L’économie de la ressource en eau est un enjeu fort pour les territoires, qui cherchent des solutions pour limiter les prélèvements dans les cours d’eau et nappes phréatiques. Parmi ces solutions, la Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT) se développe peu à peu, et des territoires, agglomérations ou départements se saisissent de la question dans le cadre de leur réflexion sur la gestion locale de l’eau.
Récemment, l’Union Européenne puis la France ont modifié la réglementation pour favoriser le déploiement de la REUT notamment en sécurisant le cadre réglementaire et en ouvrant le droit à l’expérimentation. D’un autre côté le déficit hydrique que connaît la France n’a jamais été aussi fort et toutes les actions de bon sens et de sobriété doivent être développées.
Tout cela amène les acteurs publics et privés à envisager d’investir dans ces dispositifs qui ont vocation à se multiplier. Aujourd’hui environ 1% seulement des eaux usées traitées est réutilisé en raison de différents freins issus de notre gouvernance locale de l’eau jugée trop complexe, des incertitudes qui pesaient sur l’évaluation fine des impacts potentiels, de certains aspects réglementaires ou d’une mauvaise acceptation sociétale d’une pratique pourtant couramment répandue dans des pays où la ressource en eau est plus contrainte.
Dans ce cadre, le Cerema vient de terminer l’accompagnement de la communauté d'agglomération de Saint Nazaire (CARENE), avec le soutien de l’Agence de l’eau Loire Bretagne. Durant la période 2019-2022, le Cerema a ainsi mis au point, sur ce territoire, une méthodologie d’identification des opportunités de REUT. La CARENE gère en régie l’eau potable avec un prélèvement direct dans la nappe souterraine et ses eaux résiduaires urbaines (ERU), mais doit combler ses besoins par des interconnections avec les territoires voisins, si bien qu’un objectif de sobriété en matière de consommation d’eau potable a été introduit dans son Plan d’action Climat Air Energie.
La façade estuarienne et littorale, la présence d’un marais et de zones humides sur un tiers de sa surface en font un territoire sensible vis-à-vis de la ressource en eau et du changement climatique avec des risques de submersion marine et d’intrusion du biseau salé.
Intégration de la REUT dans la stratégie de territoire
Un diagnostic territorial
Un inventaire et la compilation de nombreuses données géologiques, hydrogéologiques, géographiques sur l’usage des sols (résidentiel, agricole, industriel, naturel), ont permis de définir le contexte du territoire. La question des eaux de surface et de leur qualité, des prélèvements d’eau et de leurs évolutions dans des circonstances de changement climatique ont également été étudiées.
Le Cerema a ensuite réalisé un état des lieux des stations de traitement des eaux usées (STEU) du territoire et des sites proches, associé à des visites avec des représentants de la CARENE afin de mieux cerner les caractéristiques des stations, de leurs effluents et des usages envisageables.
Cet état des lieux comprenait pour chaque station de traitement :
- Les volumes d’eaux usées traitées produits sur l’année, les volumes distribués et consommés ainsi que les perspectives d’évolution.
- La description de l’environnement immédiat de la station
- les évolutions récentes et à venir des réseaux de collectes et des stations
- l’identification des utilisateurs potentiels
L’ensemble de ce travail a mis en évidence le peu de besoins pour l’irrigation agricole sur ce territoire mais un potentiel pour les usages industriels et urbains.
Des retours d’expériences
Appuyé sur des retours d’expériences nationales voire internationales, le Cerema a proposé une méthodologie fondée sur une analyse multicritères sur laquelle la CARENE a positionné une pondération. Les éléments pris en compte dans la réflexion :
- des critères techniques dédiés à la faisabilité et à la de durabilité du projet,
- des critères économiques utiles à l’analyse de l'équilibre financier du projet
- des critères environnementaux et sanitaires indispensables pour qualifier l’opportunité de REUT qui est à privilégier et sa balance bénéfices / risques pour l’environnement.
- des critères de gouvernance, de portage du projet et d’acceptabilité sociale
Cet exercice a mis en avant le manque de certaines données inhérent au positionnement des potentiels gros consommateurs d’eau.
Dans une seconde étape, le travail a porté sur l’identification des utilisateurs potentiels pour les eaux usées traitées, dont un panel a été consulté à travers un questionnaire destiné à connaître les usages potentiels de la REUT et leur avis par rapport à ces démarches.
Plusieurs pistes d’utilisation des eaux usées traitées sont ressorties, tels que :
Usages écologiques
comme l’alimentation des milieux humides, celle des cours d’eau en été, l’amélioration de la qualité des sols urbains ou dégradés, ce qui contribue aussi au piégeage du carbone.
Usages urbains
tels que la défense incendie, le nettoyage des voiries et matériels, l'arrosage d’espaces verts et de golfs…
Usages agricoles
comme l’apport d’éléments nutritifs pour l’aquaculture et la pisciculture, présentes sur le territoire ou l’irrigation agricole pour différentes cultures.
Usages industriels
comme le lavage d’équipements, le nettoyage de surfaces, le refroidissement… Des freins réglementaires importants peuvent exister par exemple dans l’agroalimentaire dans le cas d’une consommation humaine des produits ou pour les systèmes de chauffage et refroidissement.
Articulation avec les politiques publiques et orientations
Le Cerema a également confirmé la cohérence et l’articulation des options de REUT avec les documents de planification, schémas et programmes en vigueur sur le territoire de la CARENE (SDAGE, SAGE, PCAET, SDEU). Les acteurs techniques et institutionnels concernés par le projet (Agence de l’eau, ARS, DDTM, chambres consulaires, syndicat de gestion du marais…) ont été intégrés au comité de suivi technique afin d’échanger sur les potentialités du territoire en matière de REUT.