La loi du 30/03/2023 impose la transmission au ministère de l’Economie et des Finances de deux études, l’une technique et stratégique dite "étude préalable", et l’autre de soutenabilité financière devant démontrer que le maître d’ouvrage ne met pas en danger sa stabilité financière en recourant au dispositif de paiement différé.
L’établissement de ces études ainsi que des études techniques amont nécessaires au montage d’un contrat de performance énergétique (détermination de la situation de référence, fixation des objectifs de performance, montage contractuel, etc.) impose le recours à une ingénierie spécialisée, technique d’un côté et financière de l’autre, dont peu de collectivités territoriales disposent en interne. De nombreuses collectivités devront ainsi avancer des frais d’études conséquents sans savoir si les études préalables concluront bien à l’opportunité technique, juridique et financière du MGPEPD.
Un questionnaire basé sur les fondamentaux de la gestion de patrimoine immobilier
Dans son analyse, le Cerema s’appuie sur les éléments méthodologiques de la gestion active du patrimoine immobilier. Ces notions sont confrontées aux grands principes qui régissent les Contrats de Performance Energétiques ainsi qu’à une préanalyse des éléments financiers et budgétaires de la collectivité.
L’étude de pré-opportunité proposée par le Cerema consiste ainsi en un questionnaire faisant appel à des notions structurantes pour la gestion de patrimoine immobilier de la commune et impératives pour recourir à un marché global de performance énergétique à paiement différé (MGPEPD).
Il débute sur le statut juridique des biens concernés et la liberté du maître d’ouvrage à réaliser les travaux. Sont ensuite étudiées :
- La situation d’exploitation du bâtiment objet du projet, à partir de la notion de situation de référence, impérative en cas de recours à un contrat de performance énergétique, la présence de compteurs et de moyens de suivre les consommations énergétiques du bâtiment, préalable indispensable au lancement d’un CPE,
- La stratégie immobilière de la collectivité afin de statuer sur la maturité de la réflexion globale du maitre d’ouvrage et donc la pertinence du MGP à paiement différé ou non sur ce projet en particulier,
- Les caractéristiques intrinsèques du projet pour en vérifier la robustesse (ambitions performancielles, choix politique, etc.),
- Les motivations pour recourir à un marché global de performance, vecteur contractuel privilégié du Contrat de Performance Energétique,
- Et enfin la situation financière de la collectivité en vue d’éclairer le chemin vers le paiement différé.
Peyrehorade (40) - un projet de restructuration performante de deux écoles
La commune de Peyrehorade (40) (moins de 5000 habitants) souhaite porter un projet ambitieux de restructuration de deux écoles avec rénovation performante des bâtiments existants, acquisition d’un terrain situé entre les deux groupes de bâtiments afin de créer un ensemble végétalisé d’une part et construire un préau sportif d’autre part. Ce projet comprend également l’acquisition d’une grange à transformer en restaurant scolaire. Convaincue de la nécessité de réaliser un contrat de performance énergétique afin de garantir la performance de leur nouveau groupe scolaire, la Direction Générale des Services s’interroge sur l’opportunité et la faisabilité de contractualiser un Marché Global de Performance Energétique à Paiement Différé (MGPEPD) et sur les modes d’accompagnement qui peuvent exister pour une commune aux ressources humaines limitées.
Les services techniques de la commune ont sollicité la Direction Territoriale Sud Ouest pour expérimenter cette nouvelle prestation du Cerema. Les experts en “Économie et contrats” du domaine Bâtiment du Cerema ayant élaboré cette offre de service ont ainsi pu tester leur étude de pré-opportunité sur le projet de réhabilitation globale porté par Peyrehorade.
Principales conclusions et recommandations:
Un projet prometteur mais des contre-indications liées aux moyens humains et au manque de schéma directeur immobilier
L’étude des différents paramètres a permis au Cerema d’identifier plusieurs points saillants en faveur d’un marché global de performance énergétique, sous conditions, et de déconseiller pour le moment le recours au paiement différé.
La commune ne dispose pas d’un schéma directeur immobilier mais des réflexions internes avec les élus sont en cours.
Il parait inopportun de tenter un MGP à paiement différé sans réelle vision stratégique de la transition énergétique du parc, d’autant plus que l’élaboration d’un schéma directeur immobilier et énergétique serait l’occasion de réfléchir à une stratégie concernant les montages juridiques et financiers les plus pertinents pour chaque projet. Ainsi, le MGPEPD pourrait apparaître plus pertinent pour d’autre(s) projet(s) que celui présenté ici.
Le Cerema a ainsi préconisé de formaliser dans un premier temps la stratégie par la rédaction d’un Schéma Directeur Immobilier Energétique (SDIE). Cette stratégie patrimoniale et énergétique est également le préalable à l’établissement d’une stratégie financière adaptée au plan d’actions élaboré dans le cadre du SDIE, laquelle pourrait faire émerger un ou des projets éligibles au MGPEPD de façon pertinente au regard de l’ensemble des rénovations énergétiques à réaliser et des différents modes de financement envisageables.
En termes d’ambitions, le premier seuil fixé par le DEET (40%) apparaît comme une cible minimale pour recourir à un CPE. Envisager de bénéficier d'un tiers financement devrait plaider pour viser directement les seuils supérieurs (50 à 60% d’économies d'énergie).
Au regard des besoins exprimés par la commune, un contrat de performance énergétique (CPE) sous forme de marché global de performance (MGP) apparaît comme le montage le plus pertinent pour associer conception, réalisation, exploitation, maintenance d’une part et garantie de résultats d’autre part. Le risque d’infructuosité du marché reste cependant à évaluer au regard du marché de l’offre.
Un contrat de performance énergétique demande des compétences techniques, administratives et financières pour son montage et son suivi. Un suivi administratif et technique rigoureux sont nécessaires afin d’obtenir les résultats escomptés. Aussi, sans moyens humains compétents et disponibles à mobiliser, il n’est pas opportun de tenter de recourir à ce type de marché, bien que, pour la partie technique (montage et suivi), il soit tout à fait possible de recruter un assistant à maitrise d’ouvrage (AMO) spécialisé dans les CPE. En outre, un suivi administratif et financier rigoureux doit être mené. Ainsi, dans l’éventualité du recours à un CPE, la commune devra soit se tourner vers les assistances publiques disponibles (ATD ? SYDEC ?) soit recruter un agent comptable/administratif.
Le projet présenté se trouve à un stade trop amont pour exprimer un avis relatif à la pertinence d’un MGPEPD au vu de critères budgétaires et financiers, faute d’éléments suffisants. Cependant, comme indiqué dans le texte de la loi du 30 mars 2023, il a été rappelé que le paiement différé ne peut pas constituer un argument à lui seul pour recourir au MGPEPD. L’étude préalable doit démontrer que le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation, notamment en terme de performance énergétique. A ce titre, disposer d’une stratégie au sein de la collectivité apparaît comme un préalable la mobilisation d’un MGPEPD.