28 avril 2023
Station de traitement des eaux usées de la CARENE
Station de traitement des eaux usées de la CARENE - Cerema
Le Cerema a accompagné la communauté d'agglomération de Saint-Nazaire (CARENE) dans sa réflexion sur les possibilités de Réutilisation des Eaux Usées Traitées. Une méthodologie fondée sur une analyse multicritères a été établie, afin d'identifier les opportunités de réutilisation dans le cadre d'une stratégie locale de gestion de l'eau.

L’économie de la ressource en eau est un enjeu fort pour les territoires, qui cherchent des solutions pour limiter les prélèvements dans les cours d’eau et nappes phréatiques. Parmi ces solutions, la Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT) se développe peu à peu, et des territoires, agglomérations ou départements se saisissent de la question dans le cadre de leur réflexion sur la gestion locale de l’eau.

 

 

Le Cerema suit depuis plusieurs années les initiatives de Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT), répertorie les usages qui en sont faits, et expertise leurs intérêts pour l’environnement et les territoires. 

 

Récemment, l’Union Européenne puis la France ont modifié la réglementation pour favoriser le déploiement de la REUT notamment en sécurisant le cadre réglementaire et en ouvrant le droit à l’expérimentation. D’un autre côté le déficit hydrique que connaît la France n’a jamais été aussi fort et toutes les actions de bon sens et de sobriété doivent être développées.

Tout cela amène les acteurs publics et privés à envisager d’investir dans ces dispositifs qui ont vocation à se multiplier. Aujourd’hui environ 1% seulement des eaux usées traitées est réutilisé en raison de différents freins issus de notre gouvernance locale de l’eau jugée trop complexe, des incertitudes qui pesaient sur l’évaluation fine des impacts potentiels, de certains aspects réglementaires ou d’une mauvaise acceptation sociétale d’une pratique pourtant couramment répandue dans des pays où la ressource en eau est plus contrainte.

Dans ce cadre, le Cerema vient de terminer l’accompagnement de la communauté d'agglomération de Saint Nazaire (CARENE), avec le soutien de l’Agence de l’eau Loire Bretagne. Durant la période 2019-2022, le Cerema a ainsi mis au point, sur ce territoire, une méthodologie d’identification des opportunités de REUT. La CARENE gère en régie l’eau potable avec un prélèvement direct dans la nappe souterraine et ses eaux résiduaires urbaines (ERU), mais doit combler ses besoins par des interconnections avec les territoires voisins, si bien qu’un objectif de sobriété en matière de consommation d’eau potable a été introduit dans son Plan d’action Climat Air Energie

La façade estuarienne et littorale, la présence d’un marais et de zones humides sur un tiers de sa surface en font un territoire sensible vis-à-vis de la ressource en eau et du changement climatique avec des risques de submersion marine et d’intrusion du biseau salé.

 

Intégration de la REUT dans la stratégie de territoire

Un diagnostic territorial

Station de traitement de la CARENE vue d'un grand réservoir et de la nature autour
Station de traitement des eaux usées de la CARENE - Cerema

Un inventaire et la compilation de nombreuses données géologiques, hydrogéologiques, géographiques sur l’usage des sols (résidentiel, agricole, industriel, naturel), ont permis de définir le contexte du territoire. La question des eaux de surface et de leur qualité, des prélèvements d’eau et de leurs évolutions dans des circonstances de changement climatique ont également été étudiées.

Le Cerema a ensuite réalisé un état des lieux des stations de traitement des eaux usées (STEU) du territoire et des sites proches, associé à des visites avec des représentants de la CARENE afin de mieux cerner les caractéristiques des stations, de leurs effluents et des usages envisageables. 

Cet état des lieux comprenait pour chaque station de traitement :

  • Les volumes d’eaux usées traitées produits sur l’année, les volumes distribués et consommés ainsi que les perspectives d’évolution. 
  • La description de l’environnement immédiat de la station
  • les évolutions récentes et à venir des réseaux de collectes et des stations
  • l’identification des utilisateurs potentiels

L’ensemble de ce travail a mis en évidence le peu de besoins pour l’irrigation agricole sur ce territoire mais un potentiel pour les usages industriels et urbains.

 

Des retours d’expériences

Station de traitement et zone d'épandage
Environnement d'une des stations de traitement de la CARENE - Cerema

Appuyé sur des retours d’expériences nationales voire internationales, le Cerema a proposé une méthodologie fondée sur une analyse multicritères sur laquelle la CARENE a positionné une pondération. Les éléments pris en compte dans la réflexion :

  • des critères techniques dédiés à la faisabilité et à la de durabilité du projet, 
  • des critères économiques utiles à l’analyse de l'équilibre financier du projet
  • des critères environnementaux et sanitaires indispensables pour qualifier l’opportunité de REUT qui est à privilégier et sa balance bénéfices / risques pour l’environnement.
  • des critères de gouvernance, de portage du projet et d’acceptabilité sociale

Cet exercice a mis en avant le manque de certaines données inhérent au positionnement des potentiels gros consommateurs d’eau. 

Dans une seconde étape, le travail a porté sur l’identification des utilisateurs potentiels pour les eaux usées traitées, dont un panel a été consulté à travers un questionnaire destiné à connaître les usages potentiels de la REUT et leur avis par rapport à ces démarches.

Plusieurs pistes d’utilisation des eaux usées traitées sont ressorties, tels que : 

Usages écologiques

comme l’alimentation des milieux humides, celle des cours d’eau en été, l’amélioration de la qualité des sols urbains ou dégradés, ce qui contribue aussi au piégeage du carbone.

Usages urbains

tels que la défense incendie, le nettoyage des voiries et matériels, l'arrosage d’espaces verts et de golfs…

Usages agricoles

comme l’apport d’éléments nutritifs pour l’aquaculture et la pisciculture, présentes sur le territoire ou l’irrigation agricole pour différentes cultures.

Usages industriels

comme le lavage d’équipements, le nettoyage de surfaces, le refroidissement… Des freins réglementaires importants peuvent exister par exemple dans  l’agroalimentaire dans le cas d’une consommation humaine des produits ou pour les systèmes de chauffage et refroidissement.

Articulation avec les politiques publiques et orientations

Le Cerema a également confirmé la cohérence et l’articulation des options de REUT avec les documents de planification, schémas et programmes en vigueur sur le territoire de la CARENE (SDAGE, SAGE, PCAET, SDEU). Les acteurs techniques et institutionnels concernés par le projet (Agence de l’eau, ARS, DDTM, chambres consulaires, syndicat de gestion du marais…) ont été intégrés au comité de suivi technique afin d’échanger sur les potentialités du territoire en matière de REUT.

Les enseignements

Station de traitement de la CARENE vue d'un grand réservoir
Station de traitement sur le territoire de la CARENE - Cerema

Dans le rapport rendu à la collectivité, le Cerema présente les options intéressantes sur lesquelles des études peuvent être menées en réponse aux enjeux identifiés sur le territoire ainsi que les points de vigilance et les recommandations pour poursuivre la démarche au niveau des STEU adaptées à ces dispositifs. 

De nombreux enseignements, notamment sur le plan opérationnel, ont été mis en avant à l’issue de ce travail, en particulier la nécessité, pour la collectivité, de bien anticiper son modèle économique de gestion de l’eau dans la perspective de mise en œuvre de mesures d’économie et de partage de l’eau avec la REUT. Ce modèle doit également s’articuler avec les territoires voisins connectés à la même nappe phréatique : par exemple, les économies d’eau réalisées d’un côté ne doivent pas être utilisées de l’autre pour une irrigation intensive.

 

Il est essentiel d’intégrer les projets de REUT dans une stratégie locale de gestion de l’eau, de définir une gouvernance au niveau du territoire afin d’en assurer la cohérence.

Dans ce cadre, la recharge des nappes phréatiques et le soutien des cours d’eau ne doivent pas être passés au second plan au même titre que les actions de sobriété et d’économie de la ressource en eau.

 

Un autre point d’attention est de déterminer la classification du dispositif de REUT en fonction des usages, pour connaître la réglementation applicable et les mesures de traitement et de surveillance à prendre. Cela nécessite un suivi de l’ensemble des paramètres exigés.

L’étude approfondie d’un projet de REUT dans l’une des stations, pour un usage industriel, a fait apparaître l’importance des investissements à réaliser pour atteindre la qualité nécessaire ainsi que la complexité du montage et du portage d’un projet multi-acteurs.

D’une manière générale, en amont d’un projet de REUT, il convient d’avoir mené une étude d’opportunité à l’échelle du territoire pour identifier les projets les plus prometteurs et qualifier leur niveau de complexité. Il est en effet essentiel d’anticiper le plus en amont possible les questions de gouvernance et de portage du projet pour bien définir les modalités de partage des frais d’investissement et des coûts ultérieurs de suivi et d’exploitation.

La question de la viabilité économique reste un sujet central qui doit être étudié finement le plus rapidement possible.