Depuis l’effondrement brutal du pont de Pierre à Tours en 1979, les ouvrages d’art (ponts, murs, tranchées couvertes, tunnels, quais, hauts-mats, etc) font l’objet d’une inspection détaillée tous les 6 ans.
Afin de surveiller l’apparition de désordres risquant de compromettre la pérennité des infrastructures et la sécurité des usagers, le Cerema IdF travaille en étroite relation avec les services de la DIRIF en Ile de France et d’autres services gestionnaires d’ouvrages.
Ce travail se fait au sein de 2 unités techniques :
- l’unité d’Inspection et d’Auscultation Subaquatique, composée de 4 plongeurs professionnels spécialisés dans le diagnostic des structures, intervient plus particulièrement en site immergé.
- l’unité de Gestion du Patrimoine d'Ouvrages d’Art intervient sur les ouvrages terrestres et les parties hors d’eau des ouvrages d’art, et effectue également des opérations d’instrumentation pour préciser un diagnostic.
Dans certains cas toutefois, des circonstances exceptionnelles appellent des interventions d’urgence.
En voici 2 exemples :
La passerelle Charentonneau (Maisons-Alfort – 94)
Suite au choc d'une péniche au niveau de l'appui central de cet ouvrage, le Service de la Navigation de la Seine (SNS) a contacté le CETE IF afin d'effectuer un diagnostic d'urgence de la structure.
Les conditions de plongée étant peu favorables (courant important), l'inspection détaillée exceptionnelle indispensable pour juger de la gravité des dégâts sur la passerelle s'est limitée dans un premier temps à celle des parties aériennes ( au-dessus de l'eau) et a été réalisée en février 2012.
D'une façon générale, un diagnostic pertinent d'une structure suppose de pouvoir l'approcher au plus près. Pour ce faire, on utilise fréquemment des nacelles élévatrices qui peuvent parfois monter jusque 60m de hauteur ou des passerelles négatives qui sont mises en stationnement sur l'ouvrage et permettent d’accéder en dessous au moyen d'un bras articulé. Or, dans le cas de cette passerelle, les conditions d'intervention n'étaient pas aisées : temps très froid (-10°C) et conditions d'accès particulières. Les moyens classiques par nacelle ou passerelle n'étant pas possibles, c'est donc l’approche en bateau qui a été retenue.
La géométrie particulière de cet ouvrage permet de circuler assez librement entre les arches et le tablier et ainsi d’accéder aux parties les plus endommagées par le choc de la péniche.
A l'examen, il est apparu que la structure était sérieusement endommagée. De plus, s'agissant d'une structure en béton armé, ses 107 ans constituent un âge assez avancé. Il convenait donc d'opérer plusieurs investigations et vérifications avant de pouvoir autoriser un libre accès sur cet ouvrage vieillissant et … malchanceux.
Il était indispensable de vérifier le bon état de ses fondations et c'est là que les plongeurs entrent en jeu. Leur rôle est crucial car les parties immergées sont rarement inspectées ; or, un mauvais entretien des fondations peut conduire à des risques importants pour la pérennité de l'ouvrage voire à sa rupture totale et brutale.
Les plongeurs, également inspecteurs d'ouvrages d'art, sont intervenus en mars lorsque le débit d'eau et la visibilité l'ont permis. Lors de telles interventions, sont recherchés en priorité les affouillements qui sont des cavités pouvant apparaître sous les fondations de l'ouvrage et qui peuvent engendrer une instabilité de celui-ci.
Ouvrage incendié sur A3 (Bagnolet - 93)
Le 11 Juillet 2012, un ouvrage passant au dessus de l'A3 à proximité de la porte de Bagnolet est en proie aux flammes. L'arrondissement Nord de la DIRIF contacte le CETE IF pour un diagnostic en urgence.
L'incendie s'est déclaré dans la nuit sous l'ouvrage où subsistait des logements insalubres. A l'arrivée de l'équipe d'inspection, les pompiers finissent d'éteindre le feu tandis que les chiens commencent à fouiller pour retrouver d'éventuelles victimes ; heureusement, aucune n'est à déplorer. L'inspection peut commencer.
L'ouvrage a subi de lourds dégâts apparents et la circulation a été interdite de façon préventive. Le feu a entrainé une importante dégradation du béton comme en témoigne la mise à nu des armatures le constituant. Malgré l'aspect assez spectaculaire de ces dégâts, leur gravité est modérée, ces armatures retrouvant leurs caractéristiques initiales après refroidissement.
En revanche, existent à l’intérieur de la structure des câbles tendus en acier appelés câbles de précontrainte. Ces câbles ont pour rôle de renforcer l'ouvrage et leur montée en température peut conduire à une perte de leur tension nécessaire à la tenue de l'ouvrage ; dans ce cas, la pérennité de l'ouvrage peut être engagée.
L'objectif est donc de repérer les zones les plus atteintes par le feu et de les comparer avec les zones où passent ces câbles de précontraintes (visibles uniquement sur les plans d'ouvrage). Dans le cas présent, il se trouve que des câbles sont assez proches de zones fortement dégradées.
La prochaine étape consistera donc à effectuer des prélèvements afin d'estimer la montée en température à l’intérieur du béton et d'en déduire l'impact sur ces câbles en acier. A partir des résultats de ces études, un renforcement de l'ouvrage devra ou non être réalisé.
En parallèle, il convient d'effectuer d'autres investigations afin de prévenir le moindre risque. Une interdiction de la circulation de poids lourd a été mise en place sur l'ouvrage. Afin de la lever, il faut, en plus des résultats précédents, recalculer la portance de l'ouvrage dans son état dégradé du fait de l'incendie.
En conclusion
Bien que relevant de situations pouvant être qualifiées d’exceptionnelles, ce type de demande d’assistance technique est relativement fréquent et très apprécié de la part des gestionnaires d’ouvrage qui se doivent d’intervenir de manière rapide et adaptée dans ces situations d’urgence.
Pour répondre à ces sollicitations, le Cerema IdF dispose de personnels compétents, rodés à l’inspection des ouvrages dans toutes les conditions, disponibles à toute heure, ainsi que de matériels opérationnels mobilisables très rapidement.