Au cours de ces deux journées, les participants (collectivités, services centraux et déconcentrés de l'Etat, opérateurs publics de l'aménagement et du foncier, architectes et acteurs privés du commerce et de la promotion immobilière, Cerema) ont échangé sur les enjeux de la mutation des zones commerciales et sur la nécessité de mieux intégrer les fonctions commerciales dans le tissu urbain.
La première journée a permis de présenter l'état d'avancement des projets lauréats de l'appel à projets et de préciser les orientations stratégiques en matière d'intégration commerciale aux projets urbains de la métropole toulousaine. Cette intégration a été abordée à la fois sous l'angle des démarches de planification (Scot de l'aire métropolitaine de Toulouse), des documents d'urbanisme (PLUih en cours de révision), des opérations d'aménagement et, bien sûr, à partir des pratiques commerciales et des rapports entre commerce de centre-ville et de périphérie.
Les visites de sites (Empalot, Balma-Gramont et Toulouse Aerospace) ont permis d'illustrer concrètement la programmation des activités commerciales et de logement à partir d'une vision partagée par les acteurs toulousains du renouvellement urbain sur la ZAC Empalot-Garonne, à partir de la restructuration d'une zone commerciale et des quartiers alentours sur la ZAC de Balmont-Gramont, et enfin à partir des montages économiques et financiers des opérations d'aménagement sur plusieurs quartiers récemment aménagés dans la métropole toulousaine (Montaudran-Aeropsace, Borderouge, Andromède).
Les ateliers thématiques consacrés à « la stratégie de territoire » et « la mobilisation du foncier » ont mis en évidence les enjeux et les leviers d'action possibles pour les lauréats éclairés par les visites et les témoignages des acteurs publics (Toulouse Métropole, SEM Oppiddea, Epf Occitanie) et des acteurs privés (Altarea-Cogedim, Institut pour la ville et le commerce, Carrere immobilier).
Atelier faisabilité foncière
L'atelier a été animé par le Cerema (Nicolas Gillio) et Algoe (Bernard Badon, Agathe Roche) en fonction des thèmes suivants :
- Enjeux autour du foncier
- Montages et outils
- Négociations et portage foncier
- Fédérer les propriétaires et les différents acteurs pour faire émerger un projet urbain
- Optimisation et valorisation foncière.
Les questions ont notamment porté sur :
- Les sites visités et les témoignages des acteurs toulousains compte tenu des projets des lauréats pour la mutation de leur périphérie commerciale
- Les apports pour les lauréats dans la définition de leur projet et sa mise en œuvre (montages, modes de gouvernance, rôle des documents d'urbanisme,etc.)
- Les points qui nécessitent des approfondissements et / ou qui n'ont pas été abordés au cours de ce premier Groupe de travail national
Ce que l'on retient des échanges / apports
- Le rôle déterminant du projet politique et de son inscription dans le PLU
- La capacité à articuler les échelles du grand territoire (SCOT) avec celle du PLUi et des opérations d'aménagement
- L'emboitement entre le niveau stratégique (projet de territoire et orientations pour l'intégration du commerce), la planification (PLUi) et le niveau opérationnel (ZAC ou autres procédures) : sur ce point, un travail important est jugé nécessaire
- L'intérêt de la démarche de transfert de commerçants présentés sur Toulouse (quartier d’Empalot) et
- La création d'une foncière commerciale (SAS Empalot Commerces avec les participations de la SEM Oppiddea, de la CDC et de Carrere Immobilier)
- La nécessité de prévoir les usages et les reconversions futures des cellules commerciales en projet (programmation urbaine).
Les enjeux de la faisabilité foncière
- Problématique de la maîtrise foncière / connaissance des propriétaires fonciers sur les sites : il faut différencier les intérêts financiers du propriétaire de la santé financière et des intérêts économiques de l'exploitant ou de l'enseigne.
- Les collectivités ont un levier de négociation car elles maîtrisent les accès, les travaux de voirie, qui intéressent directement les commerçants et constituent donc un élément de négociation
- Il existe des fonciers clés sur lesquels agir en acquérant des parcelles stratégiques qui permettent à la collectivité de maîtriser l'évolution du projet
- Comment établir un diagnostic foncier (dureté, mutabilité foncière) ?
- Selon Stéphane Delogues (l’EPF Occitanie), il existe deux sources principales : les données du service des hypothèques ; les données d'Infogreffe (immatriculation des sociétés) ; les contacts et relations avec les propriétaires et les exploitants
- Les DIA (Déclarations d'Intention d'Aliéner), la base Fichiers Fonciers issue du cadastre fiscal (parcelle, taille, bâti, type, date de construction, etc.) et la base DV3F pour les transactions foncières et immobilières constituent des sources complémentaires pour un état des lieux de la propriété foncière du bâti et des parcelles sur un site commercial
Les opérateurs sont beaucoup plus sécurisés si on est capable de leur donner une vision à long terme du site et des intentions de la collectivité en matière d'aménagement, de projets de transports collectifs urbains et de mobilité et sur la façon dont ces intentions sont traduites dans les documents d'urbanisme et les démarches de planification spatiale.
Parmi les outils fonciers que les acteurs ont cité :
- le Droit de Préemption urbain est évoqué mais il pose le problème des indemnités financières qui peuvent être énormes ;
- le Projet Urbain Partenarial (PUP) permet de partager le financement ? des équipements et espaces publics qui sont aménagés ;
- la création de charges foncières pour du logement sur un bâtiment mixant commerces et logements permet de financer la mutation de la zone commerciale par la création de droits à construire.
Illustrations
- A Strasbourg, la ZAC est concédée à un opérateur privé qui aménage et assure la commercialisation. Un cahier des clauses architecturales et paysagères de la ZAC définit les contraintes que les nouveaux projets doivent respecter, avec une exigence moindre sur la transformation du bâti existant.
- A Metz, la ZAC Actisud privilégie l'anticipation de nouveaux usages, notamment en termes de mobilité.
Rappel :
Lorsque la ZAC est privée, le risque est pris par l'opérateur privé et non par la collectivité. Dans le cas d'une SEM, c’est la collectivité qui prend le risque compte tenu de son engagement financier dans l'actionnariat de la SEM et des subventions qu'elle lui verse.
Il est nécessaire de disposer d'une expertise pour analyser et décrypter les bilans d’opérations. Cela permet de se redonner des marges de négociation. Par exemple, la métropole de Bordeaux a mis en place un centre de ressources dédié à l'expertise foncière (Infocentre) afin d'analyser les bilans d’opérations et de disposer de valeurs foncières et prix de sortie des opérations de logement et d'activités dans le cadre des discussions avec les promoteurs. La collectivité est alors en mesure de réinterroger les bilans et les valeurs affichées par les promoteurs pour négocier et affirmer les valeurs immobilières qu'elle souhaite sur certains secteurs. Cela favorise la négociation avec les opérateurs et permet à la métropole d'expliquer ce qu'elle souhaite faire en matière de politique de logement pour son territoire (prix de sortie, accès des ménages, etc.).
Parmi les outils moins courants mais qui permettraient à la collectivité et aux acteurs privés d'atteindre leurs objectifs (mutation, revalorisation d'un site, exploitation) : la valorisation temporaire sur des durées courtes ou longues (baux emphytéotiques…) constitue une opportunité afin de donner une valeur d’usage à un site qui n’en a pas ou peu. Cette valorisation peut être faite par le bail à construction, le bail à réhabilitation ou par une autorisation temporaire d'exploitation : elle octroie une obligation de construire, de réhabiliter ou d'exploiter un lieu, un terrain ou un site au preneur pour une durée définie dans le contrat de bail et en échange du versement d'une redevance versée au bailleur.
Pour en savoir plus : "Maitriser l'impact économique du foncier. Un enjeu pour favoriser les opérations d'aménagement et de construction" (Cerema, coll. Références, 2018).
Atelier Stratégie de territoire
L’atelier est introduit par Pascal Madry (Institut pour la Ville et le Commerce) et Stella Gass (Fédération des SCOT) en présence du Cerema (Anne Vial, Marion Benoist-Mouton) et Algoé qui co-animaient l’atelier autour des enjeux suivants :
- Articuler différentes échelles et polarités
- Planifier la stratégie commerciale
- Partager une stratégie de développement
Points de repères
Vue de la fédération des SCOT la stratégie commerciale est regardée comme une capacité à porter un la question commerciale sur un territoire et celle du dialogue entre partenaires. 302 SCOT adhèrent à la fédération des SCOT, pour partager des expériences, faire du conseil juridique à la demande notamment. A été signée à Amiens en 2018 une charte de confiance dont les engagements portent sur :
- mettre en place la collaboration publique privée le plus en amont possible
- renforcer les capacités d’observation des dynamiques commerciales pour disposer d’un socle d’indicateurs d’analyse
- identifier les bons interlocuteurs publics et privés
- travailler à toutes les phases de mise en œuvre du projet
- prendre en compte les mutations en cours (besoins de la population, besoins du commerce)
- œuvrer à l’agilité des politiques commerciales
- travailler à toutes les échelles et de manière itérative
- tenir compte de l’armature urbaine du territoire et des mobilités
- amoindrir les questions de concurrence territoriale
Pascal Madry, directeur de l'Institut pour la Ville et le Commerce (IVC) qui regroupe des investisseurs promoteurs, des représentants des commerçants indépendants, une cinquantaine de collectivités, et des chercheurs sur les problématiques d’urbanisme commercial.
Quelques conseils sont proposés pour bien intégrer la stratégie commerciale dans une stratégie de territoire plus vaste :
- Travailler aux bonnes échelles : nos périmètres administratifs ne correspondent pas aux bassins de consommation et zones de chalandise.
- Bien connaitre les commerces des territoires : leur nombre, leur chiffre d’affaires, leurs logiques immobilières. L’IVC met à disposition un certain nombre de ressources pour mettre en place un observatoire de commerce.
- Anticiper les besoins en matière de programmation au-delà des traditionnelles oppositions Centre-Périphérie :
- centre villes et périphéries peuvent se rejoindre sur des problématiques communes : traitement des espaces publics, organisation des livraisons.
- boutiques et moyennes surfaces
- grande distribution et commerces indépendants doivent négocier avec des entreprises de logistique et du numérique
- Réfléchir aux impacts des projets commerciaux tant du point de vue environnemental (une boutique pollue deux fois mois qu’une moyenne surface et internet est entre les deux), social qu'économique
Les solutions sont peu nombreuses et de trois ordres :
- Le modèle américain du renouvellement urbain pour refaire de la ville, comme en témoigne Anglet. Il faut pour cela que ce soit une friche.
- La rénovation qui s’accompagne d’extensions (pour autoriser la restructuration de deux m² permettre la création d’un m² nouveau)
- Le transfert de la centralité de l'ancienne zone vers une nouvelle zone commerciale, sans résoudre forcément les problèmes de l’ancienne.
Peut-être faut-il consacrer ces zones à de nouvelles formes d’expérimentations telles que l’urbanisme réversible ou l’urbanisme temporaire ?