L’air que nous respirons : une approche intégrée pour la qualité de l’air intérieur et extérieur - Retour sur la matinée du 19 novembre
La matinée était rythmée par quatre interventions, permettant aux participants et participantes de :
- S’acculturer à l’urbanisme favorable à la santé comme une approche intégrée de la santé dans les projets et politiques d’aménagement ;
- (Re)-Découvrir les principaux enjeux et la réglementation en place sur la qualité de l’air intérieur et extérieur ;
- Bénéficier du retour d’expérience sur plusieurs outils permettant aux collectivités de se saisir de cette thématique ;
- Faire le lien entre la mesure de la qualité de l’air, la sensibilisation des citoyens et le projet d’aménagement.
L’urbanisme favorable à la santé, une approche intégrée de l’aménagement
Les polluants (intérieurs ou extérieurs) pénètrent dans l’organisme, principalement via les voies respiratoires, puis se diffusent en produisant diverses réactions et effets nocifs. Ces derniers dépendent fortement de la durée d’exposition : une exposition chronique, sur le long terme, aura des effets néfastes bien plus graves sur la santé qu’une exposition à court terme, aiguë. Ils dépendent également d’autres facteurs (individuels, type de polluants …). Ces effets nocifs sont maintenant largement connus et démontrés : pathologies cardiovasculaires, respiratoires, naissances prématurées, en sous-poids …
La qualité de l’air est donc un enjeu de santé publique majeur. La pollution atmosphérique est jugée responsable d’environ 40 000 décès prématurés par an en France. Par ailleurs, le trois quart des polluants extérieurs pénètrent dans les bâtiments par infiltration, aération ou ventilation (CSTB), et les espaces intérieurs ont également leurs propres sources de contamination.
La pollution de l’air est le fruit de pratiques : pratiques de mobilité, de construction, d’entretien, … qui ont-elles-mêmes des impacts sur la santé humaine et environnementale. S’engager dans une politique d’amélioration de la qualité de l’air avec une approche d’urbanisme favorable à la santé, c’est agir sur tous ces facteurs pour améliorer la santé globale des citoyens : lutter contre la pollution mais aussi limiter le phénomène d’îlot de chaleur urbain, favoriser les mobilités actives, la pratique sportive, diminuer le bruit et le stress en milieu urbain, etc.
Le Cerema participe au Plan Régional Santé-Environnement 4 de la Région Normandie en co-animant l’axe 2 "Renforcer l’action en santé-environnement menée par les collectivités dans les territoires" avec l’ANBDD, l’ORS CREAI et Promotion Santé Normandie.
Les principaux enjeux et la réglementation entourant la qualité de l’air
La qualité de l’air extérieur (QAE)
La qualité de l’air extérieur se voit détériorée par la pollution atmosphérique, qui provient principalement de deux sources : naturelle (particules fines provenant de feux de forêt par exemple), et anthropique (NO2 provenant du trafic routier par exemple).
En extérieur, il faut bien distinguer les émissions d’une part et les concentrations de polluants dans l’air d’autre part. En effet, une fois émis, les polluants vont subir tout un processus de dispersion, transformation. Ce sont les concentrations de polluants finalement présents dans l’air qui ont une incidence directe sur la santé humaine.
A l’échelle mondiale, la pollution atmosphérique constitue l’un des plus grands risques environnementaux pour la santé, si bien que 99% de la population mondiale vit dans des endroits où les seuils préconisés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne sont pas respectés. Cette exposition entraîne annuellement 4,2 millions de décès prématurés. De plus, ce fardeau sanitaire n’est pas porté équitablement par l’ensemble de la population : 89% de ces décès surviennent dans des pays à revenus faibles ou intermédiaires.
Fort de ces constats, c’est OMS, en sa qualité d’autorité coordinatrice en matière de santé internationale, qui publie des lignes directrices (avec des normes recommandées). Mises à jour en 2021, ces normes ont fortement été revues à la baisse, pour tenir compte des enseignements scientifiques des deux dernières décennies.
A l’échelle Européenne, le constat est le suivant : annuellement, 300 000 décès prématurés sont imputables à la pollution de l’air et 80% de la population est exposée à des niveaux supérieurs à ceux préconisés par l’OMS. Dans ce contexte, l’UE a adopté en octobre 2024 une nouvelle directive sur l’air ambiant (qui vient notamment largement réviser la directive historique 2008/EC/50). Elle vise un alignement progressif avec les recommandations de l’OMS, en imposant, par exemple, de nouvelles valeurs limites à respecter à horizon 2030.
En France, la loi « LAURE » n° 96-1236 reconnaît à chacun « le droit de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ». Comme les autres états membres, l’État Français dispose désormais d’un délai de 2 ans pour transposer la nouvelle directive européenne dans son droit. D’autres réglementations existent à cette échelle, qui détaillent par exemple les objectifs, la surveillance et les seuils réglementaires. Ces normes se déclinent notamment dans diverses documents cadres et de planification : Plan de Réduction des Polluants Atmosphériques - PREPA (échelle nationale), Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires - SRADDET (échelle régionale), Plan de Protection de l’Atmosphère - PPA, Plan climat air énergie territorial - PCAET (échelle intercommunale et communale) …
Enfin, le rôle du Cerema dans ce domaine a été présenté : en tant qu’établissement public expert sur les problématiques d’environnement, d’infrastructure, de climat et d’énergie, il a l’habitude d’accompagner les collectivités sur des questions en lien avec cette thématique. Historiquement compétent dans tous les domaines touchant les infrastructures routières, il a récemment élargi son champ d’action aux enjeux de pollution liés au transport maritime et fluvial, tout en développant le lien avec l’aménagement et l’urbanisme. Ces interventions comprennent des actions opérationnelles, méthodologies, de conseil, la rédaction de guides, de formations, …
Par exemple, un "essentiel" sur la pollution de l’air a récemment été publié par le Cerema. L’enjeu de coordination des politiques publiques afin de lutter conjointement contre la pollution de l’air et le changement climatique est mis en avant. Il insiste également sur la nécessaire anticipation des acteurs au regard du durcissement des normes actées et à venir. Finalement, il entend répondre à la question suivante : "Comment les collectivités peuvent-elles s’emparer du problème de la pollution de l’air ?" en donnant des pistes de réflexions, des recommandations, des acteurs, accompagnements et financements mobilisables.
Le rôle du Cerema dans le domaine de la qualité de l’air extérieur est maintenant d’autant plus fort qu’il a bénéficié de plusieurs enveloppes financières dans le cadre du versement d’astreintes par l’Etat (suite à sa condamnation pour non-respect de ses engagements en matière de lutte contre la pollution de l’air à trois reprises). Il a ainsi pu initier le "Programme Qualité de l’Air", permettant de mettre en œuvre un programme d’actions en faveur de la qualité de l’air.
La qualité de l’air intérieur (QAI)
Étant donné que nous passons plus de 80% de notre temps dans des environnements clos, il y a un réel enjeu à avoir une bonne qualité de l’air intérieur pour notre santé.
Un dispositif réglementaire pour certains Établissements Recevant du Public (ERP), notamment pour des populations sensibles, est en place avec l’entrée en vigueur du quatrième plan santé environnement (PNSE4) depuis janvier 2023. Il impose les actions suivantes au propriétaire/exploitant de l’établissement :
- tous les ans : évaluation des moyens d’aération et de ventilation ainsi que des mesures de CO2 à lecture directe ;
- tous les 4 ans: un auto-diagnostic ;
- aux étapes clés de la vie du bâtiment : des campagnes de mesures de polluants ;
- régulièrement : un plan d’action mis à jour.
Le Cerema a rédigé un guide d’accompagnement à la mise en œuvre de la surveillance réglementaire de la QAI pour ces ERP. Un accompagnement est également proposé par le Cerema sur cette thématique via, entre autres, des offres d’évaluation et de diagnostic.
Le Radon et la boîte à outils sur la qualité de l’air intérieur
Accompagnements de l’Union régionale des CPIE de Normandie et retour d’expérience sur l’accompagnement auprès de la commune de Douvres-la-Délivrande
Le risque Radon en Normandie.
La Normandie est concernée par le risque Radon, certaines communes étant classées en zones à potentiel radon de catégorie 2 et 3 selon l’arrêté du 27 juin 2018. L’URCPIE propose des actions de sensibilisation au gaz radon dans l’habitat, et a proposé un retour sur les campagnes de mesure qui ont été effectuées dans le cadre du contrat Local de Santé de Flers Agglo avec distributions de dosimètres.
De plus, l’URCPIE propose une boite à outils QAI complémentaire au guide du Cerema, avec des fiches pratiques issues du retour d’expérience des ERP.
Présentation du retour d’expérience de l’accompagnement de la commune de Douvres La Délivrande sur la mise en place de la réglementation sur la qualité de l’air intérieure
Cet accompagnement a été construit avec la commune et a permis la réalisation des auto diagnostics et des évaluations annuelles, ainsi que la finalisation du plan d’action sur la base des fiches du guide Cerema. Le CPIE a soutenu la commune par des participations en réunions de comité de pilotage afin de sensibiliser et faciliter la mise en place d’un plan d’action.
Le premier adjoint au Maire de la commune de Douvres la Délivrande : Commission “Développement durable” (et démocratie locale”), a témoigné du succès de cette opération. La commune avait expérimenté le premier « kit QAI » du CPIE en 2018, et travaille maintenant à l’actualisation de son plan d’action pour intégrer l’évolution de la réglementation.
Retour d’expérience sur les ateliers de capteurs citoyens et présentation du programme SCOLAAIRE
Le rôle et les missions d’Atmo Normandie sur le territoire ont été mis en avant : observateur de la qualité de l’air, informateur et sensibilisateur, accompagnateur des acteurs et des décideurs du territoire, tout en participant à l’amélioration des connaissances. Une information en temps réel de la qualité de l’air en Normandie est consultable sur le site internet Atmo Normandie.
L’objectif de l’atelier citoyen de mise à disposition de capteurs est de sensibiliser les volontaires aux enjeux liés à la qualité de l’air à l’aide de mesures de particules fines. Les ateliers sont limités à 15 participants (inscription gratuite et obligatoire), et le capteur prêté est à vocation pédagogique : AirBeam3. L’atelier se déroule en deux phases complémentaires : d’abord une présentation de la qualité de l’air avec un quiz autour des enjeux et de la prise en main du capteur (2 heures), puis un bilan des données collectées par les participants, avec une présentation des mesures réalisées par Atmo Normandie (2 heures). Ce bilan est effectué à J + 15.
Au total, 13 ateliers ont été menés depuis 2021, avec 136 volontaires sensibilisés, dont 9 collectivités. Les retours sont globalement très encourageants. Les citoyens ont par exemple pu prendre conscience de l’importance de l’aération, ou des effets de la cigarette et du chauffage au bois sur la qualité de l’air intérieur.
Le programme SCOLAAIRE vise à soutenir les collectivités pour l’amélioration de l’air intérieur respiré par les enfants. Il se matérialise par des objectifs de sensibilisation, d’accompagnement à l’auto diagnostic, et d’aide à l’élaboration d’un plan d’action. Atmo Normandie espère que les accompagnements ainsi menés servent d’exemples et impulsent une dynamique similaire dans d’autres établissements.
La qualité de l’air comme impulsion d’une démarche d’urbanisme favorable à la santé : retour d’expérience d’une étude de pacification des abords de cours d’école
En 2023, la ville de Marseille et le Cerema ont mené un partenariat public-public en vue de développer un outil permettant d’apporter aide méthodologique au déploiement de projets de pacification aux abords des écoles.
Il s’agit de transformer la rue en espace public davantage apaisé et de répondre à divers enjeux de transformation de la ville (confort thermique, végétalisation, qualité de l’air, mobilités actives …). Pour cela, le caractère piétonnier des espaces publics situés à proximité immédiate des entrées d’une école ou d’un groupe scolaire constitué de plusieurs écoles est réaffirmé. Il est également possible de travailler sur les parcours qui mènent aux écoles.
Les intervenants ont commencé par introduire les différents enjeux en présence, en commençant par celui qui a impulsé la dynamique au projet : la qualité de l’air. On se trouve en effet dans une zone où quelques écoles sont soumises à des concentrations de NO2 supérieurs à la valeur limite réglementaire, et où la quasi-totalité d’entre elles sont soumises à des concentrations supérieurs aux lignes directrices OMS. Ces dépassements sont particulièrement marqués aux abords des axes routiers. On peut ici établir un lien entre QAI et QAE : il est conseillé d’aérer régulièrement les salles de classe, alors même que la qualité de l’air extérieur peut être largement détériorée. Difficile d’y voir clair face à ces injonctions contradictoires ! Cet enjeu est d’autant plus important que les enfants constituent un public particulièrement vulnérable.
Les projets de pacification d’abords d’écoles permettent de répondre à d’autres enjeux favorables à la santé : sécurisation des déplacements, transformation de la mobilité, réduction des nuisances sonores, … Ces nombreux bénéfices s’étendent aux habitants du quartier et aux usagers de la ville de manière générale.
Ensuite, les modalités concrètes d’accompagnement auprès de la ville ont été abordées, en 3 volets complémentaires :
- Elaboration d’une stratégie de déploiement de plusieurs projets de pacification : Un outil d’aide à la décision permettant de structurer la stratégie de priorisation des projets de pacifications aux abords des écoles. En d’autres termes, cet outil met à disposition du décisionnaire un faisceau d’arguments permettant d’objectiver les écoles méritant une attention prioritaire via une analyse multicritère. Il se base sur 3 grandes familles de critères : la criticité des enjeux actuels auxquels l’école et ses abords sont confrontés (qualité de l’air par exemple), la faisabilité et la facilité de réalisation du projet (contexte du barreau de rue par exemple), et l’opportunité stratégique à agir (au regard des autres dynamiques à l’œuvre par exemple).
- Aide méthodologique au montage d’un projet de pacification : La seconde partie de l’accompagnement consiste en la création d’outils pour faciliter la prise de décision sur l’aménagement d’une rue, notamment en confrontant différents scénarios de pacification (de la régulation de la place de la voiture à la fermeture totale de la rue à la circulation).
- Elaboration de scénarios-type d’aménagement : Enfin, le Cerema Méditerranée met à disposition un carnet d’inspiration pour donner à voir les possibilités d’aménagement, en proposant des projets sur trois écoles identifiées. L’intervention s’est concentrée sur l’exemple de l’école Friedland.
En conclusion de cette matinée, il a d’abord été rappelé l’utilité de se mettre à niveau sur les enjeux et la réglementation en constante évolution entourant la qualité de l’air, ainsi que l’intérêt, au regard des retours d’expériences, de s’engager dans des démarches intégrées lien à la fois qualité de l’air intérieur et extérieur, via le prisme de la santé. Il a été mis en avant l’ambition du Cerema de perpétuer, par différents moyens, ce type de temps d’échanges autour de cette thématique et d’autres enjeux connexes ; puis a rappelé la mise à disposition tout un faisceau de ressources : site internet, centre de ressources documentaires, groupes thématiques sur Expertises Territoires.