Cet article fait partie du dossier : Gares et pôles d’échanges multimodaux : un centre de ressources sur les lieux de l’intermodalité
Voir les 22 actualités liées à ce dossierA l'occasion de la semaine des mobilités, deux experts du Cerema, Florence Girault directrice de projet Services de mobilité et transition énergétique et Cyprien Richer, chargé de recherches en mobilités, reviennent sur le développement des PEM ces dernières années et leur rôle dans l'accès à la mobilité aussi bien en zone urbaine que dans les territoires peu denses.
La semaine des mobilités a cette année pour thème l'intermodalité: un sujet qui fait l'objet de nombreux travaux au Cerema. A cette occasion, le Cerema propose un focus sur les pôles d'échanges multimodaux, qui jouent un rôle-clé dans l'accessibilité des territoires.
Florence Girault directrice de projet Services de mobilité et transition énergétique et Cyprien Richer, chargé de recherches en mobilités, ont répondu à 3 questions sur le rôle et les différents projets de PEM, notamment dans les territoires peu denses.
Parmi les outils en faveur des mobilités, quel rôle jouent les pôles d'échanges multimodaux en ville ou en territoires peu denses?
> Florence Girault : Par définition, les pôles d’échanges multimodaux facilitent l’intermodalité en assurant la connexion entre différents modes transport, par exemple la voiture et les transports collectifsle train et le vélo. A l’origine, leur but premier est de permettre l’accès aux transports collectifs et d’assurer la connexion entre les modes de déplacements : train – bus, par exemple, ou voiture-train dans le cadre d’un parc relais. En reliant les modes de déplacements alternatifs à la voiture, ils offrent une alternative à l’usage du véhicule individuel.
Dans le contexte de la décarbonation des mobilités, les Pôles d’Echange multimodaux (PEM) sont un outil du report modal, un maillon de la chaine de déplacement. Il existe différentes configurations de PEM selon le contexte territorial. Dans les villes moyennes et zones peu denses, il y a notamment deux types de PEM :
- Les PEM créés autour d'une gare ferroviaire ou d’un arrêt de bus d’une ligne structurante du réseau. Ces PEM regroupent les lignes de transports collectifs régulières ou à la demande et des véhicules partagés, des services et stationnement vélos… L’objectif principal est alors de permettre le rabattement des différents modes vers le PEM.
- Dans les territoires peu denses où on observe un développement des petits pôles d’échanges, l’intérêt premier est de regrouper au même endroit les modes de déplacement disponibles et de créer une centralité de la mobilité là où l’offre est limitée ou diffuse. Ils peuvent se développer avec des systèmes de mobilité "légers", comme les modes actifs ou partagés, sans être reliés à une gare ferroviaire, par exemple dans une zone d’activités ou une zone touristique, ni même à des transports collectifs puisque certaines zones en sont dépourvues. Les PEM sont alors un lieu d’accès à ces services. Plus de 50% des communautés de communes ayant pris la compétence "mobilité" (nouvelles AOM) considèrent que l’aménagement de pôles d’échanges est une action appropriée à leur territoire dans le cadre de l’exercice de leur nouvelle compétence (source article Cyprien).
Le PEM permet alors d’organiser les mobilités au niveau du territoire. Il peut être créé à partir d’un site déjà utilisé sans cadre particulier, comme un parking utilisé par les covoitureurs, un site de loisirs fréquenté…
> Cyprien Richer : L’intermodalité et les transports collectifs ont toujours été de pair. Les pôles d’échanges ont été inventés pour accéder aux modes lourds de transport en commun, comme le ferroviaire, et les connecter entre eux. Plus récemment, on assiste à une diversification des formes d’intermodalités. Parmi les formes les plus récentes, on voit converger des services de mobilités partagées ou actives dans des petits pôles d’échanges, que l’on appelle "station", "hub" ou autre "aire de mobilité" - terme qui apparait d’ailleurs dans l’article 15 de la LOM). On s’éloigne ainsi d’un modèle strictement basé sur l’intermodalité autour du ferroviaire.
On voit qu’il y a un développement trois grandes phases :
- une première phase très ancienne où on relie des transports en commun, où on développe leurs connexions ;
- une deuxième phase où, face à l’essor de la voiture, on développe des parkings-relais pour filtrer les circulations à l’approche des villes-centre et éviter des trajets qui se faisaient à 100% en voiture solo.
- une troisième phase est toute récente ; elle consiste en une "mise en intermodalité" des services à la mobilité comme l’autopartage et autres locations de véhicules, le covoiturage, les vélos... Le choix d’implantation, le dimensionnement, les fonctionnalités de ces "hubs" ne sont plus forcément liées à la présence de transports en commun importants, et peuvent concerner de nouveaux territoires où les alternatives sont peu nombreuses et/ou peu visibles.
A ces trois phases répondent des objectifs différents. A l’origine de la création d’un PEM, c’est souvent une question de capacité du "mass transit" ou de demande de transport qu’il faut susciter ou absorber par la connexion des transports collectifs. Les parcs-relais renvoient à des questions de régulation des circulations et souvent de qualité de l’air en ville.
Les enjeux des PEM de la dernière génération, très adaptés aux zones peu denses, peuvent être très différents : les collectivités vont chercher à rendre visibles des mobilités alternatives ou permettre l’accès à un véhicule à ceux qui n’en ont pas.
> Florence Girault : En effet cette évolution des projets de PEM répond à des objectifs qui se diversifient comme favoriser l’attractivité territoire, fournir des services à la population, apporter de l’information touristique… Le PEM peut répondre à différents enjeux : mobilité, attractivité, urbanisme, qualité de vie des habitants, en offrant des alternatives à la mobilité individuelle.
Comment rendre attractif son pôle d'échange? Quels sont les points d'attention surtout pour les territoires peu denses?
> Florence Girault : Pour que le PEM soit attractif il faut d’abord que les modes de transports qui le desservent soient efficaces. Il est important de mettre des moyens adaptés à la demande, de penser aux horaires, à la disponibilité du matériel, des services.
Le PEM doit aussi être accessible à pied, à vélo, en voiture. Pour cela il faut une signalétique claire et lisible y compris pour étrangers, et un lieu sécurisé la nuit, bien éclairé. On peut y proposer des services, liés à la mobilité comme l’information, la réparation ou location de vélos, ainsi que la présence de services marchands ou de circuits courts, du coworking…
Il y a cependant différents points d’attention à prendre en compte : d’abord il faut penser à associer les différents acteurs impliqués dans le fonctionnement du pôle d’échange et de ses abords, par exemple la commune, l’intercommunalité, la SNCF, les opérateurs de transports et services de mobilité, la Région… En termes de financement également, plusieurs acteurs interviennent généralement. Il est également possible de répondre à des appels à projets, des programmes nationaux qui permettent d’obtenir une partie des financements.
> Cyprien Richer : Un premier point d’attention important est aussi d’éviter que commune déploie son système de mobilité de manière totalement isolée.
Un autre point de vigilance concerne la localisation du pôle de mobilité : pour que l’équipement vive, il est mieux de le mettre là où il y a de la vie, de l’activité, du passage. Il faut éviter de penser la localisation d’une aire de mobilité uniquement en regard de l’accessibilité automobile. D’ailleurs c’est en s’appuyant sur les activités locales -un commerce, une association, les habitants…- que la mayonnaise peut prendre ! Bref, il serait paradoxal de déconnecter des réalités locales, un aménagement de proximité qui vise à faire du lien.
En outre, il faut aussi anticiper la gestion et l’entretien du PEM. C’est une problématique récurrente pour tous les types de pôles d’échanges et qu’il faut envisager dès le début des réflexions. Les choix des matériaux, du mobilier, des bornes (électriques, automatiques…), des supports d’information (numérique ou non…) sont importants à considérer pour éviter des coûts d’entretiens trop élevés.
Le principal enjeu pour un pôle d’échanges c’est de trouver son public. Car cela implique un changement d’habitudes qui peut prendre du temps, d’où importance de communiquer sur son existence et les services qu’il apporte aux différents publics. En zone peu dense où la voiture est encore incontournable, il faut accompagner les changements d’usages.
Ce n’est évidemment pas la création d’un PEM en soit qui résoudra automatiquement tous les problèmes de mobilité. L’aire de mobilité n’est pas un objet miracle, c’est un levier supplémentaire dans une mobilisation sociale et politiques vers un meilleur usage de nos ressources de mobilités.
Comment le Cerema apporte-t-il les outils et méthodes aux collectivités en matière de développement des pôles d’échanges ?
> Florence Girault : Le Cerema intervient à différents niveaux. Nous accompagnons des collectivités sur des projets spécifiques, de manière opérationnelle, et aussi à travers la diffusion des connaissances par des formations, l’animation d’ateliers à différentes étapes du projet, l’organisation de webinaires, la publication d’outils méthodologiques comme le guide des PEM (lien) par en 2017, la fiche sur l’intermodalité consacrée aux pôles d’échanges (mettre le lien)...
Et puis nous assurons une veille sur le sujet, qui alimente les réflexions en interne autour des enjeux de mobilité, d’aménagement, d’environnement…
Nous sommes impliqués dans l’appel à projets transports en commun en sites propres et pôles d’échanges multimodaux (TCSP-PEM) en accompagnant des porteurs de projets de PEM en zone peu denses, dont les enjeux et objectifs sont variés. Dans ce cadre le Cerema organise des webinaires de partage des bonnes pratiques (mettre les liens vers les articles) et va réaliser des missions flash dans différentes collectivités, (un diagnostic ou étude des pistes d’action).
Le Cerema Centre-Est a également lancé un appel à manifestation d’intérêts pour le diagnostic de Pôles d’échanges existants. Enfin, une formation sur les PEM en zone peu dense sera organisée le 27 novembre 2002 .
> Cyprien Richer : Dans le programme national "Petites Villes de demain", des missions d’accompagnement sur l’émergence de nouveaux pôles d’échanges sont assurées par le Cerema, avec un appui lors des études préalables et des réflexions en amont. Nous cherchons à apporter une vision transversale des enjeux et des possibles pour mettre les projets sur de bons rails.
Enfin, avec l’unité mixte de recherche Cerema / Cergy Université "Matris" (Mobilités, Aménagement, Transports, Risques et Société), nous poursuivons nos recherches sur l’intermodalité et accueillons une nouvelle thèse sur "la fabrique des hubs de mobilité". On s’interroge sur le transfert dans les zones peu denses des pôles d’échanges considérés comme un instrument d’action publique. Il s’agira de mieux comprendre les (re)composition des acteurs de la mobilité, les processus et les dynamique d’élaboration de ces politiques publiques dans un contexte de crise énergétique.
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