Le Cerema présente dans cet article les résultats de deux études menées sur la lutte contre les Espèces Exotiques Envahissantes (EEE):
- Un état des lieux des pratiques et connaissances existantes sur la prise en compte des EEE dans l’utilisation des terres végétales en phase chantier,
- Une analyse des techniques de gestion des renouées asiatiques et de la gestion d'importants volumes de terres infestées.
Un besoin commun à deux territoires
Sur un pas de temps relativement proche, les DREAL Hauts de France et Bourgogne-Franche-Comté ont mobilisé le Cerema pour obtenir :
- un approfondissement des connaissances sur les méthodes de gestion des terres infestées par les espèces exotiques envahissantes (EEE),
- des propositions de recommandations qu’elles pourraient utiliser dans leur cahier des charges tout au long de leurs projets d’aménagement.
En effet, bien que la loi sur la biodiversité de 2016 confère aux maîtres d’ouvrages un certain nombre de responsabilités concernant les EEE présentes sur leurs emprises, la réglementation française ne définit pas de statut pour les terres végétales infestées par celles-ci. Cependant, il est primordial d’effectuer des recommandations pour leurs prises en compte durant les différentes phases d’un projet d’aménagement, afin de limiter la propagation des EEE et par conséquent de diminuer les coûts ultérieurs inhérents à leur gestion.
La demande de la DREAL Hauts de France concernait la prise en compte de l’ensemble des EEE végétales, dont la renouée du Japon, lors d’un aménagement, alors que celle de la DREAL Bourgogne-Franche-Comté ciblait plus spécifiquement les renouées asiatiques sur un chantier routier.
Des rendus différents, mais une méthodologie commune
Le Cerema (directions territoriales Hauts de France et Centre-Est) a répondu à ces demandes avec la même méthode : une analyse bibliographique suivie d’une consultation des maîtres d’ouvrage afin de recueillir leurs pratiques en terme de recommandations.
L’enseignement global du Cerema , est que les EEE doivent être prises en compte dès la phase étude d’un projet par les maîtres d’ouvrages, durant les travaux et jusqu’après la livraison des travaux. Pour ce faire, il est important que les maîtres d’ouvrages soient accompagnés sur le sujet par un spécialiste et établissent un certain nombre de recommandations dans leurs cahiers des charges avant travaux. Ceci permettra de limiter la propagation massive des EEE lors des chantiers et de réaliser ultérieurement des économies de gestion de ces EEE.
Ces études et l’ensemble de leurs enseignements ont été présentés lors de la "Avant et après la lutte contre les EEE - Gérer les intrants et valoriser les produits de gestion", organisée par le Cerema le 23 mars 2021.
EEE: des précautions à prendre en amont des travaux
En France il n’y a pas de statut caractérisant du point de vue réglementaire les terres végétales contaminées par les EEE, qui sont considérées comme des déchets inertes non dangereux. Ils sont donc sous la responsabilité du producteur ou du détenteur de ces terres jusqu'à leur élimination ou leur valorisation finale. Considérés comme des biodéchets, ils doivent être autant que possible valorisés par compostage ou méthanisation.
Les pratiques en matière de prise en compte des EEE: une étude pour la DREAL Hauts-de-France
Les maîtres d’ouvrages ont un certain nombre de responsabilités concernant les EEE présentes sur leurs emprises, et sur leur dissémination. Pour éviter la dissémination des EEE via les terres végétales lors de travaux, le cahier des charges constitue un enjeu important à deux moments clés : la phase étude avant travaux, et la phase de travaux à proprement parler, qui sont présentées dans le rapport "Terres végétales et espèces exotiques envahissantes" qui a été réalisé pour les DREAL Hauts-de-France.
Plusieurs techniques sont possibles pour traiter les terres contaminées:
- Criblage concassage pour obtenir des morceaux de moins d'un centimètre, empêchant la renouée de repousser. Cette technique a cependant certaines limites explicitées dans le rapport.
- Concassage et bâchage, en excavant les terres contaminées et en les disposant en fines couches pour ensuite les concasser finement et obtenir un broyat. La terre est ensuite remise dans l'excavation et recouverte d'une bâche opaque.
- L'enfouissement : l'objectif est d'enterrer la terre contaminée assez profondément pour que les plantes ne repoussent pas. La profondeur de plusieurs mètres varie selon les espèces (5m pour la renouée par exemple) et cette terre ne doit pas bouger pendant plusieurs années.
- L'encapsulage est une solution alternative d'enfouissement, en creusant une grande fosse dans laquelle on dépose les terres contaminées qu'on recouvre de sable, d'une membrane géotechnique épaisse et de deux mètres de terre.
Le rapport présente aussi un guide d'identification des rhizomes de Renouée du Japon.
Quelles méthodes de gestion des renouées asiatiques ?
La seconde étude réalisée pour la DREAL Bourgogne-Franche-Comté est une analyse bibliographique des méthodes de gestion des renouées asiatiques avec des recommandations pratiques pour la gestion d'importants volumes de terres infestées, aussi bien en amont du chantier que lors de sa réalisation.
Cependant, le compostage est plus ou moins efficace suivant la technique utilisée, et la méthanisation peut se faire dans les unités de méthanisation existantes mais beaucoup les refusent.
D'autres techniques existent:
- Brûlage sur place,
- Solarisation par ensachage, qui convient pour de faibles volumes.
- Enfouissement simple ou avec capsulage comme mentionné dans l'étude précédente.
Le rapport présente les enjeux spécifiques liés aux chantiers routiers et la méthode en 5 étapes pour élaborer un plan de gestion. Il expose également les méthodes écologiques et mécaniques de lutte contre les parties aériennes et enterrées des renouées asiatiques, en estimant les coûts.
L'analyse bibliographique montre que plusieurs méthodes conviennent pour la gestion des terres infestées par les renouées asiatiques lors de terrassements linéaires sur des chantiers routiers :
- L’excavation et l’enfouissement à une profondeur d’au moins cinq mètres ;
- L'excavation et le stockage dans des centres d’enfouissement technique de classe 2 ;
- Le concassage qui englobe deux techniques : le concassage/bâchage et le criblage/
concassage. La technique du criblage/concassage présente le meilleur compromis coût/efficacité pour le traitement d’un volume important de terres infestées notamment au démarrage d’un chantier.
Ce rapport propose dans la deuxième partie des recommandations pour gérer d'importants volumes de terres infestées, notamment pour mettre en oeuvre la méthode du criblage - concassage.