23 décembre 2021
Systèmes d'aération dans une usine, vue des tuyaux au plafond
Pixabay
Alors que les acteurs du secteur ont de plus en plus conscience des atouts du bon fonctionnement des systèmes de ventilation, la majeure partie des bâtiments n’est toujours pas conforme aux réglementations et présente de nombreux dysfonctionnements.
Romuald Jobert, Chef de projet qualité technique et environnement intérieur des bâtiments au Cerema, a répondu aux questions de notre partenaire Construction 21 sur les moyens d'améliorer la qualité des installations.

logo construction 21Cet entretien a été réalisé par la plateforme Construction 21 et publiée le 2 novembre 2021 pour présenter la plateforme de ressources à destination des acteurs du domaine de la ventilation: le site Bâtiment Ventilation qui vise à favoriser l'amélioration des pratiques. 

 

Pourquoi avoir lancé une plateforme de ressources sur la ventilation ?

Romuald Jobert : Un peu avant 2015, le Ministère de la transition écologique, en concertation avec les acteurs de la ventilation, a fait le constat que la filière n’était pas identifiée en tant que telle en France. Cela a abouti à la création du Club Ventilation, qui réunit aujourd’hui environ 60 acteurs du secteur (fabricants, constructeurs, artisans, entreprises, bureaux de contrôle, etc.). Le club a pour mission d’harmoniser les différentes pratiques de mise en œuvre des systèmes de ventilation, de faire le point sur la réglementation, fiabiliser les connaissances, de permettre aux acteurs de se réunir, etc. Par exemple, il a publié dernièrement un livre blanc sur la ventilation, qui a été porté à connaissance des Ministères en charge de la construction. 

Cependant, le secteur manquait encore d’une plateforme unique, validée par les professionnels de la filière, qui serve de portail de ressources et d’informations sur la ventilation. C’est pourquoi le site bâtiment-ventilation a été lancé. La création de la plateforme a été confiée au Cerema et au CETIAT et le contenu est validé par le Club Ventilation. Le tout est financé dans le cadre du programme PACTE et par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire (DGALN).

 

Concrètement, que contient la plateforme ?

dessin d'une maison avec courants d'air entrants et sortants
Adobestock

Romuald Jobert : La plateforme contient trois rubriques principales. Les rubriques "réglementation" et "normes et règles de l’art" ont pour vocation d’informer sur les normes et règles en vigueur pour la ventilation des bâtiments. Elles proposent de nombreuses ressources aux usagers de la plateforme. Elles sont alimentées en permanence via une veille d’actualité poussée.

La rubrique "Bonnes pratiques" présente des retours d’expériences sur des projets de l’Ademe, de l’Agence Nationale de la Recherche, des guides techniques ou méthodologiques, etc. La majeure partie des contenus sont soumis à l’expertise du Club Ventilation (notamment les articles et les retours d’expérience). Cela permet de légitimer les ressources publiées.

Le site comprend également une FAQ en complément sur le site. Les utilisateurs peuvent ainsi trouver rapidement les réponses que le Club Ventilation apporte aux questions des professionnels. Aujourd’hui, la plateforme commence à être bien identifiée dans la profession, la fréquentation du site augmente régulièrement.

 

L'aspect ventilation est-il suffisamment pris en compte dans les bâtiments ?

Système de chauffage aération d'un immeuble
Chaufferie - aération d'un immeuble - Cerema

Romuald Jobert : Il faut savoir que la réglementation sur la ventilation des bâtiments est assez ancienne: le document réglementaire de référence pour le secteur résidentiel neuf est un arrêté de mars 1982. Or, jusqu’en 2015, les taux de non-conformité de la ventilation en résidentiel neuf étaient très élevés. Aujourd’hui encore, même si ce taux diminue, les nouveaux logements n’arrivent toujours pas à atteindre les débits mentionnés dans l’arrêté de mars 1982. La qualité des installations de ventilation dans le secteur de la rénovation est difficile à évaluer car il n’y a pas d’obligation de contrôle réglementaire spécifique pour tous les bâtiments construits avant mars 1982.

 

Cependant, nous constatons actuellement un mouvement général favorable à la ventilation. La notion de qualité de l’air intérieur commence à faire son chemin dans les esprits.

 

Les acteurs prennent conscience du rôle de la ventilation dans la qualité sanitaire de l’air et dans la conservation du bâti (une mauvaise ventilation peut-être la cause d'un excès d'humidité à l'intérieur des logements et générer différents désordres comme les moisissures, la corrosion ou l'oxydation des matériaux). C’est en bonne voie !

 

Sur quels points peut-on progresser pour améliorer la ventilation ?

Romuald Jobert : Les points centraux sur lesquels nous devons progresser sont la phase d’exécution et notamment la qualité des systèmes de ventilation installés. Traiter ces deux éléments permettrait d’améliorer la ventilation des bâtiments et par conséquent : la QAI, le confort thermique et le bon état du bâtiment.

Cela soulève deux enjeux :

 

1. La ventilation fait intervenir des filières variées, qui n’échangent pas forcément entre elles.
maison individuelle en construction
Adobestock

En phase d'exécution des travaux, on peut expliquer la non-qualité des installations par la dispersion des acteurs issue de la multiplicité des lots techniques. Ainsi, on observe dans l'examen des processus de passation des marchés de travaux d'exécution que la ventilation fait rarement l'objet d'un lot spécifique.

En conséquence, l'installation des différents composants de la ventilation est en général répartie entre divers corps de métier sans qu'aucun d'entre eux ne soit responsable du résultat final.

Il peut être assez compliqué d’identifier les acteurs à solliciter en cas de problèmes sur une installation de ventilation. Ainsi, en fonction du type de système, il va falloir se tourner vers un plombier, un chauffagiste, un électricien, ou autre. De plus, il est très souvent nécessaire de faire intervenir plusieurs corps de métiers. Par exemple, quand une bouche d’entrée d’air est placée sur une fenêtre, il faut se coordonner avec le menuisier.

 

2. Les acteurs ne disposent pas toujours de formation solide sur la ventilation.

Du fait de la diversité des corps de métier qui interviennent en phase d'exécution, il n'existe pas ou très peu d'entreprises et d'artisans spécialisés dans l'installation ou la maintenance des systèmes de ventilation.

Il y a une méconnaissance générale sur les enjeux de la ventilation, sur les atouts d’un système performant. En outre, de nombreux acteurs ne sont pas formés à la vérification de la conformité. Or, la notion d’auto-contrôle est essentielle afin d’être capable de vérifier soi-même si son installation est correcte.

Il faut donc fédérer ces acteurs et leur donner accès aux connaissances sur la ventilation. C’est bien là tout le propos de la plateforme "bâtiment-ventilation" et d'initiatives comme le projet VENTIL’acteurs.

Quelle place pour les systèmes de ventilation plus frugaux, tels que la ventilation naturelle ou hybride, dans les bâtiments de demain ?

Romuald Jobert : La place de ces systèmes va dépendre du type et de la période de construction des bâtiments, pour des raisons notamment réglementaires. Actuellement, la ventilation naturelle ou hybride ne répond pas aux exigences de l’arrêté de mars 1982 pour le résidentiel neuf. En effet, d’après la réglementation, la ventilation doit y être "permanente et continue", ce qui n’est pas toujours possible avec les systèmes hybrides. Par conséquent, les systèmes de ventilation naturelle et hydride sont aujourd'hui utilisés et très souvent mis en œuvre en habitat collectif existant dans le cadre de travaux de rénovation ou de réhabilitation non soumis à l'arrêté du 24 mars 1982.

Dans le secteur tertiaire, la ventilation naturelle est plus généralement utilisée pour répondre, conjointement ou non, à deux objectifs : la ventilation pour le confort d'été et la ventilation sanitaire ou hygiénique.

Si la réglementation semble moins contraignante dans le secteur tertiaire, l'impact architectural des solutions de ventilation naturelle ou hybride, qui imposent très souvent la présence de cheminées externes et une bonne maîtrise des concepts bioclimatiques, représente un frein au développement de ces techniques alternatives de ventilation. D'après les professionnels de cette filière, concevoir et construire un bâtiment en ventilation naturelle signifie assumer une prise de risque car "les donneurs d'ordre manquent encore de retours d'expérience".

Au-delà de la réglementation, si nous voulons généraliser ces filières alternatives, il est nécessaire de disposer d'acteurs formés, qualifiés et préparés à ce genre d’installation. En effet, la ventilation naturelle demande de penser le bâtiment entier, dès la conception. Cela demande des compétences et des connaissances poussées que, là encore, tous les acteurs n’ont pas forcément.

Néanmoins, quel que soit le type de bâtiments, la pertinence économique et environnementale de la ventilation naturelle est à étudier et l'arrivée de nouvelles technologies hybrides, qui associent au principe passif des éléments mécaniques à fonctionnement permanent ou intermittent, rend ces systèmes plus fiables et leurs permettent de mieux répondre aux exigences de la réglementation.