sur seulement six polluants.

 Ce coût était donc certainement sous-évalué et a très probablement augmenté depuis dix ans. QAI et énergie sont souvent vus comme contradictoires. Or, s’ils sont pensés ensemble, une bonne optimisation, adaptée à l’occupation et aux activités du bâtiment, est aisée à trouver. Il ne faudrait pas être tenté, par exemple en temps d’accroissement des coûts de l’énergie, de sacrifier la QAI et/ou la ventilation au profit des économies d’énergie en baissant arbitrairement les débits pour baisser la facture, sans préoccupation de l’impact sur l’air intérieur. La performance énergétique est aujourd’hui un enjeu bien identifié, ce qui n’est pas encore le cas de la QAI. Les acteurs ne s’en saisissent pas ou peu, et le problème de monétarisation directe, au-delà duquel il faut passer pour avancer, persiste. 

D’après Maria Nera de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au niveau mondial, les sociétés ont déjà payé deux fois le coût de la mauvaise qualité de l’air (extérieur et intérieur). Il est donc temps d’agir différemment et la ventilation est un outil formidable et finalement assez simple pour assurer une bonne QAI. Son dimensionnement et ses consommations sont prévisibles et doivent être pris en compte dans les calculs énergétiques, dans le neuf comme en rénovation. Attention cependant, lors de l’installation, à l’équilibrage des réseaux et leur bon entretien. 

Nous constatons que ces points sont souvent défaillants, et c’est alors la double peine : surconsommation d’énergie et mauvais renouvellement d’air. Un système de ventilation se dimensionne au préalable, dans le neuf ou en rénovation. Il s’entretient via un contrat (changement de filtre, réglage régulier des débits, équilibrage), et cela demande des compétences : les services et/ou les prestataires doivent être spécifiquement formés.

Des démarches qualité peuvent être mises en place pour assurer l'efficacité et la durabilité des systèmes de ventilation, qui sont soumis à une réglementation stricte :
  • Dans le résidentiel, l'arrêté du 24 mars 1982 impose une ventilation permanente et définit des débits d'extraction d'air pollué. 
     
  • Dans le secteur tertiaire, le code du travail et le règlement sanitaire départemental régissent la ventilation pour les salariés et non-salariés, respectivement, en précisant les débits d'air requis. La réglementation RE2020, applicable à la construction neuve, exige une vérification obligatoire des systèmes de ventilation à la réception des travaux, incluant des contrôles de fonctionnement et des mesures de débits. Ce processus est encadré par le protocole Ventilation RE2020, qui comprend des étapes de pré-inspection et de vérification. 

De plus, la profession est accompagnée par des dispositifs de formation et de qualification. 

© Cerema

Aujourd’hui, les bâtiments résidentiels neufs soumis à la RE2020 et équipés de systèmes de ventilation mécanique simple ou double flux doivent faire l’objet de cette vérification réglementaire à la réception des travaux, et d’une conformité finale du système de ventilation. C’est une avancée prometteuse, qui permettra d’améliorer les pratiques et les performances dans le résidentiel.

Protocole PromevenTertiaire

Il n’existe encore rien de similaire dans la réglementation RE2020 pour les bâtiments tertiaires. Néanmoins, un protocole PromevenTertiaire a été publié en novembre 2022. C’est l’aboutissement d’un projet de trois ans ayant réuni un ensemble de spécialistes du domaine. Il synthétise le meilleur des outils de diagnostics. Il peut servir de support pour réaliser le diagnostic d’une installation de ventilation dans le tertiaire. À l’instar de ce qui s’est produit pour le résidentiel, les retours d’expérience liés à son utilisation pourront l’enrichir et le fiabiliser, avant de l’envisager avec une portée plus forte. 

Le dispositif Eco-énergie tertiaire fixe des économies d’énergie dans le secteur tertiaire, avec des paliers temporels. Chaque gestionnaire doit prévoir des actions : travaux sur l’enveloppe, installation d’équipements performants, modalités d’exploitation des équipements, usages économes, tout en garantissant les fonctions essentielles du bâtiment et notamment le confort et la santé des usagers. 

La ventilation est souvent invisible et insensible (on ne constate pas de manière flagrante, ni visuellement ni par le ressenti, une baisse de débit). Les débits de ventilation ne doivent pas pour autant être diminués arbitrairement pour réaliser des économies d’énergie : les débits minimums sont réglementés et les conséquences sanitaires et sur le bâti peuvent être graves en cas de sous-ventilation. Avoir une surveillance et une maîtrise des débits est un très bon réflexe pour les optimiser à l’usage réel, mais en respectant au moins les exigences réglementaires.

Surveillance dans les ERP

La surveillance de la QAI dans les établissements recevant du public (ERP) concerne notamment les crèches et établissements scolaires et comprend des obligations de vérifications annuelles (évaluation des moyens d’aération), tous les quatre ans (auto-diagnostic), et à chaque étape clé (campagne de mesures) afin de nourrir un plan d’action. Ce dispositif a été révisé au 1er janvier 2023 et a été renforcé. Ainsi, la QAI ne doit plus être une option, et lorsqu’il y a un système de ventilation il faut l’exploiter au mieux ! 

Par ailleurs, dans le tertiaire, le protocole PromevenTertiaire définit le contrôle du fonctionnement d’un système de ventilation. Il fait consensus auprès des professionnels. 

La méthodologie se décompose en phases de :

 - Pré-inspection : préparation de l’intervention sur site, récupération et analyse des documents utiles ;

 - Inspection sur site

- Mesures sur site (débits et autres).

Chacune de ces phases est explicitée et illustrée. Le protocole propose, entre autres, une liste de points de vérifications, présentée sous forme de grille d’analyse. À ce jour, il est expérimenté par des professionnels pour contribuer à des retours d’expérience en vue de l’améliorer encore. Aujourd’hui, il n’est pas obligatoire réglementairement, mais il peut servir de référence pour certains labels, ou pour des démarches exemplaires voulues par une maîtrise d’ouvrage. Il peut servir de support à la réception d’un système de ventilation neuf, que ce soit dans un bâtiment existant ou neuf, ou de diagnostic d’un système existant. Il est aussi très utile en check-list lors de l’exploitation maintenance, pour ne plus passer à côté d’éléments essentiels au bon fonctionnement du système. 

Comme pour une voiture ou pour une chaudière gaz, même si le système initial est performant, il est important de le contrôler régulièrement dans le temps pour vérifier son état et son bon fonctionnement. Quel que soit le système installé, il est important qu’il soit performant intrinsèquement, correctement réglé pour la mise en service, et régulièrement contrôlé et entretenu pendant son utilisation. Pour répondre à ces besoins de contrôle et d’entretien maintenance réguliers, il faut que le personnel technique qui en a la charge soit informé et sensibilisé, dans les collectivités ou dans le privé. L’objectif d’une telle formation est de s’assurer que les réglages sont adaptés et que les points de vigilance pour la maintenance sont compris. 

Le Cerema a déjà répondu favorablement à une demande de formation d’une entreprise d’entretien et de maintenance, pour sensibiliser et former aux enjeux de la ventilation, à la réglementation, aux défauts classiques de mise en œuvre, aux protocoles de vérification et de mesure, au dimensionnement des installations. Si l’entretien est externalisé, les exigences apportées au cahier des charges permettant de faire réaliser cette maintenance doivent être complètes et intégrer des points sur la formation des intervenants. Ce manque de compétences et/ou de temps est actuellement constaté sur le terrain, notamment via l’expérimentation du Hub Air Energie. Cela est aussi lié aux prix bas pratiqués pour la maintenance de ces systèmes y compris en collectivités et dans les établissements scolaires.

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Intégrer l’optimisation des systèmes à l’occupation/à l’usage ainsi qu’un équilibrage régulier (tous les cinq ans par exemple) devient également nécessaire, le passage à l’action et le suivi au quotidien doivent être organisés. Un effort supplémentaire est à faire au départ pour se former et se structurer. Autrement, cela peut être difficile à mettre en œuvre. Ceci montre bien le besoin de sensibiliser sur le sujet de la ventilation et de ses enjeux, car les collectivités territoriales ont un rôle central à jouer, via les bâtiments publics qu’elles construisent et gèrent, à travers notamment les exigences dans leurs cahiers des charges et leurs marchés publics. 

En définitive, optimiser la QAI notamment par une bonne conception et un bon entretien du système de ventilation est essentiel. Cela n’a jamais été autant d’actualité avec, en trame de fond, la future mise à jour de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD)qui devra être traduite dans le droit français : celle-ci pourrait impose rune évaluation et la mesure lors d’un commissionnement et au cours del a vie du bâtiment de la qualité de l’environnement intérieur, incluant la QAI. 

Un hub pour l’air et l’énergie

Le Cerema et l’Institut français pour la performance énergétique des bâtiments (Ifpeb) ont lancé le Hub Air Energie en juin 2022 avec le soutien de l’Ademe et du ministère de la Transition écologique, sur dix établissements scolaires et sur cinq bâtiments tertiaires, avec et sans centrale de traitement de l’air (CTA). 

 

Cette expérimentation de vingt-quatre mois a pour objectif d’optimiser la qualité de l’air intérieur (QAI) des sites participant tout en maîtrisant les consommations d’énergie.

Un diagnostic participatif QAI a été effectué sur chaque site, promouvant un plan d'action comprenant :  
  • L'installation d'un système de surveillance continu de douze mois ;
  • La conduite de campagnes de mesure ponctuelles du formaldéhyde ;
  • La mise en place d'une animation du Hub pour stimuler l'engagement des participants ;
  • L'offre d'ateliers pédagogiques pour sensibiliser les utilisateurs des bâtiments concernés. 
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L’objectif a ainsi été adapté afin d’avancer au rythme de chacun. Une palette d’actions a été proposée pour faciliter le changement : atelier de sensibilisation auprès des élèves, échange avec des professeurs intéressés, pose de fiches de protocole d’aération, test sur ces protocoles ou QR codes posés dans les salles avec des conseils d’aération, tests sur les CTA existantes afin d’optimiser leur fonctionnement à l’occupation et à l’usage réels… L’expérience est très riche et les retours positifs, ce qui traduit à la fois une réelle appétence des collectivités pour travailler sur le sujet QAI/maîtrise de l’énergie et un besoin d’accompagnement.

💡Une publication est disponible, dont l'objectif est de soutenir la mise en œuvre de ce projet, en se concentrant sur les protocoles de vérification et de mesure, ainsi que sur le dimensionnement des installations.

Si l’entretien est externalisé, les exigences apportées au cahier des charges permettant de faire réaliser cette maintenance doivent être complètes et intégrer des points sur la formation des intervenants. Ce manque de compétences et/ou de temps est actuellement constaté sur le terrain, notamment via l’expérimentation du Hub Air Energie. Cela est aussi lié aux prix bas pratiqués pour la maintenance de ces systèmes y compris en collectivités et dans les établissements scolaires.

 

Par Cécile Caudron, adjointe au chef de groupe bâtiments et énergies durables, et Sandrine Charrier, cheffe de projets Ventilation - Cerema